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30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 04:16

 

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Apparemment, ces deux institutions se rapportent sur le mode d’une logique confrontationnelle qui est d’abord remarquable au plan orthographique. Ce qui apparaît d’emblée, au plan orthographique, c’est que ces deux institutions se disputent les majuscules. En tant que Dieu mortel (Hobbes) ou Dieu terrestre (Hegel), l’État se refuse d’être dans une condition orthographique pitoyable. Aussi ne s’accommode-t-il pas d’un « e » minuscule qui passerait pour l’indice de perception de sa précarité politique là où il entend plutôt exprimer, même de façon bruyante et brutale, toute la force de la puissance publique qu’il incarne. L’Église, quant à elle, refuse d’être confinée dans les quatre murs d’une église particulière, lesquels pourraient non seulement étouffer son aspiration à l’hégémonie universelle, mais aussi aliéner la foi qu’elle a l’ambition spirituelle de promouvoir pour le bien de la terre et de ses occupants. Idéologiquement, la confrontation entre l’État et l’Église, qui tarde à se résorber dans le temps, déborde la simple dispute orthographique subordonnée à l’appropriation exclusive des majuscules par l’une ou l’autre de ces deux institutions. En effet, chacune d’elle allègue soit la majesté, soit la sainteté de ses références pour soumettre l’autre à son code. On a beau rappeler à l’Église que ses références s’inscrivent dans une sphère tout aussi privée que la sphère affective et qu’elle doit rester chez elle pour permettre à l’État d’exister chez lui (Victor Hugo), elle estime qu’en vertu de la primauté du sacré sur le profane, du céleste sur le terrestre, le dernier mot doit lui revenir lorsqu’il faut apporter des réponses aux diverses questions de sens qui se posent en politique. Se garder, dans ce cas, de violer (même légitimement) l’auguste domicile politique de l’État, suivant le principe d’un droit d’ingérence éthique et politique, revient à se rendre complice des bigarrures des gouvernances en mal de perspective humaine. Fort de la puissance publique qu’il incarne, notamment dans les républiques dignes de ce nom, l’État estime qu’il est de son droit de faire entendre raison à une particule sociale d’essence théologique qui s’arroge le droit de lui dicter, sur la base de simples références scripturaires, la conduite à tenir. La solution au problème de la cohabitation entre la raison d’État et la raison d’Église est-elle donc la théocratie ? On peut être enclin à le croire si on se réfère à la Bible (Romains 13) ou au Coran (Sourate 2, verset 248 et Sourate 3, verset 25). Mais il y a des risques qu’il s’agisse là d’une mauvaise réponse, car la théocratie est la preuve politique de la subordination de l’État à l’Église. Au lieu de résoudre le problème de la cohabitation de ces deux institutions, la théocratie semble plutôt le différer en faisant primer le droit divin sur le droit civil. C’est en cessant de prendre Dieu pour la mesure de toutes choses et en se rappelant que l’État est un artifice rationnellement construit par les hommes pour résoudre les problèmes que leur créateur n’a pas prévus malgré son pouvoir de préscience, qu’on peut apporter à ce problème des solutions pertinentes.

 

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1 (Cameroun)

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