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1 avril 2013 1 01 /04 /avril /2013 21:42

 

professeur_ayissi.jpg« Aimez-vous les uns les autres », tel est, selon nous, le principal impératif de l’éthique de l’amour et du pardon absolus que Jésus s’est chargé de promouvoir dans un monde gangrené par la haine et dominé par la violence. Cet impératif éthique est formulé par un Sémite, ou plus précisément par un Juif de Nazareth, à une époque bien déterminée. L’éthique dont cet impératif est comme le principe pratique absolu s’articule autour de ce qui apparaît d’abord comme relevant du système de représentations d’un clan particulier, celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

Mais, la thèse de la circonscription de cette éthique de l’amour et du pardon absolus dans une anthropologie donnée et dans un temps bien défini ne peut prospérer que si nous faisons l’impasse sur sa transrégionalité et sa transhistoricité. Le scandale du temple de Jérusalem, dû à l’ire de celui qui s’était pourtant constitué légionnaire de l’amour et du pardon, n’altère ni la force pratique ni l’universalité de son éthique. Furieux de voir les siens préférer l’amour de l’argent à celui qu’ils devaient destiner à l’altérité, fût-elle constituée d’ennemis, Jésus, le premier à s’être ouvertement indigné contre la spéculation financière dans l’histoire, ne pouvait vraiment pas se réjouir de la profanation du temple de Jérusalem par les spéculateurs de tout poil et les voleurs de tout acabit.

Le fait que le monde soit encore surpeuplé de haineux avides de violence et que la spéculation financière ait survécu à la colère homérique et à l’indignation épique de Jésus peut faire penser qu’une autre mission de libération du monde du poids de la haine, de la profanation et de la violence est indispensable. Le fait que la crise de l’éthique de l’amour et du pardon ait survécu à l’engagement missionnaire de Jésus nous permet de nous demander si sa mort a vraiment servi à quelque chose. Valait-il la peine, pour cette divinité anthropomorphisée, de sacrifier sa vie pour une cause perdue ? Combien de Jésus Dieu doit-il finalement sacrifier pour réussir à libérer l’homme du péché ?

Si nous accordons à Louis Veillot que certaines causes meurent parce qu’on n’a pas voulu mourir pour elles, Jésus a bien fait de se sacrifier pour la promotion de l’amour et du pardon. La haine qui ravage de plus en plus le cœur des hommes, et qui continue de miner un monde dont les habitants s’emploient stupidement à s’armer les uns contre les autres, est la preuve par les faits que Jésus n’a pas suffisamment rempli sa mission. Mais, quelles peuvent être les chances de succès d’une autre mission salvatrice de Jésus, quand on sait combien il risque aujourd’hui de se faire capturer par les maîtres du monde ou d'être tué par leurs missiles et leurs drones ?

Jésus n’est certes pas un sujet de psychiatrie, même s’il lui arrivait souvent d’entendre des voix lui dicter la conduite à tenir ; il n’est pas insensible aux honneurs et ne résiste pas non plus à la tendance à l’autoglorification, choses qui faisaient dire à ses détracteurs que c'était un imposteur doublé d’un blasphémateur. Tout en affirmant avec beaucoup d’assurance et de jactance qu’il est la vérité et la lumière du monde ou qu’il peut rebâtir le temple de Jérusalem en trois jours, Jésus ne se laissa jamais griser par l’orgueil et la vanité. Ce qu’il mettait surtout en perspective, c’est l’idéal éthique transcendant par rapport aux valeurs communément admises par les pharisiens, les zélotes ou les riches Saducéens du Sanhedrin. Son statut de messie et de missionnaire ne faisait pas forcément de lui un suicidaire. Le traitement à lui infligé par ses propres frères n’est pas de nature à le motiver à revenir aujourd’hui pour accomplir ce genre de mission que les parents n’assignent habituellement qu’aux enfants téméraires. Par rapport à la mission consistant à libérer les hommes du poids de la haine et de la violence, si Dieu, son père, lui donne prochainement le droit d’en juger, il est possible que Jésus ne se résolve plus à l’assumer à partir du Proche-Orient. Il est aussi fort possible qu’il n’accepte plus de la remplir suivant le principal impératif qui gouverne son testament éthique. Très considérable est donc le risque qu’il règle désormais son agir en fonction du principe de proportion qui régit la loi du Talion ou qu'il veuille que soient traduits à la Cour Pénale Internationale tous ceux qui ont conspiré contre lui, au point de le mettre finalement à mort. Est de plus en plus d’actualité, dans notre immense désert éthique, le testament laissé à la postérité par celui qui promouvait, en plus de l’éthique de l’amour et du pardon absolus, celle de l’humilité et de l’accueil.

          

 

Pr. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

 

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commentaires

P
The essence of Holy Bible can be summarized in just four letters- “Love”! I wonder why those who people who call themselves as the followers of Jesus are not at all interested in it. They know all other verses of Bible.
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