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17 juin 2010 4 17 /06 /juin /2010 20:41

 Photo 4X4

    En vertu de quelle loi, peut-on se demander, Dieu rappelle-t-il à Lui, suivant les circonstances de temps et de lieu qui lui conviennent, les personnes qui sont contraintes, par ce rappel divin fort intempestif, à voir leur carrière existentielle abrégée ? Comment peut-il rappeler à Lui, et sans états d’âme, les nouveau-nés à qui l’occasion n’a même pas été donnée d’entamer une telle carrière ? Dieu s’autosuffisant, on ne voit pas comment il pourrait compromettre son autonomie en subordonnant à une normativité étrangère à la sienne sa volonté de rappeler ses créatures à Lui. Tout en étant divine, une telle hétéronomie serait indigne de Lui et remettrait en cause sa perfection absolue. Mais cet euphémisme par lequel on désigne couramment, dans la population des croyants, le décès de quelqu’un pose de sérieux problèmes de propriété.

    En essayant d’« euphémiser » une réalité macabre, celle qu’on ne veut pas désigner par son propre nom, de peur de la convoquer symboliquement par le fait même, on recourt à une approche formulaire dont l’impropriété peut être établie : présenter Dieu comme celui qui se délecte à rappeler souvent à Lui – suivant des desseins dont il a exclusivement le sens – les bons plutôt que les méchants, les bien-portants plutôt que les malades, les jeunes plutôt que les vieillards, etc., n’est pas seulement impie ; cela consiste également à faire de Lui un monstrueux sadique qui se plaît à prouver, sans aucune nécessité, à ses créatures leur finitude ontologique à travers des rappels quotidiens qui n’ont rien de bienveillant, compte tenu du fait qu’ils n’ont pas pour fonction d’euthanasier des êtres pour qui la vie terrestre serait devenue un poids insupportable. Si on admet, par hypothèse, que cet euphémisme impropre peut quand même être pourvu de sens, qu’est-ce qui pourrait bien motiver Dieu à rappeler constamment à Lui ses créatures privilégiées ?

    En plus du fait d’avoir été anathémisé par son créateur pour avoir violé un tabou divin et, par conséquent, pour n’avoir pas eu l’occasion d’accéder à l’immortalité en consommant le fruit de l’arbre de la vie, l’homme semble avoir le don de récidiver dans l’impiété. Ne se satisfaisant plus du statut de procréateur, c’est-à-dire celui à qui Dieu a donné la procuration dans l’ordre de la création, il s’arroge aujourd’hui, grâce à des manipulations génétiques fort hardies, le droit de créer ou de recréer l’homme, à son image, comme pour compenser les multiples pertes humaines dues aux macabres rappels divins. Évidemment, cet abus de confiance et cette témérité ne peuvent que déplaire à Dieu.

 

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1 (Cameroun)

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