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8 décembre 2019 7 08 /12 /décembre /2019 02:50

Introduction

Peut-on articuler la créativité, l'innovation et le développement ? Si la disposition de ces notions, dans le cadre de cette réflexion, s’inscrit dans une concaténation qui laisse suggérer qu’il y a un rapport entre elles, quelle peut en être la nature ? S’il est admis, par hypothèse, qu’il y a un rapport entre ces trois notions, il se pose dans ce cas, le problème de savoir comment s’assurer le développement au moyen de la créativité, gage de l’innovation scientifique et technologique. Une telle problématique n’est nullement exclusive de cette autre : pourquoi créer, innover et se développer semblent-ils nécessaires à l’homme, à l’État et au monde ?

Pour pouvoir répondre à ces questions, il importe de procéder d’abord à l’analyse, par la définition, de ces notions. Le devoir de les soumettre à la sanction de l’analyse correspond au besoin d’accéder efficacement à l’intelligibilité de leurs rapports.

I-Question de définition

I.1-La créativité

Lorsqu’on parle de créativité en tant que possibilité de créer ou d’inventer, on convoque une notion théologiquement déjà référencée ; on se figure même qu’il s’agit d’une faculté de nature exclusivement théologique. Les références scripturaires parmi les plus connues, à savoir La Bible et Le Coran, établissent que Dieu ou Allah a magistralement donné la preuve de sa capacité à créer en suscitant le monde par un fiat. Ainsi, la créativité ou la capacité à créer s’explique par la possibilité de susciter le non-encore-là. C’est aussi le pouvoir d’enrichir ou de féconder, au moyen d’une valeur ajoutée, le déjà-là, l’existant ou le disponible, en y introduisant ce qui n’y figurait pas et qu’il fallait inventer pour combler suffisamment les attentes de l’homme.

À partir de cette définition, la créativité apparaît comme une aptitude divine ou poétique, celle qui fait que Dieu/Allah – et que reproduisent l’artiste et le héros – puisse transformer, grâce à son génie, le non-être en être. Si Dieu/Allah, l’artiste ou le héros sont véritablement des poètes, des créateurs ou des inventeurs à la manière des ingénieurs, c’est parce qu’ils font effectivement preuve de cette ingéniosité qui leur donne, par conséquent, une causalité efficace relativement à la production de ce qui assure le développement et le progrès. C’est une telle causalité qui leur permet, par exemple, de pouvoir de susciter des utopies, c’est-à-dire ce qui relève, dans l’ordre des vérités ou des valeurs établies, du non-lieu ou du non-être, et dont la force innovante est telle qu’elle est nécessairement chargée de subversion. C’est pour cette raison que la volonté de réaliser l’utopie ou de tendre, ne fût-ce qu’asymptotiquement vers la valeur (esthétique, éthique, politique, épistémologique) dont elle est porteuse passe par la nécessité d’assumer le devoir de dépasser ce qui est sclérosant pour l’esprit et qui peut, pour cela, étouffer l’imagination créatrice.

On peut donc dire que la créativité est la capacité ou l’aptitude à mettre son génie à l’œuvre, non pas dans le sens du clonage reproductif ou de la reproduction mimétique des manières habituelles de penser, de voir le monde ou de produire, mais plutôt dans celui de réaliser ce qui est à la fois inhabituel et porteur de plus de pertinence que ce dont avait jusqu’ici l’expérience. Si on ne peut créer ou inventer que des choses nouvelles, la créativité apparaît donc comme la capacité à investir son génie à des fins d’innover. L’innovation se présente ainsi comme la perspective de la créativité. Autrement dit, si l’homme s’ingénie à créer, c’est pour innover.

     

I.2-L’innovation

         L’innovation peut se définir soit comme l’acte par lequel on se soustrait à l’empire de la routine, en affectant à son agir un coefficient de nouveauté dont la fin est d’enrichir la vie et l’existence de nouvelles valeurs, soit comme le résultat de la recherche de nouveaux modèles ou des références paradigmatiques de nature épistémologique, technologique, esthétique, éthique et politique en rupture avec celles dont on a souvent l’expérience et dont l’obsolescence et le défaut de pertinence s’illustrent par leur incapacité à porter de nouvelles charges heuristiques pouvant accroître leur efficacité, de manière à leur assurer l’actualité et la pertinence qui leur font cruellement défaut.

         Innover ne revient donc pas à renouveler simplement l’existant, opération qui pourrait consister soit au reprofilage, soit au ravaudage, soit en la simple réactualisation d’un modèle dépassé, mais qu’on veut mettre au goût du jour par nostalgie ou pour faire obstacle à l’apparition de ce qui peut perturber ou déstabiliser un ordre de valeurs intéressant. Innover, c’est, à proprement parler, nouer avec le novus (le nouveau) cette relation contractuelle qui exige qu’on cesse de s’accommoder de l’habituel ou du coutumier, compte tenu du fait qu’il n’apporte plus des réponses appropriées aux questions dont l’histoire est chargée. C’est pourquoi il est permis de dire, en termes bachelardiens, que l’innovation « naît malgré l’évidence »[1] au terme d’une interrogation chargée de cette audace dont il faut nécessairement faire preuve si on veut créer ou inventer quelque chose d’inédit, et qu’on pourrait formuler ainsi qu’il suit : « pourquoi ne penserions-nous pas différemment ? » Ou bien « pourquoi ne procéderions-nous pas autrement ? ». C’est en se demandant pourquoi ne procéderait-on pas autrement que James Watt put corriger les défauts mécaniques de la pompe à eau conçue et élaborée par Thomas Newcomen. C’est en se posant la même question audacieuse que son innovation technologique, le moteur à vapeur, fut performée par ceux qui le relayèrent dans la recherche en mécanique, non pas pour l’imiter, mais plutôt dans le dessein d’innover[2]. Si Thomas Alva Edison a pu, grâce au multiplex, innover dans le domaine de la télécommunication, c’est parce qu’il a pu rompre avec l’ancienne manière de télégraphier les dépêches[3].

Innover revient donc à produire quelque chose de différent en ce sens qu’il est soit esthétiquement plus attrayant, soit technologiquement plus performant, soit théoriquement plus pertinent que ce dont on disposait jusque-là. Si Copernic et Galilée n’avaient par exemple pas fait preuve de témérité intellectuelle en problématisant le géocentrisme dont l’hégémonie a pu être idéologiquement assurée pendant des siècles, l’astronomie ne se serait pas épistémologiquement enrichie de ces innovations qui ont rendu possible une meilleure lecture de certains phénomènes de l’univers.

         Il apparaît donc que la créativité et l’innovation ont pour perspective le développement et le progrès, car si la créativité est la capacité à dépasser, voire à révolutionner l’existant, c’est dans le sens d’y introduire des innovations pouvant permettre à l’homme de mieux actualiser son aspiration à exister à travers l’amélioration qualitative du mode d’expression de son humanité dans le temps et dans l’espace.

         S’il importe de rechercher le nouveau, de manière à devoir rompre avec l’habituel, c’est parce qu’il comporte des incitations de nature à assurer le développement.

                

I.3-Le développement

Concept dont l’inflation est avérée, le développement se présente tantôt comme ce qui cristallise les aspirations des peuples et des États, tantôt comme le critère économique relativement auquel on peut classer les pays. Suivant ce classement dont le manichéisme est évident, il existe principalement deux catégories de pays : les pays développés et les pays sous-développés. Si le cas particulier des pays émergents semble remettre en cause cette catégorisation, le manichéisme qui la régit n’en est pas pour autant problématisée, car le concept de pays émergents, dont la référence est tout à fait scrutable, puisqu’il renvoie non seulement aux pays en développement auxquels ont été ouverts les marchés boursiers, mais aussi ceux dont le Produit intérieur brut est inférieur à celui d’un pays développé, en dépit de l’accélération de leur croissance et de l’amélioration qualitative du niveau de vie de leur population.

Le développement peut donc se définir suivant une approche quantitative ou qualitative : suivant l’approche quantitative, c’est un concept économiquement bien paramétré. Dans ce cas, il est l’objet d’une estimation exclusivement économique et dont les critères sont le Produit national brut, le Produit intérieur brut ou le taux de croissance. Suivant l’approche qualitative, le développement est plutôt l’objet d’une estimation éthique qui consiste à l’évaluer à l’aune de l’humain, relativement, par exemple, à la justice sociale, au niveau d’accès des populations à la jouissance du bien-être ou à la qualité éthique du rapport de l’homme à l’environnement[4]. Dans ce sens, le développement est synonyme de progrès. En le définissant en référence à l’« épanouissement de l’être », Hubert Mono Ndjana le conçoit, à la suite de Spinoza, non seulement comme cette tension par laquelle l’être cherche à persévérer dans son être, mais aussi et surtout, celle par laquelle il cherche à « augmenter sa quantité et sa qualité d’être »[5].

Ainsi, lorsqu’on parle de développement durable, on donne au concept de développement une dimension prospective. En fonction de celle-ci, la production des conditions de bien-être des générations actuelles ne doit pas hypothéquer l’accès au bien-être des générations futures.

Apparemment, le développement a une triple dimension, à savoir une dimension économique, une dimension éthique et une dimension prospective. Toutefois, ces trois dimensions peuvent se ramener à deux si on admet que dans sa dimension prospective, le développement est éthiquement déterminé ; c’est pour cette raison que cette dimension peut se concevoir comme un aspect de sa dimension éthique.

Dans tous les cas, le développement, c’est le déploiement d’un être (individu, État, etc.) à travers lequel s’expriment pleinement ses capacités dans le sens de la résolution des problèmes économiques, sociopolitiques ou biologiques qui se posent à lui. Ici, le développement s’apprécie en fonction de l’efficacité avec laquelle on répond convenablement aux questions qui se posent historiquement. À l’échelle micropolitique, le développement s’apprécie en fonction de l’efficacité avec laquelle on résout, individuellement ou collectivement, les problèmes relatifs aux impératifs historiques (se nourrir, se vêtir, se loger, etc.). À l’échelle macropolitique, il est l’expression de la même efficacité relativement au traitement des questions liées à la production des richesses, de telle sorte qu’elle permette à l’État d’apporter des solutions appropriées au problème se rapportant à l’emploi, à la stabilisation de la possession, à la sécurité des citoyens, à sa prospérité et à sa souveraineté.

Qu’il soit donc économiquement ou éthiquement déterminé, le développement a pour téléologie l’homme[6] dans un cadre sociopolitique devant faire prospérer la créativité et l’innovation destinées à en assurer l’émancipation, le bien-être et, si possible, le bonheur. Le problème qui se pose dans ce cas est celui de la définition des conditions de possibilité de la créativité et de l’innovation qui sont considérées comme les gages du développement et du progrès.

II-Les conditions de possibilité de la créativité et de l’innovation

    en vue du développement et du progrès

  Que faut-il faire pour promouvoir le sens de l’innovation et de la créativité dans la perspective du développement et du progrès ? Autrement dit, comment s’assurer le développement et le progrès au moyen de l’innovation et de la créativité ?

         Avant de répondre à ces questions, il importe de dire que la nécessité d’avoir le sens de la créativité et de l’innovation s’explique d’abord par la crise caractéristique de la réalité : le fait que les ressources disponibles soient épuisables et ne puissent pas, par conséquent, combler de façon satisfaisante les désirs de tous, impose à l’homme le devoir d’être créatif et inventif. Le sentiment de désaffection que suscite en lui l’expérience routinière et sclérosante de l’existant, compte tenu du fait qu’il ne s’accompagne plus de l’efficacité et des agréments attendus, motive l’homme à innover sans cesse. Si la créativité et l’innovation sont régies par la logique de la rupture avec le déjà-là ou l’existant, c’est pour empêcher la vie de s’étioler et l’existence se scléroser. C’est par exemple le cas lorsqu’elles sont décisivement gouvernées par le principe de la reproduction du même.

                 

II.1-Créativité et innovation dans la logique de la rupture avec

le déjà-là ou l’existant

         Étant donné que la créativité et l’innovation ne sont possibles que si l’homme parvient à se soustraire à l’empire des habitudes qui régissent sa vision du monde aussi bien que ses manières de faire et de penser, elles s’inscrivent nécessairement dans la logique de la rupture avec le déjà-là. Cela revient à dire que pour créer et innover, l’homme doit s’affranchir de la pression de conformité sociale, car, comme la créativité, l’innovation est subversive en soi. Si l’homme investit tout son génie créateur dans le sens de l’innovation, c’est pour une meilleure expression de son humanité et de sa citoyenneté dans le temps et dans l’espace, à condition, faut-il le souligner, qu’il évite d’enfermer son esprit dans l’ornière d’une méthodologie, d’une conception ou d’une idéologie quelconque, au motif qu’elles sont celles qui ont le plus de suffrages épistémologiques, de défenseurs et de promoteurs idéologiques.

Se soustraire à la contrainte des habitudes ou s’affranchir du déterminisme social, doctrinaire ou idéologique revient, par conséquent, à se libérer de l’imperium des tabous de nature méthodologique et épistémologique, qui imposent leur nécessité à l’aspiration de l’esprit à se déployer librement ou à faire valoir ses potentialités en termes de créativité et d’innovation.

Pour pouvoir innover, il faut toujours avoir présent à l’esprit ce que Gaston Bachelard dit en ces termes : « Accéder à la science, c’est spirituellement rajeunir, c’est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé. »[7] Ce que dit Bachelard dans La formation de l’esprit scientifique a la même portée méthodologique que la logique de la rupture dont René Descartes fait déjà la promotion dans le Discours de la méthode et les Méditations métaphysiques, notamment lorsqu’il recommande que le sujet pensant soumette à la sanction du doute son héritage intellectuel à travers une opération de curetage spirituel qui consiste précisément à se « défaire » de toutes les opinions qu’il a reçues sans examen en sa créance[8], dût-il les réputer pour fausses et « détruire » tout ce en quoi il décèle le moindre doute.

C’est avec un esprit libéré des contraintes historiques, affranchi des diverses pressions méthodologiques, épistémologiques et idéologiques que l’homme peut créer et innover, c’est-à-dire anticiper sur l’actualité, de manière à concevoir le non-encore-là. Cela signifie que la créativité et l’innovation ont pour téléologies le développement et le progrès.

II.2-Le développement et le progrès comme téléologie de la créativité et de l’innovation

La contribution de l’homme au développement est possible à condition qu’il ait le sens de la rupture ou de l’antithèse ; cela exige qu’il aille au-delà des conceptions qui ne sont plus porteuses de suffisamment charges heuristiques, de manière à les féconder ou à les enrichir de nouvelles possibilités épistémologiques et technologiques. Le développement n’est donc possible que si on se garde de se rapporter à l’histoire sur le mode de la répétition du factuel, car la créativité et l’innovation exigent également qu’on fasse preuve de transgressivité à l’égard des habitudes à travers le prisme sclérosant desquelles on a coutume de percevoir et de concevoir le réel. Il se pose, dans ce cas, le problème de la détermination des conditions de promotion du développement de l’Afrique à travers la créativité et l’innovation.

III-La question du devenir de l’Afrique dans le rapport de la créativité et de l’innovation au développement

         Par rapport à la question du devenir de l’Afrique dans le rapport de la créativité et de l’innovation au développement, on peut se référer à deux principales voies, à savoir, la voie de l’appropriation de la technoscience et la voie éthique et politique de la bonification de la gouvernance.

         Ces voies, et bien d’autres, sont l’expression d’un afro-optimisme qui consiste à penser que l’Afrique peut se développer, à condition qu’il y soit promu le sens de la créativité et de l’innovation.

         III.1-La voie de l’appropriation de la technoscience

Suivant cette voie, il est possible de convoquer deux approches. Il s’agit notamment de l’approche dialectique de l’aliénation stratégique promue par Marcien Towa et de l’approche épistémologiste promue par Paulin J. Hountondji. Suivant l’approche dialectique de l’aliénation stratégique[9], l’Afrique doit s’approprier le « secret » qui a permis à l’Europe d’être puissante et de dominer le reste du monde[10]. Pour Towa, le « secret » de cette puissance, c’est la science et la technique qui, une fois domestiquées par l’Afrique, vont en garantir la libération et l’émancipation de telle sorte qu’elle devienne désormais « incolonisable » par d’autres. C’est ce qui fait dire à Towa que « si nous voulons être forts nous aussi – et il le faut bien si nous sommes résolus à nous libérer de l’impérialisme européen – il est aisé de voir ce que nous avons à faire : maîtriser à notre tour la science et la technologie moderne pour disposer de la force de la matière »[11]. C’est cette conviction qui explique l’optimisme technoscientifique que Towa exprime en ces termes : « Ceux qui ont la supériorité sur le plan de la connaissance et du contrôle des phénomènes naturels établiront leur domination sur les autres. Il faut comprendre que la science et la technologie modernes fournissent des moyens de domination ou de libération autrement plus sûrs que les soi-disant pouvoirs surnaturels des personnages de la mythologie biblique qui ne sont que des fantasmes de la mentalité magico-religieuse des Hébreux. »[12]

D’après Hountondji, il importe de promouvoir, en Afrique, l’esprit scientifique à travers l’enseignement des « disciplines philosophiques les plus aptes à favoriser, chez nous, l’essor de la pensée scientifique : logique, histoire des sciences, épistémologie, histoire des techniques, etc., sans préjudice, bien entendu, de l’indispensable enquête sur l’histoire de la philosophie. »[13]

         Si Towa recommande la voie de l’appropriation du « secret » de la puissance de l’Europe à travers la subversion de l’héritage culturel africain et la domestication de la technoscience, Paulin Hountondji recommande la subversion de l’enseignement de la philosophie au profit de la science que ce philosophe considère comme la « source ultime de la puissance que nous cherchons »[14].

         En plus de la voie de l’appropriation de la technoscience que recommande Towa et, dans une certaine mesure Hountondji, on peut également citer la voie éthique et politique de la bonification de la gouvernance.

III.2-La voie éthique et politique de la bonification de la gouvernance

À la conception d’un développement économiquement paramétré, scientifiquement et technologiquement déterminé, Ébénézer Njoh Mouelle oppose une approche humaniste, donc éthique. Tout en admettant que la technique est une modalité de production du bien-être, il pense qu’elle ne doit pas se subordonner à la domination de la nature. Elle doit plutôt « se l’associer »[15]. La voie que propose Njoh Mouelle s’inscrit donc en faux contre l’idéologie de la domination de la nature. Elle consiste, plus précisément, à promouvoir le développement de la richesse humaine par l’éthique de l’excellence, seule à même d’assurer à l’homme son véritable accomplissement[16]. C’est pour cette raison qu’il se représente le développement comme le résultat de la correction de la médiocrité de l’homme ou de son sous-développement. Pour Njoh Mouelle, de même qu’il n’est pas pertinent de lier absolument le développement à l’avoir, de même on a tort de penser que le développement est sa propre fin ; c’est plutôt à l’homme qu’il doit se subordonner.

Lucien Ayissi prolonge cette approche éthique du développement dans le sens de la bonification de la gouvernance. Aussi soutient-il que la bonne gouvernance, lorsqu’elle ne se réduit pas à une simple technologie administrative devant être instrumentalisée pour performer les organisations, est l’une des conditions de possibilité du développement de l’Afrique. Sa bonification, qui réside dans la rationalisation aussi bien de la dynamique administrative des organisations que de la gestion des hommes et des biens, importe beaucoup dans la préservation des États africains contre la prédation qui compromet leur volonté de relever les multiples défis du développement.

Conclusion

         L’innovation, la créativité et le développement s’articulent effectivement. Comme il a déjà été établi, la logique de la rupture avec l’existant, tel qu’il est défini par un ensemble de manières habituelles de faire, de penser et de voir, est la condition de possibilité de la créativité et de l’innovation, gages du développement. Les dimensions économique et éthique de ce dernier expliquent pourquoi la question du développement se pose généralement, en Afrique, en référence à deux principales voies : la voie de l’appropriation de la technoscience et la voie éthique et politique de la bonification de la gouvernance. 

Bibliographie

Antoine, Yves, Inventeurs et savants noirs, Paris, L’Harmattan, 1998.

Ayissi, Lucien, Corruption et pauvreté, Paris, L’Harmattan, collection « Pensée Africaine », 2007.

Ayissi, Lucien, Corruption et gouvernance, Paris, L’Harmattan, collection « Pensée Africaine », 2008.

Ayissi, Lucien, Rationalité prédatrice et crise de l’État de droit, Paris, L’Harmattan, 2011.

Bachelard, Gaston, La formation de l’esprit scientifique, Paris, J. Vrin, 1977.

Bachelard, Gaston, Le nouvel esprit scientifique, Paris, PUF, collection « Quadrige », 6e édition, 1999.

Csikszenmahalyi, M. La créativité – Psychologie de la découverte et de l’invention, Saint-Armand-Montrond, Éditions Robert Laffont, 2006.

Descartes, René, Discours de la méthode, Paris, Flammarion, collection « GF », 1965.

Descartes, René, Méditations métaphysiques-Objections et réponses suivies de quatre Lettres, chronologie, présentation et bibliographie de Jean-Marie Beyssade et Michelle Beyssade, Paris, GF-Flammarion, 1979.

Devaux, Pierre, Les aventuriers de la science, Paris, Éditions Magnard, 1947.

Hountondji, Paulin J., Sur la « philosophie africaine », Paris, Maspero, 1997.

Jonas, Hans, Principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, traduction de Jean Greisch, Paris, Flammarion, collection « Champs », 2013.

Lalande, André, La raison & les normes. Essai sur le principe et sur la logique des jugements de valeur, Paris, Hachette, 1948.

Mono Ndjana, Hubert, Beauté et vertu du savoir (Leçon inaugurale), suivi de La Thèse à Pyongyang et Discours d’Orient, Yaoundé, Éditions du Carrefour, 1999.

Njoh Mouelle, Ebénézer, De la médiocrité à l’excellence suivi de Développer la richesse humaine, Éditions du Mont-Cameroun, 1988.

Uzumidis, Dimitri (éds.), L’innovation et l’économie contemporaines. Espaces cognitifs et territoriaux, Bruxelles, De Boeck, collection « Économie, Société, Région », 204.

 

 

[1]- Gaston Bachelard, Le nouvel esprit scientifique, Paris, PUF, collection « Quadrige », 6e édition, 1999, p. 11.

[2]- Pierre Devaux, Les aventuriers de la science, Paris, Magnard, 1947, pp. 31-63.

[3]- Ibid., pp. 148-149.

[4]- Cf. Hans Jonas, Principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, traduction de Jean Greisch, Paris, Flammarion, collection « Champs », 2013.

[5]- Hubert Mono Ndjana, Beauté et vertu du savoir (Leçon inaugurale), suivi de La Thèse à Pyongyang et du Discours d’Orient, Yaoundé, Éditions du Carrefour, 1999, p. 17.

[6]- Ébénézer Njoh Mouelle, De la médiocrité à l’excellence suivi de Développer la richesse humaine, Éditions du Mont-Cameroun, 1988.

[7]- Gaston Bachelard, La formation de l’esprit scientifique, Paris, J. Vrin, 1977, p. 16.

[8]- René Descartes, Méditations métaphysiques-Objections et réponses suivies de quatre Lettres, chronologie, présentation et bibliographie de Jean-Marie Beyssade et Michelle Beyssade, Paris, GF-Flammarion, 1979, AT, IX, 13-14, p. 67.

[9]- Marcien Towa, Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle, Yaoundé, CLÉ, 3e édition, 1981, p. 46.

[10]- Ibid.

[11]- Marcien Towa, L’idée d’une philosophie négro-africaine, Yaoundé, CLÉ, 1979, p. 55.

[12]- Ibid., p. 58.

[13]- Paulin J. Hountondji, Sur la « philosophie africaine », Paris, Maspero, 1997, p. 246.

[14]- Ibid.

[15]- Njoh Mouelle, op. cit., p. 71.

[16]- Ibid., p. 163.

 Prof. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1 (Cameroun)

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