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16 août 2012 4 16 /08 /août /2012 18:21

 

-Paul-Bienvenu Onana, L’herméneutique platonicienne de la mort, Paris, L’Harmattan, collection « Ethique, Politique et Science », 2010.

 

-Ciriac Oloum, Max Stirner, contestataire et affranchi, Paris, L’Harmattan-Cameroun, 2012.

 

-Hilarion Ngoa Mebada, Les nouveaux philosophes et l’idée de révolution, Paris, L’Harmattan-Cameroun, 2012.

 

-Jean-Thierry Nanga Essomba, Emmanuel Levinas. La philosophie de l’altérité, Paris, L’Harmattan, collection « Ouverture philosophique », 2012.

 -Lucien Ayissi (sld.), Penser les représentations, Paris, L'Harmattan, collection "Ethique, Politique et Science", 2014.

-Auguste Owono-Kouma, Les essais de Mongo Beti: développement et indépendance véritable de l'Afrique noire francophone. Esquisse d'analyse de contenu, Paris, L'Harmattan, collection "Etudes Africaines", 2014.

-Issoufou Soulé Mouchili Njimom, De la signification du monde et du devenir de l'existence, Paris, L'Harmattan, collection "Ethique, Politique et Science", 2017.

 

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8 août 2012 3 08 /08 /août /2012 12:10

professeur_ayissi.jpg

 

Au moyen de l’excès qu’elle affectionne beaucoup, à en juger par son refus constant de minimiser ou de réduire le réel, l’hyperbole donne grandeur et prestance à ce qui en est objectivement dépourvu. Grâce au pouvoir qu’elle a d’agrandir ce qui est petit, elle parvient à faire de l’hubris la norme de qualité de toutes choses. C’est ainsi qu’elle donne à une seconde la durée d’un siècle, au ciron la taille d’un pachyderme, au nain la stature d’un géant et au nez l’ampleur d’un pic, d’un cap ou d’une péninsule.

En chargeant d’horreur une simple peccadille, l’hyperbole sollicite implicitement la morale pour qu’elle investisse toute la force éthique dont elle est capable dans la correction des bigarrures de notre ethos. En amplifiant considérablement la laideur physique d’un être, elle recourt à l’exagération pour dénoncer les problèmes d’esthétique que pose le monde dans lequel nous vivons. En préférant l’obscénité aux effets cosmétiques de la prétérition, elle dévoile le réel en le peignant avec des traits excessivement laids.

En se ressourçant dans l’orgie, l’hyperbole exerce pleinement ses talents stylistiques là où la litote et l’euphémisme font preuve de parcimonie ou d’économie dans la traduction de la vérité. A l’opposé de ces autres procédés expressifs qui ont le don stylistique de rapetisser ou d’amenuiser symboliquement les choses, l’hyperbole a plutôt le pouvoir d’en faciliter la lecture par sa tendance irrépressible à nous les présenter en grand format.

Le fait de donner à un petit orifice la béance d’une grande caverne, l’hyperbole refuse de se contenter de plagier le réel, en conformant fidèlement les mots aux choses. C’est ainsi qu’elle apparaît comme l’art expressif des révoltés : il s’agit précisément de l’art d’instrumentaliser le symbolique de manière à lui donner la surcharge sémantique censée accroître son pouvoir de signification.

En remettant en cause la relation traditionnellement établie, dans l’ordre linguistique de la description, entre le symbole et la chose symbolisée, l’hyperbole libère le symbole de la servitude de la représentation, afin qu’il ait la possibilité de reconstruire, à la limite de la caricature, la chose à symboliser. Par sa capacité à libérer le mot de la détermination sémiotique de la chose, l’hyperbole s’inscrit dans un autre procès de symbolisation du réel, celui dont la fin est d’ennoblir le symbole, trop souvent asservi dans la relation de référence qui a coutume de le lier à la chose symbolisée pour manifester ses vertus poétiques.

Mais, comment pouvoir éviter la mythologie et la tératologie dont s’accompagne la symbolisation hyperbolisée du réel ? Que faut-il faire pour éluder le risque de disproportion que l’hyperbole aime à courir dans la référence qu’elle se plaît d’ailleurs à falsifier lorsqu’il s’agit de représenter le réel ?

C’est, pouvons-nous dire, un beau risque à courir si nous ne voulons pas collaborer à l’étouffement de la vérité à travers l’affaiblissement de la structure symbolique du langage. À force d’édulcorer le langage pour des raisons de bienséance protocolaire, politique ou diplomatique, nous participons, sans le savoir, à la construction d’autres formes de mythologie et de tératologie.

                                            

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 02:09

professeur_ayissi.jpgContre Sarkozy, la messe est finalement dite par le peuple de France, ce 06 mai 2012. S’il n’avait pas fait assassiner celui qui a financé sa campagne électorale en 2007, il aurait peut-être pu s’accrocher efficacement au pouvoir. En sciant inconsidérément la branche sur laquelle il aurait dû continuer à s’asseoir, en faisant notamment tuer Kadhafi, son bailleur de fonds, Sarkozy n’a pas compris qu’il se faisait bêtement hara-kiri. Celui qui a, en France, cristallisé la détestation politique, au point de réussir l’exploit de se faire maudire par beaucoup de membres de sa propre famille politique, aura désormais suffisamment de temps pour faire prospérer sa plainte contre Mediapart et répondre éventuellement, à la suite de Chirac, des actes répréhensibles qu’il a posés pendant qu’il était aux affaires. Il aura surtout le temps de donner carrière à ses grossiers tics gestuels qui faisaient certainement que Saïf al Islam le prenne pour un « clown ».

Contre qui Sarkozy va-t-il désormais mobiliser son énergie débordante et sa violence ? Ce ne sera pas, espérons-le, contre Carla Bruni.

En vérité, l’Afrique ne doit pas pavoiser à la suite de l’élection de François Hollande. C’est par rapport à la France impériale qu’elle doit plutôt s’émanciper au lieu de se figurer qu’en changeant de maître elle pourra améliorer sa condition de pâturage économique des autres.

 

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

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2 mai 2012 3 02 /05 /mai /2012 06:47

 

professeur_ayissi.jpgL’acharnement militaire dont le régime de Kadhafi a été, pendant des mois, l’objet de la part Sarkozy et de ses compères politiques occidentaux était-il réellement motivé par la volonté de taire définitivement l'ex-dirigeant libyen? C'est ce que peut laisser suggérer l'information selon laquelle Sarkozy a bénéficié, de la part de l’ex-dirigeant libyen, d’un appui financier d’un montant de 50 millions d’euros pour son élection en 2007. S’il est maintenant facile à Sarkozy de contester cela, étant donné que Kadhafi ne peut plus, même outre-tombe, lui opposer sa version des faits, cela ne dissipe pas le doute qui plane sur sa crédibilité quand on sait que son nom est également associé au scandale des rétro-commissions dans ce qu’il est convenable d’appeler le ‘‘Karachigate’’.

Le peuple français va certes en juger, en dépit des dénégations de Moussa Koussa et de Bachir Saleh. Mais une chose est sûre : être contraint, par la nécessité des événements politiques, d’abuser de la formule « ce n’est pas vrai », n’est pas bon signe pour le candidat Sarkozy. Bien plus, un candidat qui a le don politique de créer et d’entretenir des rapports symbiotiques entre le pouvoir et les affaires, et dont le nom est souvent associé aux opérations de financement occulte, est un candidat très peu crédible.

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

 

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16 avril 2012 1 16 /04 /avril /2012 12:18

 

professeur_ayissi.jpgDans un livre dont la lecture est facilitée par la beauté d’un style que quelques méchantes coquilles ne parviennent pas à en altérer l’esthétique, et publié en 2011 dans la Collection « Pensée Africaine » des Éditions L’Harmattan, M. Jean-Marie ATANGANA MEBARA réussit l’exploit singulier de construire une merveilleuse relation entre l’Ailleurs, cet espace carcéral saturé de frustrations, d’humiliations, de vexations et où sévit constamment une sévère crise d’humanité, et l’Ici, principalement peuplé de ses proches, paradoxalement devenus, des suites de l’Opération épervier, des êtres plus ou moins lointains. Dans la démographie des gens d’Ici, il y a aussi, bien sûr, des juges, des journalistes, des prélats, et d’autres personnes comme les professeurs Victor ANOMAH NGU et Joël MOULEN, M. Amadou ALI et toutes les autres personnalités qui sont « sous la menace de l’épervier ».

Le commerce épistolaire que M. ATANGANA MEBARA noue, dans les Lettres d’Ailleurs, avec les siens, notamment sa fille Olive-Armelle NGONO et sa mère décédée, est sous-tendue par une intense relation théologique, celle qu’il continue d’avoir avec Dieu, son point d’Archimède spirituel, et son Église, son rempart psychologique et moral.

Ce dense commerce épistolaire n’est pas seulement l’occasion, pour M. ATANGANA MEBARA, de se doter d’une plage d’explication et de production des preuves de son innocence relativement à l’imputation d’illégalité qui pèse considérablement sur lui. L’auteur des Lettres d’Ailleurs réussit aussi l’exploit de nouer une relation entre le pathétique, le judiciaire et le carcéral, en promenant soigneusement son lecteur dans un univers dont la complexité tient au fait qu’il a trois dimensions : une dimension psychologique (même si l’intention de l’auteur des Lettres d’Ailleurs n’est pas, comme il le dit lui-même, d’émarger dans le budget d’un « exhibitionnisme émotionnel » (p. 61), une dimension juridique et une dimension médiatique. Si la dimension psychologique de cet univers complexe est dominé par le pathétique d’un homme d’abord traqué par le système qu’il a pourtant servi, puis accablé et humilié, la dimension judiciaire dudit univers est présentée par lui comme constituée d’« abysses » (p. 218) et d’imbroglios judicaires (p. 230) de toutes sortes qui ajoutent à son caractère infernal et compliquent davantage la temporalité d’un citoyen déjà lourdement chargée d’interrogations sans réponses, de craintes, d’anxiétés et d’angoisses multiformes. La dimension médiatique de cet univers est surtout dominée par la prévention de certains journalistes psychologiquement déterminés par la « rumeurocratie » et la « présomption de culpabilité » fondée, d’office, d’après ses contempteurs et bourreaux, sur le crime d’avoir osé convoiter le fruit politique défendu par celui qui incarne, au Cameroun, le « Dieu terrestre ». En présentant, sans garantie de certitude, M. ATANGANA MEBARA comme l’auteur d’une grosse culpa, certains médias ne se contentent pas de l’assimiler au téméraire reproducteur du mal qui brouilla les rapports des premiers hommes à leur créateur ; par le fait même, ils exhortent sournoisement le « Dieu terrestre » à procéder, comme son modèle céleste, au châtiment du téméraire.

En sous-tendant, de façon très astucieuse, les trois dimensions de cet univers kafkaïen auquel il appartient depuis 2008 par une même logique, M. ATANGANA MEBARA parvient à en établir l’unité spatiale, de manière à pouvoir y promener aisément son lecteur au moyen des épîtres aux destinataires et contenus pourtant variés. Cette logique au moyen de laquelle il dissipe l’hétérogénéité géométrique de son Ailleurs est celle de la détermination dont il s’arme courageusement et admirablement pour établir son innocence.

Ce qui est admirable dans les épîtres que M. ATANGANA MEBARA adresse à tout homme d’Ici ou d’Ailleurs, à travers quelques figures de prédilection, c’est la grande dignité dont il fait montre, même lorsqu’il décrit le pathétique dans les moindres détails. Du fond de la prison de KONDENGUI, cet infernal Ailleurs dans lequel la vie n’a plus suffisamment de sens véritablement humain parce qu’elle tend à se réduire à sa plus simple expression zoologique, M. ATANGANA MEBARA invite les gens d’Ici à méditer sérieusement sur des questions philosophiques, théologiques et déontologiques. S’il philosophe, dans certaines de ses épîtres sur le droit (pp. 241-250), le fonctionnement de l’ « appareil judiciaro-pénitentiaire » (p. 241), la condition de travail des magistrats (pp. 231-238) et du personnel de l’Administration pénitentiaire (239-241), les droits de l’homme et le sens de l’existence humaine, pour théologuer, par la suite, sur l’espérance, l’amour et le pardon, il nous invite aussi à méditer sur des questions liées à la déontologie juridique et journalistique. Il me rappelle la dignité avec laquelle Socrate déposait devant le tribunal de l’Héliée, comment il s’autorisait à donner quelques leçons de déontologie juridique à ses juges et le flegme avec lequel il philosophait avec ses proches en prison avant de devoir boire la ciguë. En établissant cette analogie, je ne souhaite pas à l’auteur des Lettres d’Ailleurs une fin aussi tragique que celle du divin Socrate.

On ne peut pas ne pas être fasciné par l’éthique du pardon (pp. 44-51), de la compassion et de l’essentiel (p. 52) que promeut, du fond de son trou à rats, l’auteur des Lettres d’Ailleurs, son mépris souverain de la cabale, de la souffrance et de la mort, et surtout ce sens élevé de la loyauté qui est remarquable à travers la réserve dont il continue de faire preuve en dépit de tout. Ce qui accroît cette fascination à l’égard de M. ATANGANA MEBARA, c’est sa capacité à affecter à une odieuse maison d’arrêt comme KONDENGUI un certain intérêt, notamment lorsqu’il nous la présente tantôt comme l’école d’humilité et de la compassion, tantôt comme l’« extraordinaire poste d’observation » (p. 218) qui lui permet de voir ce qui ne se donne pas à voir en marge de ce cadre inhumain. C’est, par exemple, à partir de cet horrible mirador qu’il s’aperçoit que nous avons inutilement tendance à accorder beaucoup plus de crédit à l’inessentiel qu’à l’essentiel (pp. 52-53), que l’importance de notre possession et de notre statut social n’accroissent ni n’améliorent notre être (p. 51). Les projets qu’il met en perspective (pp. 53-54), et par lesquels il prouve, à la suite de M. DAKOLE DAÏSSALA, qu’on peut être « libre derrière les barreaux », tout comme les promesses de générosité que contiennent certaines des ses épîtres sont motivées par ce dont il a l’expérience du fait de son incarcération depuis 2008. Cela explique, sans doute, les accents messianiques des différentes épîtres de M. ATANGANA MEBARA. Le messianisme que ces épîtres véhiculent n’est pas celui de la vengeance ou de la revanche ; s’il s’interdit de proférer des imprécations à ses ennemis ou de promettre la  mise à la casse d’une justice encore en demande d’indépendance et de rectitude, c’est parce qu’il se fonde sur l’éthique spinoziste d’inspiration biblique, dont l’une des règles de la vie commande que la « Haine » doive « être vaincue par l’Amour et la Générosité, et non compensée par une Haine réciproque » (Cf. Spinoza, Éthique, Partie III, le scolie de la Proposition X)[1]. Ce messianisme éthiquement porteur s’adosse sur un optimisme de type leibnizien : parce qu’il est toujours gros du bien, le mal est la condition de parturition du meilleur des mondes possibles. C’est pour cette raison que M. ATANGANA MEBARA ne désespère pas du Cameroun, convaincu que les multiples problèmes caractéristiques l’existant sociopolitique camerounais ne pourront jamais ruiner le capital d’espérance qu’il importe, pour chaque Camerounais, d’entretenir et de développer.

Certes, les épîtres de M. ATANGANA MEBARA ne nous éclairent par exemple pas sur l’impropriété de la dénomination de l’aéronef présidentiel dont il s’agit dans son livre. Pourquoi se contente-t-il de présenter, sans justification, cet aéronef soit comme « un avion qui sera baptisé, par inadvertance, l’ALBATROS » (p. 104), soit comme un « avion, baptisé par erreur ALBATROS » (p. 109), soit comme un « avion présidentiel, baptisé, d’une manière d’ailleurs insolite et impromptue, « ALBATROS » » (p. 158) ? En attendant que le lecteur que je suis sache le pourquoi de l’impropriété de cette dénomination, je souhaite à l’auteur de ces épîtres de continuer d’être « libre derrière les barreaux », dans l’espoir qu’à la suite des Dévoilements préliminaires d’une Prise de l’ « Épervier » du Cameroun (c’est le sous-titre de son livre), la production littéraire camerounaise s’enrichisse considérablement de livres qui nous viennent d’Ailleurs[2]. Cela, j’en suis convaincu, est de nature à aider au développement de la réflexion que nous devons tous mener sur les questions se rapportant, par exemple, à la gouvernance, notamment à la place de l’éthique dans la politique ; au rapport de chacun aux normes publiques de référence ; à la gestion de la liberté des citoyens ; à la sauvegarde de l’humanité de l’homme en situation de privation de liberté à l’hôpital ou dans une maison d’arrêt ; aux réformes à faire subir à l’Administration pénitentiaire pour que la fonction pédagogique de la peine privative de liberté soit assurée ; à la qualité de la formation à donner aux jeunes Camerounais appelés, tôt ou tard, soit à informer l’opinion, soit à prendre part à l’instruction des procédures plus ou moins complexes, de telle sorte que soient minimisés aussi bien les risques d’erreur de jugement que la prospérité de l’industrie de la manipulation des consciences et de l’instrumentalisation de la loi à des fins inavouées, etc.

Persuadé qu’il y a encore des raisons de faire preuve d’optimisme par rapport à l’avenir, nous pouvons, sur un ton prophétique, dire avec l’auteur des Lettres d’Ailleurs : « un jour, peut-être ».

 

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)



[1]- Ceci est la formulation philosophique de la sagesse contenue dans l’épître de Paul aux Romains (chapitre 12 versets 17-21) que cite d’ailleurs M. ATANGANA MEBARA à la page 45 de son ouvrage.

[2][2]- Il s’agit, par exemple, De la Tour Elf à la prison centrale de New Bell (sous-titré : Histoire d’une déchéance sociale injuste et réflexions sur la gouvernance au Cameroun) de M. Jean-Baptiste NGUINI EFFA, publié également en 2011 dans la Collection « Points de vue concrets » des Éditions L’Harmattan.

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2 avril 2012 1 02 /04 /avril /2012 13:25

 

professeur_ayissi.jpgMacky Sall était-il condamné, comme Œdipe, à tuer son vieux père, Abdoulaye Wade, et à le cocufier avec sa mère, le Sénégal ?

Bien que la situation politique dans laquelle s’est retrouvé Macky Sall soit, par certains côtés, semblable à celle d’Œdipe dans son rapport à son père, Laïos et à sa mère, Jocaste, nous ne pouvons pas répondre à cette question par l’affirmative, dans la mesure où le cas de Macky Sall n’est pas marqué du sceau de la fatalité qui a imposé sa nécessité à la vie du pauvre Œdipe. A la différence donc d’Œdipe, Macky Sall a eu la possibilité d’opérer un choix, celui de tuer son père dans l’intention de protéger sa mère, le Sénégal, contre un pouvoir désormais dépourvu d’incitations politiques, mais que Wade se plaisait quand même à instrumentaliser pour appuyer les projets de déstabilisation de certains de ses homologues africains (Gbagbo, Kadhafi) pendant que les Sénégalais, dans leur immense majorité, peinaient à relever les défis des impératifs historiques.

Le désamour politique sur le mode duquel Macky Sall se rapportait désormais à Abdoulaye Wade, à cause de nombreuses infidélités politiques dont ce dernier s’est de plus en plus rendu coupable dans son pacte matrimonial avec le Sénégal, s’est donc soldé par le meurtre rituel d’un père trop vieux pouvoir encadrer efficacement une mère considérablement rongée par le sentiment de frustration. Le fait que l’immense majorité des Sénégalais ait légitimé le parricide commis par Macky Sall prouve que le père de ce dernier a eu tort d’aspirer encore à l’occupation d’une scène politique où s’amoncelaient des problèmes irrésolus. Le parricide dont Wade a été victime de la part de sa propre pupille politique doit bien faire sourire Laurent Gbagbo du fond de sa cellule de la Haye et amuser beaucoup Mouammar Kadhafi du fond de sa tombe en Libye.

Mais, suffit-il de tuer son père pour résilier son complexe d’Œdipe et combler, par le fait même, les attentes combien importantes de sa mère ? Macky Sall ne court-il pas le risque de devoir, comme Œdipe dans les mythes de Béotie, se crever finalement les yeux en réalisant qu’il s’est rendu coupable d’avoir, sans nécessité, tué son vieux père et abusé de sa propre mère au terme d’une réaction œdipienne, telle qu’elle s’observe habituellement dans le traditionnel triangle tragique père-mère-fils ?

En choisissant de commettre le parricide pour résoudre son problème d’identification politique, Macky Sall s’est résolu à sortir d’un dilemme cornélien par un acte sacrificiel qui, espérons-le, ne sera pas, à terme, dommageable pour le pacte matrimonial qu’il est, malgré son caractère évidemment incestueux, déterminé nouer fructueusement avec sa mère.

 

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I

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22 mars 2012 4 22 /03 /mars /2012 14:33

professeur_ayissi.jpgQu’est-ce qui peut bien justifier cet optimisme anthropologique dans l’actuel procès de déshumanisation du monde, tel qu’il est défini par l’irrépressible détestation de l’altérité, la logique de la domination des maîtres du monde et la violence protéiforme ?

Mon optimisme anthropologique ne se déduit pas d’un quelconque optimisme théologique, tel qu’on peut en avoir par exemple l’expérience idéologique dans la philosophie de Leibniz. Ce n’est pas parce que la volonté divine est nécessairement bonne que je crois qu’il ne faille jamais désespérer de l’homme. La volonté de Dieu peut être très bonne sans que cela impose la moindre nécessité éthique au libre arbitre de l’homme. Le postulat leibnizien dont la pertinence est à établir dans un monde de plus en plus dominé par le scandale du mal ne peut pas légitimer mon optimisme anthropologique. Ce dernier n’est pas non plus déductible du postulat métaphysique de la bonté d’une nature qui prédispose la moralité de l’homme à une nécessaire réappropriation éthique, en dépit de la constante pression délétère que l’histoire exerce sur chaque individu.

Mon optimisme anthropologique tire plutôt toute sa pertinence de l’expérience actuelle des événements de Toulouse : le fait que Nicolas Sarkozy ait donné hier l’impression d’être redevenu un être humain capable d’émotion devant des atrocités – sentiment dont il n’a pas pu faire preuve lors de l’effroyable massacre, par l’OTAN, des populations civiles libyennes, de certains membres de la famille de Kadhafi, des actes de sauvagerie récemment posés par un soldat américain en Afghanistan, etc. –, prouve qu’il ne faut jamais désespérer de l’homme, quel qu’il soit. Qu’il s’agisse donc de Mohamed Merah et de bien d’autres forcenés persuadés de pouvoir sous-traiter individuellement ou collectivement, par des actes de terrorisme, la violence des maîtres autoproclamés du monde, l’homme est, comme le soutenait déjà Rousseau au XVIIIème siècle, un être perfectible.

Ce que je retiens de l’émotion de Nicolas Sarkozy, c’est d’abord la conscience de la vulnérabilité de l’homme et celle de la vanité de son arrogance. C’est, ensuite le fait que tout homme, qu’il soit athée, chrétien, musulman, juif, indou, etc., participe de l’humanité universelle. Pour cette raison, en aliénant son droit à la vie, on entame celle de l’humanité dont il participe. On se trompe donc grossièrement lorsqu’on répand cyniquement la mort dans le reste du monde en croyant pouvoir légitimer une telle sauvagerie par l’idéologie de la supériorité de l’humanité ou de la civilisation de soi par rapport à celle d’autrui.

En attendant de pouvoir classer, de façon pertinente, les hommes, les peuples, les races, les États et les civilisations sur un axe qui va de zéro à plus l’infini, l’aliénation d’une vie et l’altération d’une existence ne doivent jamais, quelles que les circonstances spatio-temporelles de leur malheureux déroulement, laisser indifférent l’homme. Les nobles promesses dont ce dernier est chargé ne peuvent se réaliser, tant au plan local qu’à l’échelle globale, que s’il est proposé à tous les citoyens du monde des politiques de vie et non de vide.

 

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

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8 février 2012 3 08 /02 /février /2012 04:20

professeur_ayissi.jpgQue nous apprend-elle, la fameuse « anthropologie » de Claude Guéant, après celle d’Arthur de Gobineau et de Lucien Lévy-Bruhl, dont elle apparaît, au XXIème siècle, comme la survivance idéologique ? Rien du tout ! Sauf qu’en soutenant en 2012, une thèse qu’aucun anthropologue sérieux ne peut défendre, Claude Guéant se dénonce comme un homme politique français qui souffre d’une regrettable régression idéologique et qui est, en plus, très dangereux, puisqu’en hiérarchisant les civilisations – sans compétence anthropologique avérée, étant donné qu’il n’est qu’un policier politiquement ennobli – dans le dessein de conférer, sans justification suffisante, à la sienne une primauté idéologico-politique, il justifie les guerres coloniales et néocoloniales dans lesquelles se plaît encore à s’investir, au XXIème siècle, la France de Nicolas Sarkozy.

En dehors des sordides calculs politiques que Nicolas Sarkozy opère, en instrumentalisant Claude Guéant, son porte-voix idéologique, pour draguer efficacement les militants du Front National, la thèse de ce dernier me semble digne d’intérêt, dans la mesure où elle reflète l’essoufflement idéologique d’une France qui, parce qu’engluée dans les difficultés économiques, est prédisposée non seulement à la stigmatisation de l’altérité, mais aussi à une autoglorification qui ne trouve sa raison d’être que dans un narcissisme qui devrait suffisamment se justifier. Il n’est pas impossible que Claude Guéant ait bien fait d’affirmer que les civilisations ne se valent pas. En soutenant une telle thèse en 2012, il nous rappelle qu’il émarge encore dans le budget idéologique de l’esclavagisme, du colonialisme et du nazisme. Comment cela ne pourrait-il pas contribuer à la décote civilisationnelle de la France après sa récente perte du triple A ? Une politique qui se fonde sur une idéologie aussi surannée que dangereuse suggère que la civilisation qu’elle prétend défendre est de moindre valeur que celles qu’elle croit pouvoir critiquer.

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I

 

 

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7 février 2012 2 07 /02 /février /2012 07:22

Photo 4X4

 

Sur le cas de la Syrie, après celui de la Libye, le Conseil de Sécurité semble faire humainement bonne figure en se préoccupant non seulement de la vie des populations civiles, mais aussi de la traduction en acte de la citoyenneté des Libyens ou des Syriens dans un espace politique démocratisé. Qu’est-ce que c’est touchant !

En effet, c’est très touchant de voir s’apitoyer sur le sort des populations libyennes ou syriennes ceux-là qui ensauvagent constamment le monde avec leurs projets de guerres perpétuelles. Comment peuvent-ils réussir à se rendre sympathiques aux yeux des autres citoyens du monde par les bluffs politiques qu’ils organisent au Conseil de Sécurité, quand on sait l’importance des massacres qu’ils ont tout récemment perpétrés en Libye, à travers l’OTAN, cette agence de protection militaire des intérêts de l’Occident, comme si les populations civiles qu’ils ont si sauvagement massacrées ne méritaient pas la protection du Conseil de Sécurité ? Pourquoi les Américains qui ont le don politique de bloquer toutes les résolutions contre Israël à propos des massacres que ce dernier organise en Palestine, se plaignent-ils du véto des Chinois et des Russes ? Peuvent-ils constituer des références démocratiques, ceux des membres de la « Ligue arabe » qui stigmatisent aujourd’hui le gouvernement syrien ? Que peut bien cacher l’humanisme à tête chercheuse des Occidentaux qui sont membres du Conseil de Sécurité ?

 

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I

 

 

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10 novembre 2011 4 10 /11 /novembre /2011 05:45

 

professeur_ayissi.jpgQui pouvait croire que la patrie d’Aristote, ce brillant esprit qui a inventé l’économie, pourrait un jour pâtir des méfaits de la forme commerciale de la chrématistique, cet art compulsif d’accumuler, même par l’usure, que ce grand philosophe opposait, pour le critiquer sévèrement, à l’art naturel d’acquérir ? Qui pouvait croire que la Grèce de celui qui montrait déjà, dans l’Antiquité, les dangers politiques de ce que Lula Inacio da Silva a, à juste titre, appelé l’ « économie de casino », allait devoir se mettre sous le code financier des Barbares cupides et cyniques, pour qui la souffrance des compatriotes d’Aristote est un petit détail à côté des finances publiques de la Grèce dont il faut, à tout prix, rétablir l’équilibre pour la sécurité financière et la prospérité de la zone euro ?

Il est permis de dire que la Grèce qui est aujourd’hui mise en coupe financière réglée par les Barbaroï, dans une Europe et un Occident dont elle est pourtant, en termes de civilisation, le berceau, n’est pas celle d’Aristote. La Grèce qui a eu tort de dire tous les bonsoirs du monde à la spéculation intellectuelle au profit de la spéculation financière, au point de n’avoir plus l’occasion de produire, dans le temps, de grands esprits comme Socrate, Platon ou Aristote, est une Grèce qui a inconsidérément donné à la chrématistique des Barbares l’occasion de sévir chez elle au préjudice de ses citoyens et au détriment de sa souveraineté.

La crise financière qui sévit aujourd’hui dans certains pays européens, et qui fait peser de graves menaces sur l’économie mondiale, doit servir de leçon à tous ceux qui oublient que l’économie est d’abord, selon son inventeur, la gestion rationnelle de la maisonnée. L’infernale spéculation financière dont la maison-monde est de plus en plus le théâtre s’inscrit plutôt dans le cycle d’une chrématistique dont la perversité économique n’est plus à démontrer.

Étant donné que la chrématistique, qui ne suscite que des îlots de prospérité dans la grande misère globale, indigne de plus en plus de monde, il est urgent que les politiques qui affirment la primauté du droit de spéculer et d’accumuler sur le droit de vivre, pensent à la mise en place d’une alteréconomie dans laquelle la centralité de l’humanité de l’homme est absolutisée.

 

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

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