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6 octobre 2009 2 06 /10 /octobre /2009 02:12

Article publié dans Ethiopiques. Revue négro-africaine de littérature et de philosophie, N° 82, 1er semestre 2009, pp. 171-193.



Par pantagonisme, nous désignons la globalisation de la logique agonistique, remarquable à travers le bellicisme général qui se vérifie quotidiennement dans l’intersubjectivité tumultueuse des couples, des parents ou des voisins, dans l’intercommunauté critique des groupes ethno-identitaires ou dans les rapports problématiques que les peuples et les États entretiennent. Qu’il s’agisse de l’ « agression gratuite, impulsive, excessive, déraisonnable ou démesurée » [2] ou de la contrainte qu’on exerce sur la volonté d’un individu, d’un peuple ou d’un État pour le dominer et l’exploiter, la violence et la paix sont généralement antinomiques. L’injure, l’insulte ou l’imprécation qu’on profère verbalement ou gestuellement à autrui sont symptomatiques de la crise de la paix qui sévit dans la psychologie de celui qui les profère. Elles traduisent sa volonté d’aliéner la paix de l’âme de celui à qui il les destine. La violence est donc l’expression évidente de la crise de la paix intérieure de celui qui l’instrumentalise à des fins de domination, d’exploitation ou d’annihilation. Elle est également la preuve objective que l’intersubjectivité, tout comme l’intercommunauté, est en demande de paix. Celle-ci ne peut donc se définir que contrairement ou contradictoirement par rapport à la violence, même s’il y a des formes de violence destinées à sa restauration ou à sa protection. L’omniprésence de la violence dans les rapports humains est un facteur de disharmonie, quand elle ne prédispose pas, dans sa forme paroxystique qu’est la guerre, le monde au chaos. Parce qu’elle est transgressive des conventions communes, la violence véhicule des charges de dissolution de la société ou d’aliénation de l’humanité. C’est cela qui explique sa condamnation en dépit de la passion morbide que le genre humain éprouve pour elle et cette théâtralisation de l’horreur paradoxalement érotisée dans des œuvres d’art.
La violence et la paix relèvent donc de deux dynamiques opposées et même contradictoires : la dynamique de la violence est symptomatique de la crise de la paix, tandis que celle de la paix révèle l’absence de la violence. Comment pouvoir donc substituer à la culture de la violence l’éthique de la paix dans un monde évidemment gouverné par la logique agonistique ? Comment promouvoir l’éthique de la paix si la violence est l’expression de la dynamique de la vie et de l’histoire ? [3] Est-il possible, dans ce cas, de construire solidement et durablement le vivre-ensemble global sur le mode de la paix sans aliéner la vie et sans devoir mettre fin à l’histoire ?
Le problème de la promotion de l’éthique de la paix est celui de la définition des modalités d’éradication, sinon de réduction de la culture de la violence. La détermination de telles modalités exige au préalable qu’on procède à la phénoménologie des violences locales et des terreurs globales qu’elles suscitent, par-delà la querelle des anthropologies et la guerre des ontologies.

 

 

Pr. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1 (Cameroun)

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