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5 mars 2021 5 05 /03 /mars /2021 01:31

Depuis un certain temps, on assiste au phénomène lié à la tendance à la capitalisation absolue des références autoritaires par ceux qui sont pourtant déjà à la tête de la plupart de nos institutions républicaines depuis parfois plus de dix ans, à travers la ruée de ceux-ci vers les chefferies traditionnelles.

C’est ainsi que ministres, recteurs, directeurs généraux, enseignants d’université, médecins et tous ceux qui aspirent à l’accumulation des références autoritaires dans l’espoir d’exister politiquement et économiquement de façon superlative, foncent vers leur village pour se faire élire chefs traditionnels, souvent en violation évidente des normes anthropologiques de céans.

Dans ce cas, qu’est-il permis aux villageois d’espérer quand on sait que ceux qui font preuve de cette cupidité politique sont les mêmes qui s’approprient considérablement, mais au franc symbolique, les espaces fonciers appartenant coutumièrement à leurs frères du village ? Pourquoi un ministre de la République, un recteur, etc. tiennent-il, par exemple, à devenir les chefs des villages dont les habitants n’ont souvent d’eux que la représentation symbolique que leur donne, de façon circonstancielle, telle ou telle chaîne de télévision ?

Seule la syllogomanie, due au délire d’accumulation, peut rendre compte de leur tendance à l’accaparement cynique des références autoritaires, quelque peu importantes soient-elles au plan politique et économique. La conséquence de cette syllogomanie politique est la dangereuse construction des pôles de dynastie tout à fait en rupture de cohérence avec la République.

Prof. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1 (Cameroun)

 

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7 janvier 2021 4 07 /01 /janvier /2021 23:08

Après l’invasion et le saccage du Capitole par les partisans de Monsieur Donald Trump, les États-Unis commencent, sans doute, à se dessiller les yeux. Ils s’aperçoivent que l’omnipuissance dont ils se targuaient jusque-là est une véritable illusion. S’ils avaient tiré toutes les leçons des attentats du World Trade Center, ils n’auraient pas été surpris par l’irruption de ceux qui ont, contre toutes les normes publiques de référence en vigueur aux États-Unis, investi et saccagé la maison du peuple américain. Les institutions comme la CIA, la NSA, le FBI, etc. qui sont censées garantir constamment à l’État américain un pouvoir panoptique et panacoustique à la fois considérable et efficace, n’ont pas pu prévoir ce drame politiquement très avilissant pour un État qui se prend non seulement pour le maître absolu du monde, mais aussi pour le vecteur directeur de la politique et de l’économie globales.

Le fait que les États-Unis d’Amérique se rendent à l’évidence qu’ils ont désormais en partage beaucoup de problèmes avec les « pays de merde » et autres Républiques bananières nous permet d’espérer qu’ils vont, dans un futur proche, réduire leur arrogance et revoir le pouvoir disciplinaire qu’ils exercent cyniquement sur les pays qu’ils diabolisent politiquement.

Comment pourront-ils continuer d’exercer un tel pouvoir, sans états d’âme, alors qu’ils ne parviennent plus à contrôler efficacement les citoyens américains et à sécuriser parfaitement leurs propres institutions ? Comment pourront-ils encore s’arroger le droit de dispenser des leçons de gouvernance après tout le spectacle politiquement désopilant et très peu honorable que donne l’actuel chef de l’État américain ? Comment pourront-ils prétendre, à l’avenir, sécuriser le monde contre la dynamique néfaste des États voyous dont l’ensemble constitue l’axe du mal, lorsqu’ils ne parviennent pas à protéger efficacement les acquis de leur démocratie ?

Ce sont là des questions qu’on ne peut pas ne pas se poser après la profanation de l’un des sanctuaires de la démocratie américaine, le 06 janvier 2021.

 

Prof. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1-Cameroun

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7 janvier 2021 4 07 /01 /janvier /2021 08:55

 

L’invasion de la maison du peuple américain, non pas par des vagues de criquets migrateurs prêts à doter les archives de cette prestigieuse institution d’un intérêt alimentaire, mais plutôt par une horde de trumpistes hargneux et très remontés contre les prétendus voleurs de la victoire de leur champion a surpris tous ceux qui prenaient jusque-là les États-Unis d’Amérique pour le modèle de démocratie sur lequel tous les autres pays doivent se référer et se régler pour le bien de leur gouvernance.

C’est fort de cette belle légende politique dont les États-Unis d’Amérique se sont toujours bien drapés, qu’ils s’autorisent à se constituer directeurs de la conscience globale et à s’arroger le droit de régenter le monde comme il leur plaît.

Ce qui s’est passé hier au Capitole, probablement loin de la roche tarpéienne, permet de douter que le modèle américain soit tout à fait différent des références politiques à la face desquelles il s’est toujours présenté comme le paradigme absolu. Le thème de la victoire volée est une topique dont Monsieur Donald Trump a consacré l’universalité en devenant le disciple de beaucoup de candidats malheureux à l’élection présidentielle organisée dans tel ou tel « pays de merde ».

Que les États-Unis d’Amérique se fassent aujourd’hui politiquement morigéner, à l’instar des Républiques bananières, par la plupart des autres pays du monde, personne ne pouvait l’imaginer. Que l’arrogance jupitérienne avec laquelle ils règnent sur notre planète fasse subitement place nette à la honte et à l’humiliation n’est rien d’autre que le symptôme du déclin de cet empire. À cette occasion, nous devons nous rappeler, à la suite de Jean-Baptiste Duroselle, un célèbre historien français, que tout empire est nécessairement condamné à périr.

 

Prof. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1-Cameroun

 

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22 décembre 2020 2 22 /12 /décembre /2020 12:46

Introduction : Pourquoi s’intéresser philosophiquement aux présocratiques aujourd’hui

C’est une question qui mérite d’être posée. Si on accorde à Hegel que la philosophie est « fille de son temps » et, peut-on ajouter, de son espace, il y a vraiment lieu de s’interroger sur l’intérêt que peut revêtir pour nous, et aujourd’hui, une philosophie élaborée dans un espace-temps autre que le nôtre. Les défis que voulaient relever les présocratiques au moyen d’une ontologie et d’une cosmologie spécifiques sont certainement différents des nôtres. C’est donc la spécificité des défis de notre espace-temps qui peut, entre autres raisons, motiver l’interrogation liée à la pertinence du retour aux présocratiques dans une mondialisation pourtant riche en thèmes ontologiques, éthiques et politiques suffisamment intéressants pour le logos philosophique.

Le retour aux présocratiques n’a rien d’anachronique lorsqu’on sait que les premières réflexions philosophiques qu’ils mettent en œuvre dans la Grèce de leur époque révèlent et illustrent, en même temps, les conditions de possibilité de la genèse la philosophie et de la science.

En entreprenant de répondre à la question du Ti es ti (qu’est-ce qui est ?), c’est-à-dire celle liée au fondement des choses dans le rapport intervallaire de l’Un et du Multiple, suivant une grille d’intelligibilité qui n’emprunte rien à la mythologie, les présocratiques ont balisé le terrain réflexif sur lequel la philosophie et la science allaient aisément se déployer. Si la philosophie se présente aujourd’hui comme l’expression par excellence du Je Pense, c’est parce qu’elle est effectivement née en rupture avec la mythologie dont les charges obscurantistes ne permettent pas de rendre pertinemment compte du réel. Aussi a-t-il fallu aux présocratiques de repenser la constitution ou le fondement du réel en marge du canevas explicatif jusque-là en vigueur et qui était dominé par une représentation poétique et fantastique du réel.

Le fait que les présocratiques brillent par l’audace philosophique et scientifique de rompre avec les représentations mythologiques dont le réel était habituellement drapé, pour leur substituer une lecture rationnelle et séculaire suffit à nous motiver à revisiter aujourd’hui leur ontologie et leur grille d’intelligibilité du cosmos.

Revenir aux fondamentaux de l’esprit philosophique et scientifique qui a présidé à la volonté exprimée par les philosophes présocratiques de répondre autrement à la question du Ti es ti à partir des élémentaux du réel peut aussi justifier le retour et le recours, aujourd’hui, à leur ontologie et à leur cosmologie.

En plus des questions d’ordre constitutionnel, les présocratiques se sont investis dans un débat qui est toujours d’actualité : chercher, par exemple, à savoir qui des héraclitéens, c’est-à-dire les partisans du mobilisme universel, donc du panmobilisme, ou des parménidiens, c’est-à-dire des partisans de l’immobilisme ou du fixisme a raison, c’est poser un problème d’une actualité dont l’intérêt politique et idéologique se remarque à travers la récurrence des questions ethno-identitaires qui nous obsèdent aujourd’hui et dont les thèmes de l’autochtonie et de l’allochtonie sont les parfaites illustrations.

En admettant que nous sommes les mêmes tout en étant différents, nous prenons effectivement part, mais sans le savoir, au débat que les présocratiques avaient déjà inauguré à leur époque dans une dynamique réflexive portant précisément sur ce qui constitue vraiment le réel apparemment multiple et protéiforme.

En quels termes ont-ils pris part dans la résolution du problème lié au rapport de l’Un et du Multiple ?

Les réponses y relatives sont, comme on va le remarquer, fonction des écoles constitutives de la philosophie des présocratiques.

Les écoles présocratiques

     Les écoles philosophiques présocratiques, tout comme les grands courants qui leur sont associés, ont entrepris de démythologiser et de dédiviniser le réel, en en donnant une explication rationnelle et laïque suivant des modèles d’intelligibilité qui varient en fonction des écoles et des courants de pensée qui les proposent à partir soit d’un élément matériel ou immatériel (le cas des ontologies monistes), soit de plusieurs éléments (le cas des ontologies pluralistes).

I-L’ontologie moniste et matérialiste de l’école de Milet

 Pour les partisans de cette école, le fondement des choses est un élément matériel. Mais le matérialisme de l’école de Milet est diversement assumé par ceux qui le défendent.

Pour Thalès de Milet, le fondement des choses, c’est l’eau, c’est-à-dire un élément matériel de nature aquatique[1]. D’après Gérard Legrand, Thalès se représente l’« eau à la fois comme l’essence originelle de tous les corps, et comme leur signification, de par son universalité. »[2] Sa fluidité rend facilement compte du devenir universel.  C’est pour cette raison qu’on peut expliquer la diversité et la multiplicité des choses à partir de cet élément : « l’eau se vaporise, se solidifie (en glace, mais aussi en dépôts alluvionnaires ou en dépôts de matière solide qui restent après l’évaporation) »[3]. Qu’ils soient solides, gazeux ou ignés, tous les corps sont constitués d’eau ; ils résultent des transformations cycliques de cet élément primordial. Suivant ces transformations « le Soleil pompe l’eau de mer, la transforme en air (se nourrit de ces exhalaisons), cette eau ainsi pompée (du moins celle qui ne nourrit pas le feu du Soleil) retombe en pluie et se transforme en terre (la terre résultant aussi de l’évaporation de l’eau de mer, et pas seulement des dépôts dérivant plus ou moins directement de la pluie) : la terre redevient eau (la rosée, brouillard, sources…) ; et le cycle recommence. »[4]

Selon Anaximandre, le principe ou le fondement des choses, c’est l’apeiron, c’est-à-dire une matière cosmique indéterminée ou indéfinie, illimitée ou infinie. L’apeiron est donc sans forme et sans fin[5]. Matrice de tout ce qui est, puisque tout en dérive, l’apeiron se caractérise par l’éternité, puisqu’il est indestructible et immortel. Si la diversité et la multiplicité des choses s’expliquent, chez Thalès, par le devenir cyclique de l’eau, chez Anaximandre « l’existence des choses (c’est-à-dire leur détermination qualitative et quantitative, leur différenciation) ne se comprend que par l’empiètement d’un élément sur son contraire. Cet excès de l’un par rapport à l’autre rompt leur équilibre au sein de l’indifférenciation et provoque la détermination qualitative et quantitative (…). Cet excès d’un élément sur son contraire est conçu par Anaximandre comme une injustice de l’un par rapport à l’autre, donc sur un mode moral. La différenciation des choses déterminées à partir de l’apeiron est alors le résultat d’une injustice, si ce n’est l’injustice elle-même ; le parfait équilibre entre les contraires est censé, par conséquent, être l’expression de la justice. »[6]

D’après Anaximène, le fondement ou l’archè des choses, c’est l’air, c’est-à-dire un élément matériel de nature gazeuse : « L’air est le principe des êtres : car de lui toutes choses naissent et en lui retournent se dissiper. De même notre âme, qui est de l’air, nous maintient, de même le souffle et l’air entourent le Cosmos entier. »[7] Cet air qu’Anaximène conçoit comme invisible et impalpable est aussi indéterminé et illimité que l’apeiron d’Anaximandre[8]. La diversité et la multiplicité des choses s’expliquent par la raréfaction et la condensation de l’eau : sa raréfaction ou sa compression produit le feu, sa condensation produit l’eau, puis la terre et même la pierre[9].

Bien qu’il s’origine de la zone septentrionale de Milet, Héraclite d’Éphèse n’appartient pas formellement à l’école de Milet. Toutefois, il partage avec les membres de celle-ci la même préoccupation ontologique relativement à la détermination du fondement des choses, qu’il se représente dans son panmobilisme soit comme le feu (ou la foudre), soit comme le logos. Dans son pantagonisme, c’est plutôt la guerre (polémos) ou le combat universel dont les contraires sont nécessairement les protagonistes.

II-L’ontologie panmobiliste et pantagoniste d’Héraclite d’Éphèse

Lorsque Héraclite fait du feu le fondement de toutes choses, il le présente comme ce dont elles procèdent et ce en quoi elles retournent. La terre, l’eau tout comme l’air en résultent selon qu’il est éteint et selon qu’il est allumé : « Le feu vit la mort de la terre et l’air vit la mort du feu ; l’eau vit la mort de l’air et la terre vit celle de l’eau » (fragment 76). Ce feu, c’est aussi le logos (ou l’intelligence) universel qui rend compte de tout[10] et sous la régie duquel les contraires surmontent leur opposition dans la perspective de l’harmonie (fragment 8).

Dans le célèbre fragment 53, Héraclite présente plutôt la guerre (polémos) comme le principe des existants. C’est cela qui lui fait dire précisément ceci : « La guerre est le père de toutes choses et le roi de toutes choses ; de quelques-uns elle a fait des dieux, de quelques-uns des hommes ; des uns des esclaves ; des autres des hommes libres ».

C’est à travers la métaphore du fleuve qu’Héraclite illustre bien son panmobilisme : « On ne peut pas descendre deux fois dans le même fleuve » (fragment 91). Panta réï : tout s’écoule (comme les eaux du même fleuve), tout devient. Par conséquent, l’être et le non-être existent. C’est ce qu’il montre à travers la métaphore à laquelle il recourt au fragment 61 en ces termes : « l’eau de la mer est à la fois pure et très impure ; pour les poissons, elle est potable ; pour les hommes elle est imbuvable et nuisible. » Sa théorie de l’harmonie des contraires le montre davantage : « C’est la maladie qui rend la santé agréable ; le mal qui engendre le bien ; c’est la faim qui fait désirer la satiété, et la fatigue le repos » (fragment 111).

Ce que l’on peut retenir de l’ontologie moniste l’école de Milet et de l’ontologie panmobiliste et pantagoniste d’Héraclite d’Éphèse, c’est la volonté exprimée par les philosophes déjà cités d’expliquer le monde rationnellement, donc en rupture avec les explications de nature mythologique. Dans tous les cas, on recourt à l’Un (un élément fondamental) pour rendre compte du Multiple (la diversité et la multiplicité des choses).

Au matérialisme de l’école de Milet dont elle préserve le monisme et au panmobilisme et au pantagonisme d’Héraclite d’Éphèse, l’école d’Élée oppose une ontologie fixiste ou immobiliste.

III-L’ontologie fixiste ou immobiliste de l’école d’Élée

À l’opposé donc du panmobilisme et du pantagonisme héraclitéens, dans le cadre desquels l’Être est toujours en devenir, l’école d’Élée, principalement représentée par Parménide d’Élée, défend une ontologie régie par le principe d’identité que ce philosophe formule à travers cette tautologie positive : « l’Être est » et cette tautologie négative : « le non-Être n’est pas »[11].  C’est au fragment 8 qu’il détaille le fond de sa pensée en ces termes : « l’Être est. Et il y a une foule de signes que l’Être est incréé, impérissable, car seul il est complet, immobile et éternel. On ne peut dire qu’il a été ou qu’il sera, puisqu’il est à la fois tout entier dans l’instant présent, un, continu (…). On ne peut ni dire ni penser que l’Être n’est pas. Car, s’il venait de rien, quelle nécessité eût provoqué son apparition ou plus tard ou plus tôt ? En effet, l’Être n’a ni naissance, ni commencement. Ainsi donc il est nécessaire qu’il soit absolument ou ne soit pas du tout. Nulle puissance ne persuadera de laisser dire que du Non-Être pourrait naître quelque chose à côté de lui. »[12] Parménide complète les caractéristiques ontologiques de l’Être en affirmant ceci : « L’Être n’est pas non plus divisible, puisqu’il est tout entier identique à lui-même ; il ne subit ni accroissement, ce qui serait contraire à sa cohésion, ni diminution, mais tout entier il est rempli d’Être ; aussi est-il entièrement continu, car l’Être est contigu à l’Être. »[13] Enfin, « l’Être est complet, il ressemble à la masse d’une sphère bien arrondie, s’équilibrant partout elle-même. Il est en effet indispensable qu’il ne soit, en aucun endroit, susceptible de plus ou de moins. Car il n’est rien qui puisse l’empêcher de s’étendre également et rien de l’Être ne peut être plus ici et moins là que l’Être, puisque tout en lui est inviolable. Le point à partir duquel il est égal en tout sens tend également vers ses limites. »[14]

Zénon d’Élée, un disciple de Parménide, va s’atteler à défendre la logique de l’identité de l’ontologie fixiste de son maître en démontrant la difficulté qu’il y a à prouver logiquement la possibilité du mouvement[15] et en établissant le caractère contradictoire de la pluralité[16].

Mélissos de Samos, un autre disciple de Parménide, nie le devenir ainsi que l’existence du vide et emboîte le pas à son maître en affirmant l’immutabilité[17], l’unicité et l’infinité absolues de l’Être[18]. Selon lui, il est absurde d’affirmer que le devenir existe, puisque « ce qui a été a toujours été, et sera toujours. Car, s’il était devenu, avant de devenir, il eût été nécessaire qu’il fût rien ; mais, s’il était rien, il ne pouvait devenir rien de rien » (fragment 1). Sur l’unicité et l’infinité absolues de l’Être, il dit précisément ceci : « Mais s’il [l’Être] est infini, il est un ; car s’il y avait deux êtres, ils ne pourraient être infinis, mais se limiteraient réciproquement » (fragment 6).

Au panmobilisme d’Héraclite d’Éphèse, l’école d’Élée oppose une ontologie moniste et fixiste. Celle-ci repose sur la logique de l’identité absolue de l’Être et sur son unicité. Dans ces conditions, il n’y a plus de place pour le devenir et le non-Être.

Le monisme philosophiquement promu par les écoles de Milet et d’Élée sera également défendu dans l’ontologie de Xénophane de Colophon, mais dans une perspective théologique, voire monothéiste.

IV-Le monisme théologique de Xénophane de Colophon

Selon Xénophane, le fondement des choses, c’est l’Un, le Tout ou Dieu. L’Un ou le Tout, c’est-à-dire Dieu est immuable et n’est pas engendré : « Toujours au même endroit, il demeure où il est, sans du tout se mouvoir ; il ne lui convient pas de se porter tantôt ici, tantôt ailleurs »[19]. Le Dieu dont il s’agit n’est pas anthropomorphisé, car il n’a ni yeux, ni oreilles, ni pensées particulières. Dans sa critique de l’anthropomorphisme, Xénophane dit aux fragments 14, 15 et 16 ceci : « Les mortels s’imaginent que les dieux sont engendrés comme eux et qu’ils ont des vêtements, une voix et un corps semblables aux leurs » (fragment 14) ; « oui, si les bœufs et les chevaux et les lions avaient des mains et pouvaient, avec leurs mains, peindre et produire des œuvres comme les hommes, les chevaux peindraient des figures de dieux pareilles à des chevaux, et les bœufs pareilles à des bœufs, bref des images analogues à celles de toutes les espèces animales » (fragment 15) ; « les Éthiopiens disent de leurs dieux qu’ils sont camus et noirs, les Thraces qu’ils ont les yeux bleus et les cheveux rouges » (fragment 16).

Bien que Xénophane parle des dieux, l’Un ou le Tout renvoie plutôt à un seul dieu. Aussi peut-il dire au fragment 23 qu’ « il n’y a qu’un seul dieu, maître souverain des dieux et des hommes, qui ne ressemble aux mortels ni par le corps ni par la pensée. »

Comme Xénophane, Anaxagore de Clazomènes défend une ontologie moniste référée à un principe immatériel, à la différence qu’il assimile l’Être plutôt au Noύs qu’à l’Un ou Dieu.

V-La noologie d’Anaxagore de Clazomènes

Pour Anaxagore, l’Être, c’est le Noύs, c’est-à-dire l’Esprit ou l’Intelligence. Le Noύs est un principe d’ordre. Suivant le commentaire qu’Aristote en fait dans La Métaphysique, « c’est la cause de l’ordre et de l’arrangement universel »[20]. Ce Noύs qui gouverne toutes les choses est, d’après Anaxagore, « infini, autonome et ne se mélange à rien, il est seul lui-même, car, s’il n’était pas par lui-même et s’il était mélangé à quelque autre chose, il participerait à toutes choses dans la mesure où il serait mêlé à l’une d’elle » (fragment 12). La noologie d’Anaxagore consiste non seulement à assimiler l’Être au Noύs, mais à en faire le principe de tout ce qui est.

L’école pythagoricienne va apporter à la question du Ti es ti une réponse tout à fait spécifique de celles précédemment présentées, car pour Pythagore de Samos, le fondement ou le principe des choses, c’est le nombre.

VI-Les approches numérologique et arithmologique de l’école pythagoricienne

          Pour les pythagoriciens en général, les principes mathématiques sont les principes des êtres. Parce que les nombres rendent compte de tout mieux que les éléments matériels que sont l’eau, l’air, le feu et la terre, ils sont les réalités fondamentales de l’univers[21]. Cela se vérifie par le fait que tout peut être énuméré et tout peut être ramené aux nombres.

          L’ontologie des pythagoriciens une numérologie qui relève d’une arithmologie dans le cadre de laquelle l’Un procède nécessairement des nombres (pairs et impairs) d’une arithmétique dont le chiffre dix est considéré comme parfait.

          L’école d’Abdère propose, comme réponse à la question liée à la détermination du fondement des choses, une ontologie matérialiste, mais tout à fait en rupture avec le matérialisme moniste de l’école de Milet.

VII-L’ontologie pluraliste et matérialiste de l’école d’Abdère avec Leucippe et Démocrite

L’école d’Abdère a conçu et élaboré, à travers son atomisme, une ontologie pluraliste et matérialiste qu’elle a philosophiquement mise à contribution pour rendre compte de la multiplicité des choses à partir de plusieurs éléments matériels de nature ou corpusculaire. 

          Selon Leucippe et Démocrite, la structure des choses révèle qu’il y a les atomes et le vide[22]. Ce sont les atomes, ces corpuscules insécables, qui fondent les choses. Ils sont indivisibles, en nombre infini. Ce sont des particules pleines et dures ; elles si petites qu’elles sont imperceptibles. Ces particules sont également imputrescibles ou inaltérables. Les atomes sont mobiles ; ils ont des formes géométriques, une figure, une solidité, une position dans l’espace et un ordre déterminé[23]. La dissémination des atomes dans le vide infini permet la formation ou la naissance des corps et des univers en nombre infini. « Chacun d’eux tire son origine d’un ‘‘tourbillon’’ dans lequel les atomes s’agitent initialement dans toutes les directions possibles. En s’entrechoquant sans relâche. Puis, la loi de l’affinité du semblable pour le semblable, visible dans tous les phénomènes, commence à jouer ; le tourbillon se régularise ; les atomes de même nature se rapprochent, expulsant par les interstices qui les séparent les atomes de grandeur et de figure différentes. »[24] Les corps et les univers résultent donc de l’agrégation des atomes suivant la loi de l’affinité.

          La représentation, par Empédocle d’Agrigente, de la formation et de la destruction ou de la corruption des corps en fonction des sentiments comme l’amour et la haine, sera l’occasion, pour ce philosophe présocratique de proposer la synthèse du matérialisme et de l’immatérialisme défendus par les différentes écoles présocratiques déjà citées.

VIII-L’ontologie pluraliste de la physique des quatre éléments d’Empédocle d’Agrigente

          L’ontologie pluraliste de la physique des quatre éléments d’Empédocle est à inscrire dans le projet de remise en cause du « monisme ‘‘glacial’’ de Parménide »[25]. Qu’il s’agisse du pluralisme numérologique d’un Pythagore de Samos ou de celui des atomistes de l’école d’Abdère, dans tous les cas, la remise en question du monisme, quel qu’il soit, est ce à quoi souscrit tout à fait l’ontologie élémentariste d’Empédocle dans la perspective de dynamiter le monisme des écoles de Milet et d’Élée. La réalisation de ce projet philosophique peut se faire, selon Empédocle, au moyen d’une ontologie pluraliste élaborée à partir d’un élémentarisme polarisé autour des quatre éléments suivants : le feu, l’eau, l’air, la terre. Pour expliquer la génération et la corruption des corps, Empédocle recourt à des facteurs immatériels (l’amour et la haine) de nature psychologique : l’amour associe les éléments, la haine les sépare[26].

Conclusion

        La philosophie présocratique montre bien le considérable effort intellectuel qui a été déployé par les premiers philosophes de la Grèce antique pour l’éclosion et le développement de l’esprit philosophique et scientifique. Cet effort a, pour l’essentiel, consisté à affranchir le logos des contraintes à lui imposées par la mentalité mythique. Aussi a-t-il importé, aux yeux des philosophes présocratiques, de reposer la question du fondement cosmique ou celle de la génération et de la corruption des êtres suivant une autre approche méthodologique pouvant permettre au logos de prospérer réflexivement dans des plages véritablement philosophiques et scientifiques. Pour ce faire, les philosophes présocratiques ont dû varier leurs regards pour mieux les croiser, afin d’en augmenter l’efficacité heuristique. En posant les problèmes relatifs à l’identité, à la permanence, au fondement, au devenir ou au changement, etc. ils ont doté la philosophie et la science de références thématiques qui continueront d’être dignes d’intérêt. La dialectique des contraires qui finissent par s’harmoniser sous la régie du logos doit beaucoup inspirer aujourd’hui les habitants d’un monde où sévit de plus en plus la crise de la cohésion et de la paix.

Bibliographie indicative

Aristote, Métaphysique, tome 1, traduction de J. Tricot, Paris, Éditions J. Vrin, collection « Bibliothèque des textes philosophiques », 1970.

Canto-Sperber, Monique (sld.), Philosophie grecque, Paris, PUF, collection "Premier Cycle", 2e édition, 1998.

Gabaude, Jean-Marc, Le Jeune Marx et le matérialisme antique, Toulouse, Privat, collection « Sentiers », 1970.

Jeannière, Abel, Héraclite d’Éphèse et la vision présocratique du monde, Paris, Éditions Aubier Montaigne, 1959.

Kostas, Axelos, Héraclite et la philosophie, Paris, PUF, 1962.

Kwame Nkrumah, Le Consciencisme, traduction de Starr et Mathieu Howlett, Paris, Présence Africaine, 1976.

Legrand, Gérard, Présocratiques, Paris, Bordas, collection « Pour connaître », 1970.

Nietzsche, Friedrich, Sur Démocrite (Fragments inédits), traduction de Philippe Ducat, Paris, Éditions Métaillé, 1990.

Nizan, Paul, Les Matérialistes de l’Antiquité, Paris, Maspero, 1965.

Pichot, André, La Naissance de la science. Tome 2 : Grèce présocratique, Paris, Gallimard, 1961.

Revel, Jean-François, Histoire de la philosophie occidentale, NiL Éditions, 1994.

Rivaud, Albert, Les Grands courants de la pensée antique, Paris, Armand Colin, 1938.

Schuhl, Pierre-Maxime, Essai sur la formation de la pensée grecque, Paris, Flammarion, 1949.

Voilquin, Jean, Les Penseurs grecs avant Socrate : de Thalès à Prodicos, Paris, Flammarion, collection « GF », 1964.

 

Prof. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1-Cameroun

 

 

[1]- Aristote, La Métaphysique, tome 1, traduction de J. Tricot, Paris, Éditions J. Vrin, collection « Bibliothèque des textes philosophiques », 1970, pp. 29-30.

[2]- Gérard Legrand, Présocratiques, Paris, Bordas, collection « Pour connaître », 1970, p. 36.

[3]- André Pichot, La Naissance de la science. Tome 2 : Grèce présocratique, Paris, Gallimard, 1961, p. 72.

[4]- Ibid., p. 73.

[5]- Gérard Legrand, op. cit., pp. 43-44. Voir également Jean Voilquin, Les Penseurs grecs avant Socrate : de Thalès à Prodicos, Paris, Flammarion, collection « GF », 1964, pp. 49-53.

[6]- André Pichot, op. cit., pp. 83-84.

[7]- Anaximène cité par Gérard Legrand, op. cit., p 55.

[8]- Ibid., p. 95.

[9]- Ibid., p. 97. Voir également Gérard Legrand, op. cit., p. 54.

[10]- Ibid., p. 108. 

[11]- Gérard Legrand, op. cit., p. 115.

[12]- Jean Voilquin, op. cit., pp. 94-95.

[13]- Ibid.

[14]- Ibid., p. 96.

[15]- André Pichot, op. cit., p. 272.

[16]- Ibid.

[17]- Gérard Legrand, op. cit., p. 135.

[18]- Jean Voilquin, op. cit., p. 109.

[19]- Xénophane cité par André Pichot, op. cit., p. 242.

[20]- Aristote, op. cit., pp. 36-37.

[21]- Ibid., pp. 41-42.

[22]- Jean Voilquin, op. cit., p. 193.

[23]- Albert Rivaud, Les Grands courants de la pensée antique, Paris, Armand Colin, 1938, p. 59.

[24]- Albert Rivaud, op. cit., p. 61.

[25]- Cette expression est de Gérard Legrand. Cf. l’ouvrage déjà cité, p. 141.

[26]- Gérard Legrand, op. cit., p. 150. Voir également André Pichot, op. cit., pp. 316-317.

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12 décembre 2020 6 12 /12 /décembre /2020 04:44

Je me suis d’abord interdit de réagir aux incessants cris d’orfraie d’un sujet de psychiatrie qui s’auto-suggère qu’il dit la vérité parce qu’il augmente, à coups de mensonges, l’audimat de certaines chaînes de télévision. Je me crois obligé de revenir sur cet interdit non pas pour tester mon autonomie, mais pour rappeler que la vérité va survivre à toutes les mascarades dont elle est l’objet de la part de Fridolin Nke.

En revenant inlassablement sur des questions administrativement et académiquement bien documentées (plaintes des étudiantes), il prouve par son comportement qu’il est hanté par une vérité qu’il ne parvient pas à dissiper. Ne désespérant cependant pas de l’efficience de la récurrence des mensonges qu’il ressasse dans les médias, il se dit qu’en multipliant leurs occurrences, il finira par persuader autrui qu’il est la victime des bourreaux que son imagination malade a merveilleusement pu produire et identifier. Ne pouvant pas ne pas, au cours de ses multiples délires médiatiques, céder au syndrome d’Astérix, celui qui consiste précisément à se prendre à la fois pour la victime et le centre de gravité de l’univers, il cherche aussi à réussir l’exploit de déclasser, suivant une évaluation dont il a l’exclusivité du barème, ceux qui semblent lui faire ombrage. A l’instar d’Œdipe qui devait nécessairement tuer Laïos, son propre père, pour accéder à la jouissance des créances aphrodisiaques dont sa mère, Jocaste, était porteuse, Fridolin Nke désespère d’exister à côté de ceux qu’il se représente comme pouvant le castrer philosophiquement. Dans ce cas, la résiliation de son complexe de castration passe, croit-il, par le meurtre du père dont la figure se manifeste à travers l’autorité, l’institution ou l’État.

Pourquoi ne dit-il pas à ceux qu’il semble impressionner par l’impudicité avec laquelle il vide le contenu de son ça sur la République que c’est moi qui lui ai ouvert ma bibliothèque personnelle garnie de plusieurs milliers d’ouvrages lorsqu’il rédigeait ses mémoires de Maîtrise et de DEA en Philosophie ? Pourquoi n’a-t-il pas le courage d’avouer que c’est encore moi qui ai pris le risque administratif et académique de le recruter comme Assistant au département de Philosophie de l’Université de Yaoundé 1 où il s’est illustré par un comportement tout à fait transgressif par rapport à l’éthique et à la déontologie universitaires ? Comment peut-il convoquer maintenant les Bamiléké qui se sont farouchement opposés à son recrutement en m’accusant de népotisme ? Ce qu’il semble oublier, c’est que tout cela est considérablement documenté et bien archivé.

En émargeant dans le budget idéologique du populisme, Fridolin Nke donne la preuve que sa place n’est pas à l’université. L’université est élitiste en soi, même si, au Cameroun, certaines universités pourtant surpeuplées de savants sont malheureusement dirigées par des personnes de visibilité scientifique très restreinte. L’intégration de l’université camerounaise dans des sectes, c’est-à-dire des officines de promotion de l’obscurantisme, semble expliquer ce paradoxe. Si on évite que nos universités soient des plateformes de recrutement dans ces officines ou dans des clubs de sodomie, elles peuvent honorablement relever leurs défis parce que le Cameroun regorge de ressources humaines d’excellente qualité dont l’instrumentalisation et la clochardisation étouffent malheureusement la bonne expression.

En attendant que Fridolin Nke apprenne à bien dispenser ses cours et à encadrer scientifiquement ses étudiants, j’attends de lui un simple petit retour de gratitude. Je regrette de devoir avouer qu’il a été mon étudiant, car, sur ce plan, il n’y a vraiment pas de quoi pavoiser.

Prof. Lucien AYISSI

 

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8 décembre 2020 2 08 /12 /décembre /2020 21:19

Suivant le post qu’il aurait envoyé à un certain David Eboutou, mardi, le 08 décembre 2020, le « nouveau philosophe » camerounais, alias « expert en discernement », est un prétendu tout sachant qui s’autoproclamait d’abord, contre les normes de la langue de Molière et de Voltaire, « expert du discernement » avant d’être magistralement corrigé par les vrais experts. Il plastronnait partout en disant que c’est lui le Moïse de la philosophie camerounaise parce que son dieu lui en a donné, sans aucun témoin, le Décalogue au sommet du mont Cameroun. Comme un suicidaire, c’est-à-dire celui qui n’a plus rien à perdre, il disait partout qu’il n’a pas peur de la mort. Mais cet individu qui a l’appétit du scandale parce qu’il aime à se répandre en diffamations et en dénonciations calomnieuses comme pour tempérer les remords de sa propre conscience morale relativement à ses turpitudes, prétend maintenant avoir des problèmes de sécurité, car il serait « l’objet de filatures et de chantage anonyme » (dixit l’avatar camerounais de Diogène de Sinope).

Comment peut-il donc prétendre être l’avatar philosophique de Diogène de Sinope, de Cratès de Thèbes, de Métroclès ou d’Hipparchia de Maronée, etc., si son instinct de conservation s’exprime de manière paranoïaque, quitte à donner la preuve qu’il est si attaché à la vie dans toute sa dimension hédonique qu’il ne tient pas à la quitter avant d’être le prochain ministre de l’Enseignement supérieur ?

            Non ! Il n’est pas digne d’être l’avatar philosophique de Diogène de Sinope, ce « Socrate devenu fou », parce qu’il n’a ni son génie ni son gabarit éthique. Diogène ne redoutait pas la mort. La preuve, il s’est suicidé lorsqu’il a estimé que sa vie n’était plus supportable, compte tenu du poids des souffrances que lui infligeait une pathologie irréversible.

C’est tout le contraire de son prétendu avatar camerounais : à la première illusion d’optique et d’acoustique, il se figure que Thanatos le sollicite déjà pour l’envoyer, sans autre forme de procès, chez Hadès.

C’est pitoyable ! L’avatar est, pour son information, condamné à être toujours en défaut du modèle qu’il s’escrime vainement à reproduire ou à incarner.

 

Prof. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1-Cameroun

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25 novembre 2020 3 25 /11 /novembre /2020 22:56

 

Il quitte la terre dont la rotondité est sujette à caution, à l’âge de 60 ans, un chiffre aussi rond que le ballon dont il dominait merveilleusement les orbes et les révolutions sur les terrains de football qu’il savait agrémenter de ses spectacles. L’histoire qui est très chiche dans la production des génies de cet acabit l’a répertorié comme une référence paradigmatique qui va continuer à motiver les jeunes à frapper à sa porte pour faire valoir, sans garantie de succès, leur humanité et leur droit de cité dans un monde accaparé par ceux qui continuent d’en scander magistralement la dynamique.

Prof. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1-Cameroun

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22 août 2020 6 22 /08 /août /2020 10:07

Depuis un certain temps, nos comptes Facebook et WhatsApp sont encombrés de messages centrés sur des figures dont la moralité et la civilité sont tout à fait en haillon parce qu’elles ne brillent que par des propos injurieux et insultants envers soit telle ou telle communauté ethnique, soit telle ou telle personnalité de la République. Comme si l’injure et l’insulte ne suffisaient pas à illustrer parfaitement leur appétit du scandale, elles recourent à des câbles de communication marqués du sceau d’une délation et d’une dénonciation, sur fond de chantage, servant à défoncer des portes ouvertes au moyen des secrets de Polichinelle. À qui veut-on apprendre que la corruption des consciences, la prostitution, le mépris de la chose publique, le conflit des appétits, l’intrigue, etc. sont les marques de fabrique du génie de certains Camerounais ?

Mais ce que ces messages nous révèlent réellement, c’est que des personnalités chargées de protéger la moralité publique du risque de délitement éthique et déontologique de nos institutions se retrouvent paradoxalement impliquées dans des rapports de compromission avec la canaille et la sotte espèce au préjudice de la République. C’est ainsi que ceux qui ont eu la bonhomie de croire qu’en mettant le pied d’un tout-venant-social à l’étrier économique et financier, ils pourraient siphonner les finances publiques par son truchement, se dessillent aujourd’hui les yeux. Ils ne pouvaient pas s’imaginer, un seul instant, que le système mafieux astucieusement mis en place par eux pouvait se fissurer au point de mettre finalement en évidence ceux qui tirent personnellement profit de son opacité et surtout de la loi de l’omerta censée le gouverner. La rupture de l’omerta consécutive à la crise de la mafia camerounaise laisse sans voix plus d’un auditeur de ces messages où la canaille et la sotte espèce embarrassent, par un déballage dont les détails donneraient même au diable de véritables insomnies, ceux qu’elles étaient supposées couvrir.

Comme on peut le remarquer, la question posée ici est simplement rhétorique : lorsqu’on laisse la République à la discrétion de la canaille et de la sotte espèce, elle cesse d’en être une. Dans la kleptocratie à laquelle elle fait politiquement place nette dans ce cas, les idiots, les plagiaires, les musées pathologiques, les prostituées, etc. se prennent respectivement pour des surdoués, des génies, des bien-portants, des dames respectables.

Comment sauver la République de la domination de la canaille et de la sotte espèce ? À cette autre question qui mérite également d’être posée, nous répondons en disant simplement qu’il faut que soient constamment exercées les normes publiques de référence.

   

Prof. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1-Cameroun

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26 juin 2020 5 26 /06 /juin /2020 00:40

          Il se publie, depuis un certain temps, dans des journaux locaux, à des fins de dénonciation, une pratique pourtant jugée banale sous d’autres cieux. Ce qu’on peut constater, c’est que les mis en cause n’assument pas ce qu’il est convenable d’appeler leur identité homosexuelle. Lorsqu’ils ne se cachent pas derrière un silence fort équivoque, ils se répandent parfois en dénégations ou se présentent comme les victimes d’une cabale organisée par leurs adversaires politiques, quand ils ne profèrent pas des menaces qui, jusqu’ici, se sont avérées platoniques. L’attitude des mis en cause et celle des sycophantes qui ont la hardiesse de les dénoncer, appellent à réfléchir. Si les premiers n’étaient pas convaincus du caractère déviant de cette forme de sexualité, en référence aux canons de la culture camerounaise, ils n’adopteraient pas l’attitude des victimes d’une cabale ou d’une diffamation. Les sycophantes qui ont la témérité de les dénoncer, feraient preuve de moins d’audace s’ils ne se fondaient pas sur une certaine légitimité. Avant d’évaluer les dénonciations des uns et les dénégations des autres, il importe de procéder à une analyse froide des raisons de l’homosexualisation de notre pays. Comment comprendre, aujourd’hui, le développement de cette pratique qui, dans la tradition africaine, est si insolite qu’elle est généralement réputée pour sorcière ? Qu’est-ce qui peut motiver des Camerounais à s’adonner à cette pratique sexuelle dans un bassin culturel dominé par l’hétérosexualité et dans un cadre démographique considérablement fourni en filles et en femmes aux beautés et aux talents sexuels fort variés ? Évoluons-nous désormais vers de nouveaux modes de communication sexuelle ou assistons-nous à l’instauration des formes rituelles d’une « religion anale » dont l’objet du culte serait le rectum ? Risquons-nous de voir, à l’avenir, notre jeune démocratie dériver dans une sorte d’« anusocratie » que pourraient politiquement instituer les gestionnaires des clubs de sodomie et les membres influents de l’oligarchie camerounaise des homosexuels ?

Se poser toutes ces questions revient à s’interroger sur les enjeux d’une pratique dont l’importance, du moins dans les hautes sphères de l’État, est susceptible d’imposer sa nécessité sur la gouvernance de notre pays au point de compliquer la lecture et le traitement de la crise dans laquelle nous sommes empêtrés depuis environ une décennie.

Pour une bonne analyse du phénomène de l’homosexualisation de la société camerounaise, nous examinerons les arguments auxquels on peut recourir pour justifier les pratiques homosexuelles dont il est de plus en plus question non seulement dans les hautes sphères de l’État et dans les milieux religieux, mais aussi dans les milieux éducatifs, sanitaires et judiciaires. Parmi ceux-ci, il y a l’argument du mimétisme, celui de la domination ou de la puissance, l’argument économique et l’argument psychologique.

 

1.L’argument du mimétisme

 En vertu de cet argument, l’homosexualisation de la société camerounaise serait un effet de mode dû à la représentation de l’Occident par des Camerounais comme le repère orthonormé de l’éthique. C’est cette représentation suspecte d’« occidentolâtrie », qui expliquerait le fait que des Camerounais adoptent une forme de sexualité déjà légalisée dans certains pays occidentaux, comme pour donner la preuve qu’ils sont tout à fait en phase avec l’évolution du monde moderne. Mais, si c’est le cas, pourquoi les homosexuels camerounais ne s’organisent-ils pas, à travers des gay pride, à sortir eux aussi du placard, comme ce fut le cas en Europe avec le fameux coming-out consécutif à la révolution sexuelle des année 70 ? Pourquoi continuent-ils de mener une existence sexuelle clandestine, notamment dans l’ombre des hétérosexuels, s’ils étaient convaincus de la légitimité et de la pertinence de leur sexualité ou s’ils étaient en droit de défendre valablement et publiquement leur différence ? Ces interrogations sont des modes d’un doute qui traduit que l’argument du mimétisme ne suffit pas à expliquer l’homosexualisation de notre société, puisque, pour singer les Occidentaux en toute autre chose, les Camerounais n’ont pas coutume de se cacher.

 

2.L’argument de la domination ou de la puissance

            L’homosexualité s’inscrirait dans la logique de domination des consciences. A travers des rapports homosexuels, il s’établirait une relation de domination entre le partenaire actif et celui qui est sexuellement passif, analogue à celle qui existait chez les Grecs de l’Antiquité, entre l’éraste et l’éromène. Le partenaire actif pourrait ainsi s’assurer la soumission totale de celui qui est passif. L’offre de garantie de la soumission du sujet passif lui vaudrait des gratifications sociales ou politiques. Le partenaire dominant, a-t-on la naïveté de croire, pourrait transfuser magiquement au dominé une partie de son pouvoir ou de son savoir par voie rectale. Mais, de quelle efficacité peut bien être un savoir et un pouvoir qu’on prétend acquérir magiquement par voie anale, donc en marge de l’effort classique, mais seulement au prix de quelques mutilations des muscles sphinctériens et d’une irréversible incontinence fécale ?

Comme on peut le constater, l’obscurantisme assure la prospérité de l’homosexualisation de la société camerounaise. C’est pourquoi ce phénomène se nourrit beaucoup de préventions superstitieuses dont la conséquence est le déclassement irrationnel de la tête, la partie logique de l’organisme de l’homme, par la partie postérieure ou concupiscible de son corps. Il est tout à fait illusoire et même très naïf de croire que le Cameroun peut réussir à relever les défis de l’histoire autrement que par l’effort au travail et la bonne qualité de la réflexion des Camerounais sur le sens politique et économique à donner à leur pays.

 

3. L’argument économique

            L’homosexualité serait, dans l’économie du sexe, plus rentable que l’hétérosexualité habituelle. Son cours élevé dans le marché du sexe s’expliquerait par la rareté de ses offres, même si l’inflation remarquable de cette pratique dans notre contexte socio-politique doit nécessairement aboutir, à terme, à la chute de ses cours, suivant la loi implacable de l’offre et de la demande. En affectant un intérêt politique ou économique à une partie du corps à laquelle la nature n’a initialement assigné qu’une fonction très médiocre, ceux qui vendent leur zone anale dans les comptoirs marchands de l’économie du sexe, espèrent pouvoir corriger le déficit de dignité qui caractérise leur personne dans un contexte où l’humanité de l’être est fonction de son avoir ou de sa fonction administrative ou politique. Le caractère lucratif de cette activité sexuelle a fait apparaître au Cameroun une nouvelle forme de feymania qu’on pourrait appeler la feymania rectale. Mais, de quelle dignité peut-on finalement se targuer après cette auto-instrumentalisation qui relève effectivement de ce qu’Emmanuel Kant appelle le « suicide partiel » ?

           
4.L’argument psychologique

 

            L’homosexualisation des hautes sphères de l’État camerounais s’expliquerait aussi par la tendance à la jouissance du pouvoir. Las d’une hétérosexualité qui ne serait plus suffisamment chargée de promesses de plaisirs, certains de ceux qui tirent un profit égoïste du système, rechercheraient dans les pratiques homosexuelles une sexualité psychologiquement plus riche en plaisirs. Comme pour rompre avec la monotonie de leur existence bourgeoise, ces mégalomanes rechercheraient dans la zone érogène anale des plaisirs d’exception. En érigeant une zone d’évacuation des déchets d’un organisme en lieu de genèse des plaisirs d’exception, ou, plus précisément, en pensant pouvoir trouver dans la boue, et au grand mépris des problèmes d’hygiène, des plaisirs sexuels insolites, ces mégalomanes reconfigurent la sexualité sur la base de la psychologie porcine. Grand est alors le risque de les voir contribuer également à la libéralisation des mœurs et à l’anarchie des valeurs. Ainsi, s’il leur arrivait de devoir prouver qu’ils sont d’autant plus puissants qu’ils peuvent transgresser cyniquement et impunément l’interdit ou le défendu en recherchant des plaisirs d’exception soit dans la pratique de l’inceste et de la zoophilie, soit dans la libation du sang humain et le cannibalisme, ils ne s’encombreraient certainement pas de scrupules.

           

Il ressort de ces interrogations que l’analyse du phénomène de l’homosexualisation de la société camerounaise est encore problématique. C’est pour cela qu’il est sujet à plusieurs interprétations possibles. Une interprétation politique de la fougue des sycophantes de la cité pourrait faire croire qu’à travers leur dénonciation, c’est l’abomination et la condamnation du régime en place qu’ils visent parce qu’il n’entretiendrait plus suffisamment la fierté d’être camerounais et l’espoir de vivre dignement.

            Quelle que soit l’interprétation qui vaille, l’incidence des pratiques homosexuelles sur notre gouvernance est grave de conséquences. La société dans laquelle le mérite est requalifié sur la base des prestations homosexuelles est prédisposée à subir la crise de la performativité. Là où la géographie sémantique est reconfigurée par de nouvelles expressions telles que « les bilingues », « la promotion à la vaseline », etc., il se pose des problèmes de communication assortis de risques de babélisme. Comment éviter, dans ce cas, le risque de fragmentation sociale s’il se crée au Cameroun des sociétés partielles définies par des modes de comportement qui remettent en cause le consensus formellement encore en vigueur ?

            Le phénomène de l’homosexualisation de la société camerounaise est-il symptomatique des difficultés socio-politiques qui caractérisent généralement les sociétés aussi en crise que celles de Sodome et de Gomorrhe ? Est-ce la marque du tournant décisif de notre pays dans son arrimage à la mondialisation ? Quel sera, dans ce cas, le destin des ménages et des familles dans cette homosexualisation préoccupante de notre société ? Enfin, la dénonciation, par certains journaux, des homosexuels camerounais, participe-t-elle d’un combat des Diadoques anticipé qui s’organiserait déjà au grand mépris du fait qu’Alexandre est encore en vie ? Que peut bien signifier l’attitude fort olympienne d’Alexandre par rapport à la feymania homosexuelle dont sa gouvernance est de plus en plus suspecte de complicité et à la corruption de la moralité qui sévit dans la population de ses collaborateurs ?

            Nous espérons que la suite des événements nous permettra de faire une meilleure lecture du phénomène de l’homosexualisation de notre société.

 

Prof. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1 (Cameroun)

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13 juin 2020 6 13 /06 /juin /2020 19:08

Les policiers qui ont tué George Floyd, qu’on identifie improprement comme étant un afro-américain alors que Donald Trump n’est pas présenté comme un germano-américain, étaient trop stupides pour comprendre qu’en réservant un tel sort à un être humain, ils porteraient une grave atteinte à l’humanité tout entière. Ils n’auraient probablement pas tué George Floyd s’ils avaient prévu que le monde entier s’en indignerait et que tous les damnés de la terre se reconnaîtraient à travers la figure pourtant particulière de la victime de leur sauvagerie. Ils étaient effectivement trop bêtes pour prévoir qu’en faisant valoir la pulsion de leur racisme anti-noir, ils réveilleraient la conscience de tous ceux qui, dans le monde entier, vivent l’expérience de l’exclusion, de la marginalisation et de la stigmatisation du fait de la différence qu’ils n’ont pas choisie d’afficher, mais qu’ils ne peuvent pas ne pas exhiber.

De quelle exemplarité les États-Unis d’Amérique peuvent-ils se targuer pour continuer de se constituer légionnaires du Bien et, pour cette raison, s’en prendre violemment aux Rogues States ou aux « pays de merde », lorsqu’on sait qu’ils ne parviennent pas, même au XXIe siècle, à résoudre avec bonheur les questions liées au vivre-ensemble au moyen de la tolérance de la différence ?

Compte tenu du fait que ce qui est arrivé à Minneapolis est non seulement métaphorique, mais aussi et surtout emblématique de toutes les crises de la tolérance de la différence, ceux qui s’enferment dans le ghetto de leurs préférences sympathiques d’essence sectaire ou ethnique, doivent s’attendre, tôt ou tard, à la réprobation universelle du fait qu’ils condamnent le Différent à l’exclusion, à la marginalisation, à la stigmatisation et même à la disparition.

Prof. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé 1 (Cameroun)

 

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