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3 décembre 2010 5 03 /12 /décembre /2010 12:45

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Le déballage auquel procède M. Julian Assange, à travers WikiLeaks, a apparemment quelque chose à la fois d’indécent et de provocateur. Soumettre au principe de publicité les saletés que le grand Autre ne souhaite pas dévoiler au public, ce n’est pas seulement manquer de pudeur ; c’est aussi faire preuve d’une audace à la limite de la provocation. C’est peut-être à cause de cette provocante témérité que Julian Assange est considéré par l’administration américaine comme un « anarchiste ». En effet, cet Australien de 39 ans menace l’ordre politique du monde tel qu’il est consacré par les États-Unis, en rendant publiques, suivant les nécessités de la mondialisation de l’information, des notes diplomatiques confidentielles américaines. Que reproche-t-on vraiment à M. Julian Assange qui est aujourd’hui, comme par hasard, poursuivi par la justice suédoise pour un viol qu’il aurait commis en 2008 ? En s’investissant à faire en sorte que la peur  change de camp, voudrait-on lui faire comprendre qu’à son déballage on peut efficacement en opposer un autre dont le contenu n’est pas moins gênant que le sien ?

De toute évidence, il lui est surtout reproché de divulguer des secrets dont la publication par WikiLeaks est aussi mal reçue que les insultes qui reviennent, par effet boomerang, à la figure de celui qui éprouvait du plaisir à les proférer à autrui. Les États-Unis qui sont principalement concernés par cette affaire, et qui osent se plaindre d’être victimes d’espionnage, ne parviennent plus à se regarder dans la glace. Comment recevoir l’image que la glace pourrait leur réfléchir quand ils savent que certains de leurs alliés, la France et l’Allemagne en l’occurrence, sont au courant du mépris qu’ils affichent à leur égard ? Une chose est sûre, le fait que le reste du monde connaisse désormais leurs projets de guerre perpétuelle et soit conscient de l’arrogance jupitérienne avec laquelle ils se rapportent à certains États, éprouve considérablement leur crédibilité. De quelle crédibilité peuvent-ils encore être lorsque le reste du monde a la pleine mesure du narcissisme politique dont ils font preuve à son égard ? Compte tenu du fait que les documents que WikiLeaks a la témérité de publier portent sur des sujets très sensibles, la gêne de l’administration américaine est fort compréhensible. Elle est analogue soit à celle qu’éprouve celui sur la face de qui retombe le gros crachat nauséabond qu’il a projeté en l’air au terme d’une expectoration plus ou moins bruyante, soit à celle de celui qui retrouve ses propres déjections sur la place publique. Si la politique étrangère des États-Unis n’était animée que de bonnes intentions globales, l’administration américaine ne serait ni gênée ni contrariée par le déballage de WikiLeaks.

En condamnant la publication de la crise du beau et du bien qui sévit dans un monde dont le cours est tout à fait déterminé par leurs préférences appétitives, les États-Unis se dénoncent publiquement comme principaux responsables de cette crise. La honte qu’ils éprouvent actuellement face à cet audacieux déballage correspond exactement à celle de celui qui se rend finalement compte qu’on voyait tous les contours hideux de son derrière pendant qu’il passait l’essentiel de son temps à déblatérer sur les problèmes esthétiques que posent ceux des autres.

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1 (Cameroun)

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