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8 décembre 2006 5 08 /12 /décembre /2006 17:24


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A paraître bientôt dans un numéro des Mélanges dédiés au Professeur Joseph-Marie Essomba

 

 

 

Introduction

 

 

            Doit-on s’entretuer pour Dieu ? La réponse à cette question est, peut-on dire, déjà contenue dans le Décalogue. En effet, dans Exode 20, verset 13, tout comme dans Deutéronome 5, verset 17, il est formellement interdit de tuer pour quelque raison que ce soit.  « Tu ne tueras point » est la formulation impérative de cet interdit qui ne s’accommode d’ailleurs d’aucune restriction. Mais, si cette question se pose, c’est parce que l’histoire est constamment le théâtre de tragédies prétendument saintes, en contradiction avérée avec l’éthique impérative du Décalogue. C’est paradoxalement au nom de Dieu que le fanatisme et le prosélytisme justifient les persécutions religieuses et les guerres saintes. Ce paradoxe appelle à réfléchir ; il exige qu’on comprenne la raison d’être des persécutions, des guerres de religions et de toutes les tueries que les hommes organisent au nom de Dieu, comme s’ils sacrifiaient à des rites macabres destinés à contenter les appétits cannibales du dieu terrible qu’ils adorent. Comment pouvoir comprendre les motivations des fanatiques dans le temps et dans l’espace, et dont les croisades ou les djihads donnent l’impression que l’expression de la piété de certains croyants est très dangereuse pour d’autres ? Peut-on raisonnablement honorer et adorer Dieu au prix du sang et de la vie de ses autres créatures ? Autrement dit, est-il pertinent de mourir ou de tuer au nom de Dieu dont l’éthique théologique proscrit pourtant ce genre de sacrifice ?

Pour répondre à cette question, il nous incombe d’abord le devoir méthodologique d’identifier les motivations du fanatique religieux.


 

Le fanatique religieux peut se définir comme celui qui, après avoir substantialisé et absolutisé son credo, lui donne une âme immuable et l’enferme dans une clôture spirituelle dont il protège l’accès même au sacrifice soit de sa vie, soit de celle de ceux qui ont la témérité de l’interpréter différemment de lui ou qui ont l’audace de prendre des libertés par rapport à lui, en adoptant par exemple des attitudes schismatiques ou hérétiques.

Pour comprendre l’intolérance du fanatique religieux, prêt non seulement à mourir pour Dieu, mais aussi à répandre la terreur et la mort en son nom, nous allons vérifier un certain nombre d’hypothèses. La vérification de celles-ci pourrait nous permettre d’accéder à l’intelligibilité du comportement du fanatique religieux à partir de ses motivations, quitte à pouvoir évaluer la pertinence de ce qui passe pour des crimes « sacrés », pourtant commis en violation flagrante de l’un des dix commandements de celui au nom de qui ils sont paradoxalement effectués dans le temps et dans l’espace.

Ceux qui se constituent légionnaires terrestres d’un Dieu dont les autres ont, croient-ils, l’audace impie de transgresser les lois, sont convaincus d’exécuter, même sans mandat théologique, sa volonté dans l’histoire. S’ils s’arrogent ce droit, c’est parce qu’ils se figurent investis tacitement de la mission de reconquérir, manu militari s’il le faut, le royaume de Dieu anormalement occupé par les mécréants, les suppôts de Satan ou les fils d’Ibilîs. Ce qu’ils se chargent volontairement de faire, avec beaucoup de zèle, est, croient-ils, l’obligation religieuse que doivent nécessairement assumer tous ceux dont la foi est ferme et assurée. Ceux-là ont le devoir de restaurer, par tous les moyens, l’orthodoxie, prévenir l’impudence des mécréants ou réduire l’arrogance hérétique des libres-penseurs.

Suivant cette logique, l’idolâtre, le superstitieux ou l’impie, c’est l’autre qu’il faut convertir à tout prix, au besoin l’effacer de la surface de la terre, afin qu’il n’infecte de son idolâtrie, de sa superstition ou de son impiété la noble foi de soi. Suivant une justice distributive qui répartit les mérites en fonction de la piété, les fidèles ont droit à la vie pendant que les infidèles méritent la mort. Dans les versets 186 à 189 de la Sourate 2 du Coran, il est par exemple, impérativement demandé aux adeptes de l’islam de combattre et même de tuer, « dans la voie d’Allâh », les incroyants et ceux qui commettent l’injustice. « Tuez-les, leur est-il formellement prescrit, partout où vous les trouverez et chassez-les d’où ils vous auront chassés ; car la sédition est pire que le meurtre. Mais ne les combattez pas auprès de la Mosquée Sainte, à moins qu’ils ne vous y attaquent. S’ils vous y combattent, tuez-les ; c’est la récompense de ceux qui sont incroyants ».

Le postulat théologique d’un mal dont l’importance est telle qu’on ne peut l’éradiquer que par la force des armes, en détruisant, au besoin la vie de ceux qui l’incarnent et le répandent dans le temps et dans l’espace à travers leurs péchés ou leur infidélité envers Dieu, explique généralement le fanatisme religieux. La postulation de l’existence d’un monde qu’il faut impérativement soustraire à la domination du mal est diabolisante en soi : en se persuadant que le mal qu’il faut résorber est le fait de l’Autre préalablement démonisé ou diabolisé, la légion terrestre de Dieu chargée de réaliser cette importante opération de salubrité spirituelle et éthique est persuadée qu’elle incarne absolument le Bien. Fort de cette persuasion, la légion terrestre de Dieu s’imagine que c’est aussi elle qui doit exclusivement assurer l’intermédiation entre le monde temporel – qui court le risque d’être dominé par les mécréants et plongé, par conséquent, dans le chaos – et le royaume divin. Cette persuasion peut permettre de comprendre la transmutation paradoxale du « Tu ne tueras point » du Décalogue en « Tu devras mourir ou tuer pour la gloire de Dieu ».

Si la légion terrestre de Dieu constituée de fanatiques religieux fait souvent preuve de beaucoup d’intolérance et de violence, c’est aussi parce qu’elle prétend être la seule qualifiée pour servir adéquatement les intérêts de Dieu dont elle croit avoir précisément et exclusivement sondé les desseins. La grâce que Dieu aurait faite à ses divers membres en leur donnant la possibilité de lire ses volontés de façon appropriée au terme d’une approche exégétique dont ils ont exclusivement le code, est une élection à la fois particulière et mystérieuse qui assurerait aux membres de la légion terrestre de Dieu une supériorité absolue sur les autres créatures du même Dieu. Cette supériorité est un privilège qui ne leur garantirait pas seulement des droits ; elle leur imposerait également des devoirs, notamment celui de contraindre les autres à suivre la voie que Dieu leur aurait mystérieusement révélée. La voie qu’il recommanderait de suivre, c’est la vraie voie, c’est-à-dire celle-là que les fanatiques religieux prétendent suivre effectivement parce qu’ils se figurent en connaître le sens. Ainsi, les religions qui diffèrent des leurs passent pour des idolâtries à combattre, des impasses superstitieuses dans lesquelles s’égarent inévitablement ceux qui n’ont pas, comme eux, le privilège de connaître Dieu et de pouvoir identifier ses desseins. Ceux dont ils jugent la foi tiède et tous ceux qui ont l’impudence d’entretenir des opinions hérétiques ou des convictions hétérodoxes, sont considérés comme des ennemis à abattre. Émarger dans l’hétérodoxie, en relativisant le credo que les fanatiques religieux ont absolutisé et sacralisé, est pour ces derniers un véritable casus belli. Ceux qui se rendent coupables de l’imputation d’impiété n’ont donc pas le droit d’exister dans un monde que Dieu a conçu et réalisé par amour pour ses créatures fidèles.

Historiquement, les guerres de confessions qui ont considérablement ensanglanté l’ancienne Arabie, étaient surtout consécutives à l’ethnocentrisme irréductible des communautés qui s’entretuaient au nom de Dieu. Les persécutions dont les chrétiens furent l’objet à Rome n’étaient pas dues aux allégations officielles, ni à la rumeur malveillante selon laquelle ils sacrifiaient et mangeaient de petits enfants durant la sainte Cène. En effet, la terreur et les persécutions dont les chrétiens furent l’objet dans l’empire romain pendant près de 250 ans s’expliquaient surtout par l’intolérance religieuse des Romains de l’époque. Le refus exprimé par les chrétiens d’adorer les dieux romains leur valut toutes sortes de châtiments dont la conséquence fut qu’on les plaça devant une alternative très rigide consistant soit à renoncer au christianisme, soit à souffrir ou à mourir pour leur foi. Pendant deux siècles et demi, rapporte Jeannine Olson, « Les chrétiens risquèrent de voir leurs biens confisqués, d’être torturés, enchaînés dans des cachots, envoyés aux travaux forcés dans les mines ou les galères, d’être crucifiés, brûlés vifs, ou déchirés par des animaux sauvages devant des milliers de spectateurs dans les grands cirques romains. »

Si, comme le dit si bien Louis Veillot, « certaines causes meurent parce qu’on n’a pas voulu mourir pour elles », doit-on vraiment s’entretuer pour la cause de Dieu ? Ainsi formulée, la question peut paraître à la fois non pertinente et suspicieuse ; elle peut donner l’impression que Dieu ne vaut pas la peine qu’on s’entretue ou qu’on meure pour lui. Si Dieu est un absolu pour lequel il vaut certainement la peine de mourir, tuer en son nom est fort problématique.

Nous pensons qu’il n’y a pas de raison suffisamment valable pour confirmer l’une ou l’autre des hypothèses sus-évoquées. La difficulté qu’il y a à pouvoir commuer en thèses pertinentes de telles hypothèses, sans transgresser l’un des impératifs divins du Décalogue, nous motive à chercher, en dehors d’elles, les véritables raisons qui expliquent que les hommes continuent de mourir et de s’entretuer paradoxalement au nom de Dieu, c’est-à-dire en référence à un être qui est, suivant les saintes Écritures, l’incarnation de l’amour, de la bonté et de la miséricorde.

 

II- Les véritables raisons des prétendues saintes tragédies de l’histoire

 

 

         La thèse de l’élection particulière dont jouiraient certains de la part d’un Dieu qui répartit ses grâces en fonction du voile de mystère dont il enveloppe sa prédilection, laisse penser que ses élus sont investis de la mission de réaliser sa volonté dans l’histoire, même s’il faut, pour cela, qu’ils tuent leurs semblables ou se fassent tuer par eux. Cette thèse relève réellement, suivant les termes de David Hume, des « mensonges renommés » qui prospèrent aisément quand les gens sont « extrêmement ignorants et stupides, et prêts à avaler même la plus grossière tromperie. » De tels mensonges cachent mal les véritables enjeux idéologiques et politiques qui sont généralement à l’origine des saintes tragédies que les hommes organisent en contradiction flagrante avec le « Tu ne tueras point » du Décalogue.

La volonté hégémonique d’un credo à laquelle résistent des communautés ou des peuples qui ont adopté d’autres confessions ou qui adorent d’autres dieux, a tendance à s’exprimer par la terreur ou à répandre l’horreur pour s’imposer. La spiritualité qu’on tient à instaurer et à promouvoir au moyen de cette pédagogie à la fois terrifiante et horrible s’inscrit, en réalité, dans un ordre idéologique subordonné à la volonté de domination politique de ceux qui l’établissent par la contrainte. Dieu est, dans ce cas, le prétexte théologique honorable ayant pour fonction idéologique d’asseoir efficacement un ordre de domination politique dont les fondements seraient d’autant plus solides qu’ils sont d’inspiration divine. Dans l’ancienne Arabie, par exemple, les guerres que Josué menait au nom de Yahvé n’avaient pas seulement pour but de protéger les Hébreux contre les contacts exotiques et spirituellement corrupteurs des Sidoniens, des Ammonites, des Moabites, des Amalécites, des Bédouins et des Philistins. Le prétexte officiel des conquêtes de Josué était la promotion par le peuple élu de la religion de l’esprit, à travers la réduction de la superstition des idolâtres qui vouaient, par exemple, un culte à Baal, à Astarté, à Milcolm et à Kemosh.

Mais, les motivations réelles de ces conquêtes religieuses étaient surtout politiques : les pressions militaires que Josué exerçait sur les Cananéens étaient subordonnées à la recherche d’un espace vital. C’est pour s’approprier, au profit des diverses tribus d’Israël, le territoire des Cananéens, la fameuse terre promise où étaient censés couler le lait et le miel, que Josué s’investissait, au nom de Dieu, dans ces guerres prétendument saintes. La terre à conquérir par le fer et le feu devait revenir au peuple élu, celui dont la toute-puissance de son dieu se vérifiait par ses succès militaires, notamment par la prise de Jéricho, d’Aï, de Gabaon, de Makkéda, de Libna, d’Hébron, etc. L’ordre de domination qu’on imposait aux Cananéens leur était présenté comme voulu par Yahvé. Puisqu’ « il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu », ou parce que « les autorités qui existent ont été instituées de Dieu », l’ordre de domination que les Hébreux imposaient à leurs voisins par la terreur et la mort était établi au nom de Dieu.

Les guerres de confessions qui s’effectuaient dans l’ancienne Arabie et même au-delà de cette partie du monde, avaient, comme nous l’avons déjà montré, des enjeux politiques : chaque communauté s’évertuait à prouver qu’elle était la plus puissante parce que son dieu était tout puissant. La domination politique était assurée à la communauté dont la toute-puissance de son dieu se justifiait par des victoires militaires. Étant donné que c’est celui qui commande qui impose sa religion (cujus regio ejus religio), le vaincu était dans l’obligation d’adopter le credo du vainqueur. C’est ce qui arriva, par exemple, aux Hébreux, après la destruction de Jérusalem par Nabuchodonosor. Les Babyloniens imposèrent aux captifs hébreux leur croyance religieuse. C’est aussi ce qui arriva aux Moabites, aux Ammonites, aux Amalécites, etc., lorsqu’ils furent militairement vaincus par les Hébreux. C’est  toujours pour cette raison qu’Aschpenaz, le chef des eunuques du roi babylonien, châtiait ceux des Hébreux en captivité qui, comme Daniel, Hanania, Mischaël et Azaria, continuaient à vouer un culte de Yahvé, considéré par lui comme le dieu d’une minorité de faibles et de vaincus. Pour Aschpenaz, ces captifs devaient plutôt vouer un culte à Baal, le dieu des vainqueurs et de la majorité. Le refus exprimé par Daniel et ses codétenus d’adorer la statue d’or faite par Nabuchodonosor, leur valut d’être finalement condamnés à mort.

            Les persécutions dont les chrétiens furent l’objet dans l’empire romain étaient surtout dues à des raisons d’ordre politique : le fait pour eux de préférer leur Dieu aux dieux romains et d’adorer le Christ et non l’empereur, était à la fois impie et subversif. On ne pouvait, tout au moins avant l’empereur Constantin, être fidèle à l’État sans adorer à la fois les dieux de l’empire et les empereurs romains.

            En dehors des contradictions qui opposent souvent les catholiques aux protestants en Irlande, les musulmans aux chrétiens dans certains États du Nigeria ou dans la région méridionale du Soudan, etc., les guerres de religion ne sont plus aussi importantes aujourd’hui que par le passé, masquées qu’elles sont de plus en plus par des conflits idéologiques d’un tout autre ordre. Cependant, le fanatisme idéologique suscite actuellement dans le monde des guerres qui ne sont pas moins dangereuses que les prétendues saintes tragédies sus-évoquées. La transmutation des guerres de confessions en conflits axiologiques n’est pas un gage de paix. La guerre du Bien contre le Mal que le monde prétendument libre mène contre les États voyous (Rogue States) et le terrorisme, illustre bien cela. Ceux qui s’investissent dans de telles guerres prétendent incarner le Bien et se figurent que leur mission historique est de le promouvoir, s’il le faut, par la force des armes. Ceux qu’ils combattent allèguent également qu’ils protègent le monde contre le Mal ou la pollution éthique. La réponse que le monde dit libre et les terroristes apportent respectivement à la question relative à l’identification de la figure du Bien ou du Mal, est très commode dans le cadre de la diabolisation rapide de l’Autre. Quelle qu’elle soit, une telle réponse est problématique dans la mesure où elle ne nous sort pas de l’antinomie des arguments qui la constituent. En tranchant le monde à la hache, on obtient seulement de ce partitionnement deux morceaux auxquels on affecte, suivant son propre jugement, deux valeurs éthiques contradictoires. L’impropriété de ce procédé qu’Anaxogore de Clazomènes dénonçait déjà chez Parménide, réside dans son manichéisme : celui sur qui pèse l’imputation d’incarner le Mal est péremptoirement condamné à mort par celui qui se prend pour la figure anthropologique du Bien.

L’intérêt philosophique de la réponse à la question de savoir qui incarne le Bien ou le Mal est qu’elle réactive le vieux débat portant sur le droit de s’entretuer au nom de Dieu ou pour le Bien. De toute évidence, le fanatique religieux, tout comme le militant du Bien, y participe, non sans avoir pris soin d’assimiler les fins politiques ou économiques qu’il a en vue à la cause spirituelle ou idéologique pour la défense de laquelle il se montre très intolérant et particulièrement violent.

La volonté de résoudre les contradictions dont l’histoire est le théâtre par l’institution d’un ordre spirituel ou éthique susceptible d’instaurer la justice et la paix est certes très louable. Le désespoir du fanatique religieux est également fort compréhensible, surtout lorsque le silence de Dieu par rapport au Mal contre lequel il lutte souvent au prix de sa propre vie peut sembler à la fois très embarrassant et fort préoccupant. Mais, l’inconséquence du fanatique religieux consiste à désespérer de Dieu parce que l’exécution de sa justice se fait toujours attendre dans un monde dont les autres, c’est-à-dire les mécréants, les impies, les idolâtres et les superstitieux, risquent de se « rendre comme maîtres et possesseurs », et à organiser pourtant des tragédies en son nom. Cette inconséquence se comprend mieux dans le cadre de ce que Kant appelle la « folie religieuse » du « faux culte » de Dieu qu’il s’agit de dépasser si on veut éviter le fanatisme religieux, symptomatique de la pathologie de l’intolérant. Par « folie religieuse » qu’il oppose au « principe moral de la religion », Kant entend « tout ce que l’homme pense pouvoir faire, hormis la bonne conduite, pour se rendre agréable à Dieu ». Si, d’après ce philosophe, la « folie religieuse » trouve sa cause dans l’anthropomorphisation de Dieu et dans la volonté affirmée par nous de l’instrumentaliser à notre profit, notamment lorsque, dit-il, « nous nous fabriquons un Dieu comme nous pensons pouvoir le gagner plus facilement à nos intérêts », elle s’explique surtout par l’empressement fanatique avec lequel nous voulons nous rendre agréables à lui.

Mais comment pouvoir conformer sa conduite au « principe moral de la religion » pour éviter l’intolérance pathologique du fanatisme religieux ? Autrement dit, comment « se rendre agréable à Dieu », tout en évitant de sombrer dans le fanatisme ou dans une intolérance pathologique ? Se poser ces questions revient à savoir comment prévenir ou éviter l’intolérance pathologique du fanatique religieux pour qui la différence des confessions est une raison suffisante pour s’entretuer.

 

III-De l’intolérance à la tolérance religieuses : la thérapie appropriée à la pathologie du    fanatique

 

Si le fanatisme religieux est la pathologie de l’intolérant, c’est moins parce que l’intolérant n’est pas apte à relever les défis historiques dont s’accompagne l’hétérogénéité confessionnelle que parce la morbidité de son agir est due à l’érection narcissique de son credo en absolu. Les dangers dont cette pathologie est assortie exigent une thérapie appropriée, afin que la violence à laquelle prédispose la crise de la tolérance qui continue de sévir dans le monde ne finisse pas par porter un coup fatal à l’humanité.

            En tant que principe moral de toute religion, le concept de Dieu ne se réfère pas à la violence. L’analyse de ce concept n’implique jamais la nécessité de tuer ou de s’entretuer, quel que soit le cas. Ceux qui, dans leur accès de piété, sacrifient leur vie ou celle de leurs semblables, ne peuvent pas suffisamment légitimer leur barbarie en se contentant de lui donner une estampille théologique. Convoquer Dieu pour justifier l’intolérance et la violence est tout à fait absurde. C’est cette absurdité que dénonce Voltaire dans le Traité sur la tolérance. En se fondant sur l’universalité du principe suivant : « Ne fais pas ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît », Voltaire affirme qu’aucun homme n’a le droit de dire à un autre : « Crois ce que je crois, et ce que tu ne peux croire, ou tu périras » ; « Crois, ou je t’abhorre ; crois ou je te ferai tout le mal que je pourrai ; monstre, tu n’as pas ma religion, tu n’as donc point de religion : il faut que tu sois en horreur à tes voisions, à ta ville, à ta province. » Voltaire conclut sa critique de l’intolérance religieuse en ces termes : « Le droit de l’intolérance est donc absurde et barbare : c’est le droit des tigres, et il est bien horrible, car les tigres ne déchirent que pour manger, et nous sommes exterminés pour des paragraphes. »

La critique voltairienne de l’absurdité de l’intolérance religieuse prospère philosophiquement sur un terrain conceptuellement déjà bien balisé au XVIIe  siècle par John Locke. Dans sa Lettre sur la tolérance, Locke critique sévèrement le fanatisme religieux au moyen d’une éthique de la tolérance qui se fonde sur deux ordres de distinction :

1) la distinction entre l’Église dont l’autorité est ecclésiastique et l’État dont l’autorité est civile ;

2) la distinction qui existe, par conséquent, entre le « ministre de l’Église », chargé de soigner les âmes, et le « magistrat civil » qui s’occupe plutôt des affaires publiques.

D’après Locke, « Il nous faut considérer ce que le devoir de tolérance exige de ceux qui se distinguent du reste de l’assemblée, des laïques, comme ils aiment à dire, par quelque caractère ou par quelque fonction ecclésiastique, qu’ils soient évêques, prêtres, diacres ou ministres, ou qu’ils se présentent sous quelque autre nom analogue (…). Quelle que soit l’origine de leur autorité, comme elle est ecclésiastique, elle doit s’exercer à l’intérieur des frontières de l’Église et elle ne peut s’étendre en aucune façon aux affaires civiles, étant donné que l’Église elle-même est absolument distincte et séparée de l’État et des affaires civiles. Les limites de l’un et de l’autre sont fixes et immobiles. Celui qui confond deux sociétés si différentes par leur origine, par leur fin, par leur objet, mélange les choses les plus diamétralement opposées, le ciel et la terre. C’est pourquoi, personne, de quelque charge ecclésiastique qu’il soit revêtu, ne saurait punir pour des motifs religieux un homme étranger à son Église et à sa foi et le frapper dans sa vie, dans sa liberté ou dans une partie quelconque de ses biens terrestres. En fait, ce qui n’est pas permis à une Église dans sa totalité, ne peut devenir permis, en vertu d’un droit ecclésiastique, à aucun de ses membres. »

Étant donné que l’État « est une société d’hommes constituée à la seule fin de conserver et de promouvoir leurs biens civils », aucune personne privée n’a le droit d’aliéner, même pour la gloire de Dieu, ce que Locke appelle la propriété ou les « biens civils » d’une autre, c’est-à-dire sa vie, sa sécurité, sa liberté et son avoir. Pour ce philosophe, c’est le magistrat civil qui incarne exclusivement la force de la loi. Pour cette raison, l’usage de celle-ci n’est reconnu, sous quelque prétexte que ce soit, à aucune personne privée. C’est cela que Locke exprime sous la forme de cet impératif philosophique : « Aucune personne privée ne doit en aucune façon porter atteinte aux biens civils d’autrui ou les détruire sous prétexte qu’il professe une autre religion ou pratique d’autres rites. Tous ses droits d’homme et de citoyen doivent lui être conservés comme des droits sacrés ; ils ne relèvent pas de la religion : on doit se garder de faire violence ou de faire tort aussi bien à ce chrétien qu’à un païen. »

L’éthique de la tolérance religieuse que défend Locke à travers le principe de la liberté universelle de culte, et à la protection et à la promotion de laquelle le magistrat civil qui incarne l’État doit constamment veiller, est également applicable dans les rapports que les Églises doivent entretenir entre elles. L’application de cette éthique de la tolérance religieuse aux relations existant entre les différentes Églises positives doit toujours respecter la frontière qu’il y a entre l’Église et l’État, sous peine de voir l’Église interférer dans les affaires civiles. « Aucune, dit-il, n’a le droit sur une autre, même si le magistrat civil fait partie de l’une des deux : puisque l’État ne peut attribuer aucun droit nouveau, que le magistrat entre dans l’Église ou qu’il en sorte, l’Église demeure toujours la même qu’auparavant, une société libre et volontaire ; lorsque le magistrat y entre, elle n’acquiert pas le pouvoir du glaive ; lorsqu’il en sort, elle ne perd pas la faculté qu’elle avait auparavant d’enseigner et d’excommunier. Ce sera toujours un droit immuable, que possède une société qui s’est formée d’elle-même, de pouvoir exclure d’entre les siens ceux qu’elle a cru bon d’exclure : mais elle ne saurait acquérir aucune juridiction sur des hommes qui lui sont étrangers, quels que soient ceux qui embrassent son parti. C’est pourquoi la paix, l’équité et l’amitié doivent être toujours cultivées sans privilège et dans un esprit d’égalité, entre les diverses Églises, tout comme entre de simples particuliers. »

Si l’intolérance et la violence du fanatique religieux sont tout à fait absurdes, c’est parce que la religion a, étymologiquement parlant, une double référence qui exclut l’idée qu’on puisse, au nom de Dieu, persécuter l’Autre. C’est cette double référence psychologique et morale que nous rappelle Régis Debray dans Les communions humaines. Dans son sens premier en latin, rappelle-t-il, le terme religio désignait le « scrupule » et non la relation privilégiée avec Dieu. Se référant à Émile Benveniste et à Georges Dumézil, il montre que dans son sens archaïque, religio  renvoyait beaucoup plus à « cette hésitation qui retient » ou à « un scrupule qui empêche », mieux à cette « hésitation inquiète devant la manifestation qu’il faut avant tout comprendre » qu’à « l’ensemble des rapports de l’homme avec l’invisible ».

Cette analyse étymologique du terme religion nous permet donc raisonnablement de penser qu’en perdant, au cour de son évolution sémantique, son sens étymologique, au point que le « scrupule » qu’elle désignait d’abord ait fait place nette à son contraire, la religion est devenue, surtout sous l’effet de l’intolérance et du fanatisme, le terreau fertile pour une violence en contradiction non seulement avec cette référence psychologique et morale initiale, mais aussi avec le besoin de nouer un pacte spirituel privilégié avec la transcendance. Aussi ne s’embarrasse-t-on plus de scrupules pour exercer une véritable inquisition sur l’Altérité lorsqu’elle apparaît comme la figure de la différence confessionnelle. Au lieu que cette différence soit l’occasion d’inviter ou de convoquer l’Autre au chantier de la construction de la relation spirituelle qu’on veut entretenir avec Dieu, le fanatique religieux prend plutôt « l’épiphanie de l’Autre » pour le motif de la provocation de celui qu’il considère comme l’un des vecteurs de la pollution spirituelle et morale d’un monde qu’il faut à tout prix assainir, dût-il, pour cela mettre simplement l’Altérité à mort.

Pour prévenir ou éviter la pathologie caractéristique de l’intolérance du fanatisme religieux, il faut donner au concept de Dieu la possibilité de fonctionner dans les mentalités comme un concept fédérateur pouvant ressourcer spirituellement et moralement l’humanité dans la recherche et la réalisation des valeurs paradigmatiques comme la Justice, la Paix, l’Amour ou le Bien. C’est la nature du rapport des diverses confessions à ces valeurs paradigmatiques qui devrait servir de critère de vérification de leur pertinence. Conçu, aux plans spirituel et éthique, comme cet invariant structurant autour duquel les divers modes d’expression de la piété sont appelés à graviter paisiblement, Dieu apparaît alors comme ce vers quoi les hommes devraient tous s’efforcer de tendre, ne fût-ce qu’asymptotiquement, au lieu de s’investir, en son nom, dans d’absurdes entreprises de destruction mutuelle.

Si nous admettons que Dieu est le référentiel spirituel et éthique des hommes qui aspirent à la perfection, personne ne peut plus prétendre incarner exclusivement les valeurs que le concept de Dieu subsume, au point de se croire investi de la mission de réformer ou de corriger les défauts présumés de la spiritualité et de l’éthique de l’Autre, en violentant ou en exterminant ceux qu’il prend pour les propagateurs du péché et du Mal dans l’histoire. L’expression intolérante et violente du conatus de chaque credo s’explique par la conception erronée que ses fanatiques se font de Dieu. Pour pouvoir prévenir leur intolérance, il faut que l’humanité entreprenne de s’émanciper non seulement des théologies exclusivistes et diabolisantes, mais aussi de la croyance en un Dieu instrumental dont nous avons tendance à nous approprier exclusivement la providence dans le cadre du traitement de nos intérêts particuliers, donc dans l’indifférence absolue du devenir global de l’humanité. C’est l’instrumentalisation de Dieu à des fins particulières qui explique, entre autres, pourquoi, tout en prétendant servir Dieu, les hommes exploitent plutôt cette référence théologique pour poser des actes contraires à ce que Kant appelle « la foi morale », qu’il oppose à la « foi statutaire », c’est-à-dire une foi réellement mercenaire. En se constituant, sans mandat théologique, légionnaire de Dieu et protecteur terrestre de sa Loi qu’il soupçonne les autres de transgresser à travers des croyances problématiques, le fanatique religieux compte, en bon mercenaire spirituel, jouir des dividendes de son zèle et de son fanatisme.

Pour nous, la thérapie appropriée au fanatisme, c’est l’éducation constante des hommes et des peuples à ce que Michael Walzer appelle la « la tolérance de la différence ».

Cette « tolérance de la différence » devrait s’opérer dans une perspective éthico-théologique qui prenne en compte l’enracinement de chaque credo dans les structures anthropologiques de ceux qui y adhèrent. La relativité des structures anthropologiques impliquant celle des credo, il devient absurde d’exercer une véritable inquisition sur autrui pour la simple raison qu’il est de confession différente. C’est par la prise en compte de la nécessité de l’hétérogénéité confessionnelle que pourra être réprimée, avec le temps, la tendance à l’absolutisation fanatique du credo de soi et à l’abomination dangereuse de celui d’autrui. C’est également ainsi qu’on ne trouvera plus pertinent de violenter ou de tuer son prochain pour assurer l’hégémonie de sa confession.

 


Conclusion

 

La pathologie de l’intolérant ou la « folie religieuse » dont parle Kant est due à l’erreur de jugement dont sont victimes les fanatiques religieux dans leur rapport à l’hétérogénéité confessionnelle. À cette erreur de jugement, il faut ajouter l’absolutisation et la sacralisation narcissiques par eux de leur propre credo auquel ils ont tendance à donner un statut hégémonique, dans l’oubli de la relativité historique des confessions, mais suivant des intérêts idéologiques et politiques sans aucune correspondance avec les références spirituelles et éthiques du concept de Dieu.

Nous pensons que tout cela peut être évité si les hommes cessent d’entretenir une conception instrumentale de Dieu à la gloire duquel ils prétendent collaborer, par le fer et le feu, alors qu’ils œuvrent plutôt à la sauvegarde de leurs intérêts particuliers. La contradiction essentielle des intérêts les amène alors à s’entretuer tout en se référant paradoxalement à ce qui devrait pourtant les relier ou les fédérer par l’amour et la concorde. Les hommes cesseraient de faire preuve de fanatisme et d’intolérance, s’ils faisaient l’effort de tendre vers la perfection spirituelle et morale à laquelle l’idée de Dieu renvoie, par-delà la différence des confessions et la contradiction des intérêts idéologiques et politiques. L’harmonie du village planétaire à la réalisation duquel ils doivent collaborer dépend de leur capacité à promouvoir une vision œcuménique des confessions dans la perspective de ce que Kant appelle, à juste titre, « la foi morale ». C’est dans l’effort d’articuler les différentes confessions autour de la même référence théologique, en les inscrivant, par exemple, dans la même chaîne de finalité spirituelle et morale, que les hommes peuvent éviter le fanatisme et la pathologie caractéristiques de l’intolérance religieuse.

 

Bibliographie

 

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- Voltaire, Dictionnaire philosophique, Paris, GF-Flammarion, 1964, pp. 358-360.

- Le Coran, tome 1, Sourate 2, verset 187.

- J. Olson, Histoire de l’Eglise. Vingt siècles et six continents,  Yaoundé, Editions Clé, 1972, pp. 31-32.

Cf. aussi, R. Debray, Les communions humaines. Pour en finir avec la « religion », Paris, Fayard, 2005, pp. 47-48.

- D. Hume, Enquête sur l’entendement humain, traduction de Didier Deleule, Paris, Nathan, Collection « Les Intégrales de Philo », 1982, p. 131.

- Cf. Josué 10, 12-43.

- Romains 13, verset 1. Cf. également Le Coran, Sourate 2, verset 248 : « Allâh donne la royauté à qui Il veut » ; Sourate 3, verset 25 : « O Allâh ! Roi du Royaume ! Tu donnes l’empire à qui Tu veux, et Tu enlèves l’empire à qui Tu veux ».

- Daniel 3, 1 et sq.

- Gérard Legrand nous rappelle qu’« Anaxagore reprochait à Parménide de trancher les choses à la hache ». Cf. Présocratiques, Paris, Bordas, Collection « Pour connaître la pensée de », 1970, p. 109.

- E. Kant, La Religion dans les limites de la simple raison, traduction de J. Gibelin, Paris, J. Vrin, 2e édition, 1952, quatrième partie, deuxième section, § II, pp. 224-225.

- Ibidem, quatrième partie, deuxième section, § I, p. 222.

- Ibid., quatrième partie, deuxième section, § I, pp. 222-223.

- Voltaire, Traité sur la tolérance, Paris, GF-Flammarion, 1989, p. 59.

- Ibid., p. 60.

- J. Locke, Lettre sur la tolérance, traduit du latin par Raymond Polin, Paris, Quadrige/PUF, 1999, p. 31-33.

- Ibid., p. 11.

- Ibid., p. 25.

- Ibid., p. 27.

- Cf. R. Debray, op. cit., pp. 50-51.

- Nous empruntons cette expression à Emmanuel Levinas.

- E. Kant, La Religion dans les limites de la raison, p. 221.

- Ibid., p. 223.

- M. Walzer, Traité sur la tolérance (1997), traduit de l’anglais par Chaïm Hutner, Nouveaux Horizons, 1998, p. 24.


Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1.

 

 

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