Blog du Professeur Lucien Ayissi

« Le pouvoir est comme de l’alcool. Après un premier verre, on est joyeux comme un agneau. Au second, c’est comme si on avait mangé du lion. On se sent si fort qu’on n’accepte plus d’être contesté. On veut tout imposer à tout le monde, comme le lion dans la savane. Au troisième verre, on est comme le cochon, on ne peut faire que des cochonneries… Le premier degré correspond à la période où le chef est doux comme un agneau. Le second, c’est le moment où le chef se prenant pour un monarque absolu, devient redoutable. Mais alors il n’est que craint. Enfin, quand le chef atteint le troisième degré de son pouvoir, il est non seulement craint mais détesté par son peuple. » Amadou Hampaté Ba.

La première proposition de la thèse que défend ce grand sage africain annonce la suite de son propos et le résume en même temps : le pouvoir a, comme l’alcool, une puissance euphorisante qui, une fois accrue, fait place nette à l’éthylisme et à la folie. Par conséquent, de même qu’il faut consommer l’alcool avec modération, de même il faut faire preuve de sobriété politique en se gardant d’inscrire sa consommation du pouvoir dans la durée. Dans l’abus de l’alcool comme dans celui du pouvoir, c’est l’éthylisme et la folie garantis. La terreur et les « cochonneries » de celui qui soumet son pouvoir au « désir d’éternité » (l’expression est de Ferdinand Alquié) en sont les preuves factuelles dont la nécessité et l’universalité sont établies.

La moralité qui se dégage de cette vénérable sagesse, c’est qu’il faut absolument éviter la folie politique consécutive à la consommation abusive du pouvoir. Pour cela, il importe de s’y rapporter sur le mode de la sobriété politique. En clair, il ne faut ni céder à la gourmandise du pouvoir politique ni le considérer comme le fruit dont la consommation est absolument interdite à d’autres.

Prof. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1 (Cameroun)