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30 janvier 2020 4 30 /01 /janvier /2020 01:40

 

On peut observer que la formulation de cette question est réellement tronquée : la question qui se pose ainsi et ici, pour des raisons qu’on va indiquer, en implique une autre, celle du pour quoi, malheureusement sacrifiée sur l’autel des contraintes stylistiques. Dans ce cas, la question qui mérite véritablement d’être posée est à la fois celle du pourquoi et du pour quoi.

        1-Pourquoi s’émouvoir de l’assassinat d’un enseignant ?

        Comment y répondre aisément quand on fait partie de la démographie des enseignants, c’est-à-dire des êtres susceptibles d’être aussi assassinés même par leurs propres élèves, sans qu’on fasse preuve de partialité ? Comment pouvoir répondre de façon pertinente à cette question sans donner l’impression, probablement fausse, que l’être de l’enseignant est répertorié dans le registre particulier d’une supra-humanité à l’intégrité de laquelle nul ne doit, sous aucun prétexte, attenter ?

En attendant d’établir que l’humanité de l’enseignant est si exceptionnelle qu’il est tout à fait interdit d’y attenter, la question liée à la justification de cette exceptionnalité demeure.

 

        2-Pour quoi s’émouvoir de l’assassinat d’un enseignant ?

        S’il est malaisé d’affirmer que l’enseignant est un être dont l’humanité est d’une exceptionnalité telle que la société et l’Etat doivent lui garantir absolument la sécurité vitale et existentielle, au risque de susciter et d’exaspérer l’envie et la jalousie de ceux qui font partie des autres corps de métier, il y a lieu de dire que la finalité de l’émotion dont l’assassinat d’un enseignant peut être publiquement l’objet se comprend pour les raisons suivantes : assassiner un enseignant, c’est-à-dire celui dont la mission pédagogique, éthique et politique est de collaborer à la bonne structuration de la société et de l’Etat, en référence à une axiologie précise dans la perspective de réaliser ou de produire une humanité et une citoyenneté bien déterminées, c’est obturer les possibilités ou les heureuses opportunités qui s’offrent à la société et à l’Etat à travers les missions d’un enseignant.

Si on doit particulièrement et considérablement s’émouvoir de l’assassinat d’un enseignant, c’est parce que l’avenir de la société et de l’Etat ne peut pas ne pas en pâtir, compte tenu du fait qu’il est au fondement de ces institutions. Qui peut, par exemple, se targuer d’être devenu ceci ou cela en marge de la formation humaine et citoyenne de tel ou tel enseignant de la maternelle, du primaire, du secondaire ou du supérieur ? Quel sens pouvons-nous espérer donner à la société et à l’Etat si ceux qui sont chargés de les structurer avec bonheur peuvent désormais être cyniquement assassinés même par leurs propres élèves ?

        L’assassinat d’un être humain, quel qu’il soit ou qui qu’il soit, est aussi aberrant que la condamnation de ce dernier à mort. Assassiner ou condamner à mort un être naturellement sujet à mourir revient à donner l’impression que la nature, qui a pourtant bien programmé son existence dans l’intervalle de la génération et de la corruption, risque de faillir à ses devoirs métaphysiques. En croyant pouvoir l’aider à résoudre un problème par rapport auquel ses compétences ne souffrent pourtant d’aucune restriction, on se trompe véritablement et considérablement de chapitre.

 

 

Prof. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1(Cameroun)

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