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28 juillet 2013 7 28 /07 /juillet /2013 12:06

 

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1)   Il rêvait d’une  Amérique où on pourrait aisément aller, venir et rentrer chez soi sans que la couleur de sa peau fasse peur à autrui.

2)   Il rêvait d’une Amérique où la géométrie légale des jugements de cour ne varierait jamais en fonction de la race d’appartenance du justiciable.

3)  Il rêvait enfin d’une Amérique dans laquelle l’humanité et la citoyenneté seraient les choses les mieux partagées, conformément à l’esprit de la République et surtout à l’éthique de l’altérité selon laquelle l’autre est un autre soi-même. Suivant l’approche spéculaire de cette éthique de l’altérité, le Noir devrait donc être l’autre visage du Blanc et non celui dont la couleur est un motif suffisant pour qu’il soit tué, sans autre forme de procès.

S’il est pertinent d’articuler ces trois rêves autour du grand rêve américain qui fascine tous ceux qui croient que les États-Unis sont une terre de liberté, d’égalité et de prospérité, le tort de Martin est d’avoir pris ses rêves pour la réalité dans une Amérique où les George Zimmerman ne tiennent pas à voir les Martin Luther King et les Trayvon Martin caresser d’aussi séduisants rêves politiques à côté de ceux qui continuent à s’organiser, malgré toutes les évidences, à se rendre maîtres et possesseurs exclusifs de cette importante partie du monde.

 

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

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28 juillet 2013 7 28 /07 /juillet /2013 07:12

Photo 4X4Parce qu’il est convaincu d’être engagé dans le seul combat qui mérite d’être mené, celui qui consiste notamment à sauvegarder les valeurs auxquelles son pays semble tourner le dos tout en prétextant les promouvoir à travers le monde, Edward Snowden est déterminé à n’écouter désormais que la voix de son propre daïmon, dût-il, pour cela, encourir le courroux des dirigeants de son pays.

Ce que le combat éthique de Snowden met en valeur, c’est le pouvoir dont l’éthique est essentiellement chargée. C’est cet important pouvoir qui motive les grands hommes (que Voltaire distingue par exemple des héros) à se battre, au péril de leur vie, pour les causes qui valent vraiment la peine qu’on meure pour elles. C’est en vertu de ce pouvoir qu’Edward Snowden se croit permis d’assigner la raison d’État, fût-elle celle qui a coutume de s’exprimer de façon terrible et horrible dans le temps et dans l’espace, à comparaître au tribunal de l’éthique.

 

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

 

 

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15 juin 2013 6 15 /06 /juin /2013 09:12

 

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Communication faite le 12 juin 2013 dans le cadre des mercredis des grandes conférences de la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Yaoundé I.

 

 

Résumé

 

         Se représenter les projets structurants comme ce dont la réalisation va s’accompagner d’une plus-value économique et d’heureuses incidences sociopolitiques revient à leur reconnaître, à la limite du fétichisme, une causalité à la fois économique et sociopolitique. Le problème que peut poser un tel fétichisme, c’est celui de l’actualisation de cette double causalité dans le sens de la réduction de la pauvreté dont certains Camerounais sont victimes et qui les empêche de donner à leur humanité et à leur citoyenneté la possibilité de bien s’exprimer dans un monde de plus en plus chargé d’adversité. Comment pouvoir réaliser les projets structurants de Lom Pangar, Memve’ele ou de Mekin, etc.[1], de manière à leur donner une véritable dimension sociale dans un environnement encore dominé par l’ethos de la prédation ? telle est la question axiale autour de laquelle s’articule la présente réflexion.

 

Introduction

 

Réfléchir sur la métaphysique et la téléologie des projets structurants ne revient pas à faire de ceux-ci des abstractions ou de simples êtres de raison que le politique se plairait à créer et à instrumentaliser à des fins démagogiques. Il s’agit encore moins de fictionnaliser ces projets dont l’intérêt national n’est plus à démontrer, au seul motif qu’ils relèvent, comme tels, du non-encore-là, c’est-à-dire d’une topologie évidemment négative. S’intéresser à la métaphysique et à la téléologie des projets structurants, c’est plutôt penser leur raison première, ainsi que leur raison dernière, en soumettant notamment la causalité dont ils sont chargés et les objectifs auxquels ils sont subordonnés à la sanction d’une réflexion dont la dynamique conceptuelle ne peut pas ne pas prendre en compte l’ethos hégémoniquement déterminant dans le contexte où ces projets doivent se réaliser. Autrement dit, la logique de la rationalité prédatrice qui structure les institutions aussi bien que la psychologie des acteurs appelés à les animer est-elle de nature à assurer aux projets structurants la dimension sociale dont leur réalisation doit s’accompagner ?

La dynamique réflexive de cette communication comporte trois principales articulations : la première est intitulée : « Du structurant au structuré : le schéma déterministe dans lequel sont représentés les projets structurants ». La deuxième articulation s’intitule : « Les problèmes liés au fétichisme économique et sociopolitique des projets structurants ». La troisième articulation porte sur la formulation des propositions et suggestions relatives à la réalisation des projets structurants.

 

I-Du structurant au structuré : le schéma déterministe dans lequel sont conçus les projets structurants

 

         Si les projets dont il est question ici sont dits structurants, c’est parce qu’on leur reconnaît le pouvoir de susciter des effets de nature à accroître l’offre économique du Cameroun aux plans productif, industriel et technologique. Leur impact sur l’économie nationale et sous-régionale aura, dit-on, d’heureuses conséquences sociales en termes de réduction de la pauvreté et de facilitation de l’accès des Camerounais à l’emploi et à plusieurs produits de consommation que sont l’électricité, le gaz, etc. S’ils sont dits structurants, c’est justement parce qu’ils sont supposés pouvoir structurer le développement du Cameroun, de manière à lui donner l’impulsion économique dont il a besoin pour devenir un pays émergent à l’horizon 2035.

         C’est à travers cette représentation que les projets structurants nous apparaissent comme inscrits dans un schéma métaphysique de type déterministe dont la téléologie est de faire du Cameroun un pays émergent à l’horizon 2035. Dans un tel schéma, la cause est nécessairement quelque chose de structurant, compte tenu de l’efficacité dont elle est constitutionnellement ou métaphysiquement dotée. Les effets qu’elle produit sont non seulement la preuve factuelle de cette efficacité, mais aussi celle de son intentionnalité : l’effet est ce vers quoi la cause est dirigée ou orientée ; c’est sa fin ou son télos. C’est ainsi que la relation bipolaire qui est construite entre la cause et son effet apparaît comme celle qui existe entre le structurant déterminant et le structuré déterminé. Il va sans dire que dans le déterminisme classique, cette relation relève, compte tenu de sa nécessité, du fixisme essentialiste. Dans ce dernier, la cause est toujours, par nature, engagée dans une relation de parité fixe avec l’effet dont elle est virtuellement porteuse. Dans ce cas, elle ne peut pas ne pas produire l’effet dont elle est métaphysiquement le fondement et qui se présente, dans sa forme actualisée, comme son telos, sa visée ou sa fin.

Si les projets structurants sont pensés dans cette grille d’intelligibilité métaphysique qui met en perspective leur dimension sociale, c’est certainement parce les calculs économiques des experts permettent, suivant le principe de causalité qui régit ce paradigme, de déduire d’heureux effets sociaux de la réalisation des projets structurants. En plus de la pertinence de ces calculs économiques qui a facilité le bouclage ou le closing financier de ces projets, il y a aussi le fait les projets structurants correspondent aux stratégies de développement du politique, déterminé à apporter des réponses appropriées aux questions économiques et sociales de l’heure. Dans un contexte chargé d’adversité, tant les questions relatives au traitement approprié des impératifs historiques est difficile, compliqué qu’il est par le fait que la temporalité de la plupart des Camerounais est constamment définie par l’angoisse existentielle et la peur des lendemains incertains, les projets structurants apparaissent comme ce qui a le pouvoir de réduire la compression dont la causalité individuelle et collective est l’objet. L’espoir de voir ces projets produire, au Cameroun, les effets qu’ils ont produits ailleurs est si considérable que le politique a fini par les doter d’une double causalité économique et sociopolitique, sans s’inquiéter qu’elle puisse poser de réels problèmes d’efficience. En d’autres termes, sans la garantie que le structurant peut donner la preuve de son efficacité économique et sociopolitique, le politique a spontanément établi entre ce dernier et le structuré une relation de causalité économique dotée d’une intéressante dimension sociale.

Après avoir reconnu aux projets structurants le pouvoir de réaliser nos rêves économiques et nos souhaits sociopolitiques même les plus délirants, le politique conclut qu’ils vont nécessairement s’accompagner du phénomène de la réduction du chômage et de la bonification de la qualité de vie de beaucoup de Camerounais. Ainsi, à l’horizon 2020, par exemple, 70% de ménages camerounais auront accès à la jouissance de l’énergie électrique contre 30% en 2009 ; la meilleure offre énergétique dont le Cameroun sera désormais capable d’assurer aussi bien à ses populations qu’à celles de la sous-région est un important gage d’industrialisation qui va s’accompagner de la création de nombreux emplois directs[2] et autres activités génératrices de revenus. En ajoutant à tous ces avantages ceux liés au développement du secteur des transports routiers et maritimes, le Cameroun verra sa croissance économique s’inscrire dans la durée, toute chose qui est de nature à stabiliser la paix sociale.

         C’est avec cet optimisme économique dont la formulation officielle est empreinte de messianisme que nous sont présentés les projets structurants dans leur causalité économique et leur dimension sociale. L’expression de cet optimisme est d’autant plus considérable qu’on fait, dans tous les discours officiels, l’impasse sur les problèmes liés au fétichisme des projets structurants dans une métaphysique problématique, puisqu’elle ne tient ni compte des risques d’appauvrissement de la causalité qu’on leur reconnaît par les acteurs de la prédation sociale, ni de la possibilité que les aléas économiques d’un monde financièrement instable frappent d’inefficience les projets à partir desquels on espère impulser le développement du Cameroun, de manière à en faire un pays émergent à l’horizon 2035.

 

II-Les problèmes liés au fétichisme des projets structurants

 

        En dépit de l’épitémophobie et de la technophobie des irrationalistes qui ne se lassent pas, même dans nos universités, d’emboucher les trompettes de la critique contre la raison, la science et la technique, il est louable de constater que le Cameroun se résout, à travers les projets structurants, à emprunter la voie royale du développement, celle que l’Europe a eu la bonne idée d’emprunter dès le XVIIème siècle, en adoptant le projet baconien de la science pour sortir des impasses sociopolitiques dans lesquelles l’a conduite l’obscurantisme moyenâgeux. En figurant les projets structurants parmi les conditions de possibilité de son émergence, le Cameroun rend tacitement un hommage à la rationalité technoscientifique et donne par là la preuve que la voie de l’irrationalisme est l’impasse dont il doit résolument sortir pour donner à l’expression de l’humanité et de la citoyenneté des Camerounais une bonne tonalité existentielle. Fonder l’émergence du Cameroun sur la réalisation des projets structurants technoscientifiquement déterminés, correspond parfaitement au prométhéisme de Marcien Towa[3] qui établit, à la suite de Francis Bacon[4] et de René Descartes[5], que la science et la technologie sont les garants du développement et de l’émancipation des peuples et des États.

Toutefois, l’intérêt économique et sociopolitique des projets structurants ainsi que les rêves et les fantasmes qu’ils suscitent, sont tels qu’on en parle comme s’ils étaient, en soi, doués de pouvoirs magiques susceptibles d’améliorer, comme par enchantement, le paysage économique et social du Cameroun. Les discours officiels sont si fortement dosés de messianisme quand il s’agit de présenter les atouts économiques et sociaux des projets structurants que ces derniers nous apparaissent comme ce qui résoudra, à terme, l’essentiel des problèmes de développement du Cameroun. Le pouvoir de fascination quasi érotique que cette représentation des projets structurants exerce sur la psychologie des Camerounais a pour conséquence immédiate de tuer ou tout au moins d’anesthésier le pouvoir de vigilance critique qu’ils devraient continuer d’exercer même sur des projets aussi économiquement attrayants et socialement prometteurs que ceux-là. Le fétichisme des projets structurants réside précisément dans cette croyance, certes compréhensible, mais qui peut être démentie ou contredite par les faits dont la sévérité est telle qu’ils peuvent lui opposer une expérience amère.

Ce fétichisme est tel que la plupart des Camerounais perdent leur esprit critique, puisqu’ils n’arrivent plus à s’interroger, par exemple, sur la possibilité que ces projets dont on leur vante officiellement les avantages aient finalement la plus-value économique et sociopolitique escomptée dans un environnement dominé par un ethos structurant à la faveur duquel prospère la prédation sociale. Comment pouvoir donc s’assurer que la causalité économique et sociopolitique qu’on reconnaît à ces grands projets ne sera pas appauvrie par les difficultés qui minent la gouvernance camerounaise et au rang desquelles il y a notamment les contraintes liées aux pesanteurs bureaucratiques, la crise de la transparence et la prévalence des comportements particularistes, très souvent caractérisés par la tendance à donner aux préférences appétitives des individus ou de leur groupe d’appartenance la préséance qu’elles ne devraient jamais avoir relativement à l’intérêt général ?

Qu’est-ce qui peut nous garantir que l’efficience du structurant ne sera pas réduite par la nécessité que les appétits dévorants des prédateurs et autres asticots sociaux pourront, dans un contexte considérablement gangrené par la corruption, facilement imposer à son être, avec pour conséquence la création d’autres îlots de prospérité ou l’accroissement de ceux qui existaient déjà ? Puisqu’il y a aussi des raisons de penser que ces projets structurants peuvent être d’astucieux prétextes, pour les gestionnaires du Grand capital de recoloniser nos territoires pour en exploiter les ressources, nul  ne peut assurer qu’ils connaîtront un sort plus glorieux que celui des célèbres « éléphants blancs » dont l’impact économique et social n’a pas été à la mesure de l’importance de l’investissement consenti pour leur réalisation.

Si la dimension sociale des projets structurants consiste, pour l’essentiel, à réaliser l’aspiration des Camerounais à bien actualiser leur humanité et leur citoyenneté grâce à un meilleur accès aux commodités de la vie moderne, que deviendra une telle aspiration une fois que les projets structurants auront été conduits à leur terme ? Si le développement peut aussi se concevoir comme le déploiement historique grâce auquel l’être sort de sa contracture initiale non seulement pour se régénérer ou persévérer dans son être, mais aussi et surtout pour pouvoir agrémenter sa vie dans le temps grâce à l’amélioration qualitative de celle-ci, pourrons-nous réaliser un tel développement humain en comptant sur ce dont l’efficacité peut être problématisée par les vicissitudes de l’histoire ?

La possibilité de sous-traiter l’expertise des autres par les entreprises locales est-elle de nature à développer chez les sous-traitants camerounais le sens de l’innovation technologique susceptible de permettre, à l’avenir, une création des biens et des richesses made in Cameroon, pouvant soutenir durablement la prospérité du Cameroun et le bien-être des Camerounais ?

On ne peut répondre adéquatement à cette dernière question que s’il est établi que les projets structurants s’accompagnent du phénomène de l’appropriation de l’esprit de la technoscience qui sera instrumentalisée au cours de leur réalisation, afin qu’à l’avenir les problèmes de maintenance des équipements installés puissent se résoudre suivant le principe d’autonomie d’une volonté de développement à la fois réelle et durable.

Ce sont là quelques-unes des interrogations qu’on ne formule pas beaucoup au sujet des projets structurants auxquels on reconnaît, par excès d’optimisme économique et sociopolitique, une causalité qui n’est pas toujours assurée même dans les schémas déterministes formels. À ces interrogations, on peut ajouter des inquiétudes relatives aux problèmes d’ordre anthropologique et écologique que de bonnes études d’impact sont censées prévenir, si on ne tient pas à ce que la réalisation des projets structurants produise des effets sociaux pervers.

 

III-Propositions et suggestions

 

         Étant donné qu’on peut affecter à tout projet un coefficient d’incertitude, tant sa conception et sa réalisation sont fonction de variables aléatoires, il importe que les projets structurants soient suffisamment pensés et encadrés, pour qu’ils aient la dimension sociale attendue.

         En plus de devoir les fonder sur le principe de précaution en vertu duquel les risques environnementaux et sanitaires qu’ils comportent doivent être pris en compte[6], il faut soumettre leur réalisation à la sanction d’une éthique prospective qui, comme le soutient Hans Jonas dans Le principe responsabilité, doit faire de la nature à transformer et à exploiter un sujet éthique et de la responsabilité à l’égard des générations futures la finalité de notre agir. Par conséquent, la réalisation des projets structurants ne doit pas se faire dans l’oubli de l’humanité des personnes et des communautés qui habitent les sites concernés. Les emplois directs qui y seront créés, tout comme les activités génératrices de revenus qui vont s’y développer ne peuvent pas compenser les sinistres consécutifs à la réalisation desdits projets. Compte tenu du fait que la vulnérabilité des populations locales va nécessairement s’accroître du fait qu’elles seront anthropologiquement déstabilisées dans un environnement profondément modifié, il faut anticiper les problèmes liés aux risques environnementaux et sanitaires auxquels ils feront inévitablement face, de manière à prévoir les moyens appropriés à les résoudre ou à les réduire. C’est ainsi que le rêve caressé par elles de jouir des avantages sociaux des projets structurants ne se muera pas en cauchemar.

         L’État camerounais, à travers le Ministère des finances, s’est doté d’appréciables instruments fiscaux d’accompagnement de l’investissement au Cameroun. En dépit de leur caractère incitatif, ces mesures fiscales de promotion de l’investissement dans les secteurs gazier, minier ou pétrolier ne sauraient suffire, si l’environnement éthique continue d’être dominé par l’ethos de la prédation. L’opération de salubrité éthique, improprement appelée « opération Épervier », doit donc se poursuivre, afin que les prédateurs et autres asticots sociaux encore en service dans nos diverses administrations soient dissuadés de prendre possession des projets structurants de manière à en annuler les heureux impacts économiques et sociopolitiques. Parce que la répression la plus brutale ne pourrait suffire à assainir un environnement aussi pathologiquement affecté par la corruption que le nôtre, il convient d’associer aux mesures répressives la promotion d’une pédagogie citoyenne, gage d’une éthique républicaine. Sans cette pédagogie citoyenne qui consiste dans l’exercice constant, et non intermittent, des normes publiques de référence, la prospérité des comportements prédateurs est assurée pendant que l’émergence du Cameroun est hypothéquée.

         Enfin, pour que les projets structurants apportent aux questions d’émergence et de développement qui se posent au Cameroun des réponses dont la pertinence s’inscrit dans la durée, il faut que notre pays ait des ressources humaines de très bonne qualité. C’est donc à l’université, et à travers elle toutes les autres institutions de formation des Camerounais, qu’incombe le devoir de former des intelligences qui soient en mesure de faire prospérer dans le temps ces grands projets de développement. Sans une expertise locale de très bonne qualité, le Cameroun est voué à être technoscientifiquement colonisé par les autres et à voir, par conséquent, se briser son rêve d’être un pays émergent. Ne pouvant pas innover à partir des technologies instrumentalisées dans le cadre de la réalisation des projets structurants, il sera, dans le meilleur des cas, voué à la reproduction mimétique des technologies des autres ; dans le pire des cas, il devra éternellement se contenter de l’assistance technologique de ceux qui souhaitent qu’il demeure pour eux un intéressant pâturage économique.

 

Conclusion

L’analyse de la causalité économique et sociopolitique qu’on reconnaît aux projets structurants, permet de constater qu’on se les représente dans une métaphysique dominée par un schéma déterministe où ils sont articulés à une téléologie bien déterminée : l’amélioration qualitative de la vie des Camerounais et l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035. Mais, si la pertinence de la relation de causalité qu’on établit entre les projets structurants et leurs effets sociopolitiques peut se vérifier dans la dimension formelle d’une métaphysique déterministe, on court le risque de sombrer dans le fétichisme lorsqu’on croit qu’une telle relation peut facilement se vérifier dans l’ordre de ce qui comporte nécessairement un coefficient d’incertitude. Dans les faits, cette relation peut ne pas se vérifier si les conditions d’efficience des projets structurants ne sont pas suffisamment réunies soit parce que l’environnement éthique est délétère, soit parce que l’environnement économique global est trop critique pour assurer leur prospérité, soit parce qu’on n’a pas su prévoir les risques pouvant frapper de perversité sociale les projets sur lesquels on a pourtant fondé l’espoir de réduire la pauvreté au Cameroun. Pour que les projets structurants aient la dimension sociale escomptée, il faut que l’opération de correction de l’affaiblissement de l’éthique publique se poursuive et s’intensifie, que nos institutions de formation soient suffisamment pourvues en ressources humaines et matérielles pour soutenir, dans le temps, ces grands projets de développement par une expertise technoscientifique de haut niveau. Sans cela, l’onirique et le fantasmatique dans lesquels on se représente les projets structurants risquent de faire place nette au désenchantement économique et à la désillusion sociopolitique.

 

Bibliographie

Bacon, Francis, Novum organum, traduction de Michel Malherbe et Jean-Marie Pousseur, Paris, PUF, 1986.

 

Descartes, René, Discours de la méthode, Paris, GF-Flammarion, 1966.

 

Grison, Denis, Vers une philosophie de la précaution, Paris, L’Harmattan, Collection « Ouverture philosophique », 2009.

 

Grison, Denis, Qu’est-ce que le principe de précaution, Paris, J. Vrin, 2012.

 

Jonas, Hans, Le principe responsabilité, traduction de Jean Greisch, Paris, Flammarion, Collection « Champs », 1979.

 

L’Action, N° Spécial du 06 novembre 2010 : Cameroun, l’année 2010 de Paul Biya.

 

L’Action, N° Spécial/Économie : Après la reprise… la consolidation.

 

Towa, Marcien, L’idée d’une philosophie négro-africaine, Yaoundé, CLE, 1979.

 

 

 

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)



[1]- Si ceux-ci sont les plus connus, il faut aussi compter le projet Cobalt-Nickel-Manganèse de Nkamouna (coût estimatif 500 millions $), Projet Yard Pétrolier de Limbé (coût estimatif 300 millions $), Projet d’extension de l’aluminerie d’Edéa (coût estimatif  1 800 millions $), Projet d’exploitation du minerai de fer de Mbalam (coût estimatif 3 360 millions $), Projet d’aluminerie de Kribi (coût estimatif 1ère phase 5 000 millions $), Projet de Port en eau profonde de Kribi (coût estimatif 650 millions $), Projet de centrale thermique à gaz de Kribi (coût estimatif 300 millions $), Projet d’extension et de modernisation de la raffinerie de pétrole de Limbé (coût estimatif 600 millions $), Projet de cimenterie de Limbé (coût estimatif 50 millions $), Projet d’exploitation de la bauxite de Minim-Martap et Ngaoundal (coût estimatif 6 000 millions $), Projet de port en eau profonde de Limbé (coût estimatif 800 millions $), Projet d’exploitation du diamant de Mobilong (coût estimatif 1 000 millions $), Projet de construction d’une usine de liquéfaction du gaz naturel à Kribi (coût estimatif  660 millions $), Projet de construction de l’autoroute Yaoundé-Douala (coût estimatif 1 200 millions $), Projet de construction du 2ème pont sur le Wouri à Douala (coût estimatif  170 millions $), Projet de déploiement de la fibre optique au Cameroun (coût estimatif 200 millions $). Source : http://www.prescriptor-consulting.com Babissakana Chairman & CEO, Prescriptor, « Projets structurants et valorisation de la sous-traitance : quelles stratégies en vue de retombées satisfaisantes pour l’économie camerounaise ? ». Communication faite lors du Dîner-débat du GICAM à Douala, le 16 décembre 2009.

[2]- Dans l’interview qu’il a accordée au journal L’Action, N° Spécial/Économie (p. 15), M. Louis Nlend Banack, directeur du projet de construction du port en eau profonde de Kribi, affirme que ce projet va s’accompagner de la création de 20 000 emplois.

[3]- Marcien Towa, L’idée d’une philosophie négro-africaine, Yaoundé, CLE, 1979, p. 55 : « Enfin, nous devons comprendre que la force de la bourgeoisie internationale c’est en définitive la force de la matière domestiquée par la science et la technologie. Si nous voulons être forts nous aussi – et il le faut bien si nous sommes résolus à nous libérer de l’impérialisme européen – il est aisé de voir ce que nous avons à faire : maîtriser à notre tour la science et la technologie moderne pour disposer de la force de la matière, au lieu de nous en prendre au matérialisme de la civilisation industrielle sous prétexte que le Nègre serait essentiellement religieux et spiritualiste. »

[4]- Francis Bacon, Novum organum, traduction de Michel Malherbe et Jean-Marie Pousseur, Paris, PUF, 1986, Aphorisme 3 : « Science et puissance humaines aboutissent au même, car l’ignorance de la cause prive de l’effet. On ne triomphe de la nature qu’en lui obéissant. »

[5]- René Descartes, Discours de la méthode, Paris, GF-Flammarion, 1966, pp. 84-85.

[6]- Denis Grison, Qu’est-ce que le principe de précaution ?, Paris, J. Vrin, 2012, p. 54 : le principe de précaution « est le mode de gestion des risques environnementaux et sanitaires graves et encore incertains dans un monde fragile et complexe (…), le principe de précaution répond, dans des circonstances bien précises, à la question ‘‘Qu’est-ce que nous craignons ?’’ ».

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15 avril 2013 1 15 /04 /avril /2013 10:23

 

 professeur_ayissi.jpgSe réjouir de la mort d’une personne, c’est donner la preuve de son inhumanité en adoptant une posture évidemment en rupture de principes avec l’éthique. Ariel Sharon qui s’est bien réjoui du décès de Yasser Arafat attend toujours que la mort lui fasse l’insigne honneur de le libérer de la chaîne de servitudes d’une vie surchargée de problèmes qu’il croyait pouvoir résoudre en massacrant lâchement et sauvagement de pauvres Palestiniens. Les Anglais qui ont sablé le champagne comme pour fêter ce qui ne doit pourtant pas être un motif de réjouissance populaire pourraient passer pour d’horribles monstres si on les juge dans l’oubli de la rationalité de leur acte.

S’il n’est pas, en général, heureux de se réjouir même de la mort du méchant, fût-il le plus monstrueux du monde, la joie que les victimes du thatchérisme n’ont cru devoir ni étouffer ni dissimuler à l’annonce du décès de la tristement célèbre dame de fer est quand même fort compréhensible : quand ce que vous lègue une personne décédée se résume à un endettement chronique et à une crise financière dévastatrice, il est fort possible que vous vous trompiez de joie, au point de croire que sa mort va compenser toutes celles des personnes dont elle a cyniquement empoisonné ou brisé la vie. Vous risquez aussi de sombrer dans la superstition en vous imaginant que sa mort, à laquelle vous assignez inconsciemment une fonction expiatoire, va emporter avec elle tous les problèmes qu’elle a provoqués lorsqu’elle était encore en vie.

Si les réjouissances que la mort de Margaret Thatcher a suscitées à travers le monde peuvent être, au plan éthique, considérées comme malsaines, on ne peut pas tout à fait condamner ceux qui se sont réjouis de la mort de celle qui se plaisait à n’écouter que la voix de son démon économique et qui, par conséquent, était tout à fait sourde aux cris de détresse des victimes de cet ultralibéralisme qui a fini par mettre financièrement l’Europe et le monde en lambeaux épars. Le fait que Thatcher n’ait pas échappé à la mort à laquelle elle a par exemple condamné les mineurs anglais, en croyant donner le sens économique le plus pertinent à sa politique, nous rappelle, encore une fois de plus, l’universalité de notre finitude ontologique. La pleine conscience de celle-ci doit nous amener à plus de prudence et à moins de fanatisme dans nos engagements historiques, si nous ne voulons pas courir, comme cette dame de fer qui vient de mourir, le risque de croire pouvoir bien soigner des pathologies sociopolitiques avec des remèdes impropres. Si Thatcher avait compris qu’il ne faut jamais sacrifier l’homme sur l’autel de l’économie, personne ne se croirait aujourd’hui en droit de se réjouir de sa triste fin. Si elle n’avait pas fait, au détriment de l’homme, la promotion de cette religion du profit dont elle était, avec Ronald Reagan, une adepte à la fois fanatique et bornée, on garderait d’elle l’agréable souvenir d’une dame qui a courageusement ferraillé pour la seule cause qui vaille la peine qu’on se batte pour elle, à savoir l’instrumentalisation de l’économie dans le sens de promotion de l’humanité et de la citoyenneté de l’homme dans le temps et dans l’espace.

 

Pr. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun) 

 

 

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1 avril 2013 1 01 /04 /avril /2013 21:42

 

professeur_ayissi.jpg« Aimez-vous les uns les autres », tel est, selon nous, le principal impératif de l’éthique de l’amour et du pardon absolus que Jésus s’est chargé de promouvoir dans un monde gangrené par la haine et dominé par la violence. Cet impératif éthique est formulé par un Sémite, ou plus précisément par un Juif de Nazareth, à une époque bien déterminée. L’éthique dont cet impératif est comme le principe pratique absolu s’articule autour de ce qui apparaît d’abord comme relevant du système de représentations d’un clan particulier, celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

Mais, la thèse de la circonscription de cette éthique de l’amour et du pardon absolus dans une anthropologie donnée et dans un temps bien défini ne peut prospérer que si nous faisons l’impasse sur sa transrégionalité et sa transhistoricité. Le scandale du temple de Jérusalem, dû à l’ire de celui qui s’était pourtant constitué légionnaire de l’amour et du pardon, n’altère ni la force pratique ni l’universalité de son éthique. Furieux de voir les siens préférer l’amour de l’argent à celui qu’ils devaient destiner à l’altérité, fût-elle constituée d’ennemis, Jésus, le premier à s’être ouvertement indigné contre la spéculation financière dans l’histoire, ne pouvait vraiment pas se réjouir de la profanation du temple de Jérusalem par les spéculateurs de tout poil et les voleurs de tout acabit.

Le fait que le monde soit encore surpeuplé de haineux avides de violence et que la spéculation financière ait survécu à la colère homérique et à l’indignation épique de Jésus peut faire penser qu’une autre mission de libération du monde du poids de la haine, de la profanation et de la violence est indispensable. Le fait que la crise de l’éthique de l’amour et du pardon ait survécu à l’engagement missionnaire de Jésus nous permet de nous demander si sa mort a vraiment servi à quelque chose. Valait-il la peine, pour cette divinité anthropomorphisée, de sacrifier sa vie pour une cause perdue ? Combien de Jésus Dieu doit-il finalement sacrifier pour réussir à libérer l’homme du péché ?

Si nous accordons à Louis Veillot que certaines causes meurent parce qu’on n’a pas voulu mourir pour elles, Jésus a bien fait de se sacrifier pour la promotion de l’amour et du pardon. La haine qui ravage de plus en plus le cœur des hommes, et qui continue de miner un monde dont les habitants s’emploient stupidement à s’armer les uns contre les autres, est la preuve par les faits que Jésus n’a pas suffisamment rempli sa mission. Mais, quelles peuvent être les chances de succès d’une autre mission salvatrice de Jésus, quand on sait combien il risque aujourd’hui de se faire capturer par les maîtres du monde ou d'être tué par leurs missiles et leurs drones ?

Jésus n’est certes pas un sujet de psychiatrie, même s’il lui arrivait souvent d’entendre des voix lui dicter la conduite à tenir ; il n’est pas insensible aux honneurs et ne résiste pas non plus à la tendance à l’autoglorification, choses qui faisaient dire à ses détracteurs que c'était un imposteur doublé d’un blasphémateur. Tout en affirmant avec beaucoup d’assurance et de jactance qu’il est la vérité et la lumière du monde ou qu’il peut rebâtir le temple de Jérusalem en trois jours, Jésus ne se laissa jamais griser par l’orgueil et la vanité. Ce qu’il mettait surtout en perspective, c’est l’idéal éthique transcendant par rapport aux valeurs communément admises par les pharisiens, les zélotes ou les riches Saducéens du Sanhedrin. Son statut de messie et de missionnaire ne faisait pas forcément de lui un suicidaire. Le traitement à lui infligé par ses propres frères n’est pas de nature à le motiver à revenir aujourd’hui pour accomplir ce genre de mission que les parents n’assignent habituellement qu’aux enfants téméraires. Par rapport à la mission consistant à libérer les hommes du poids de la haine et de la violence, si Dieu, son père, lui donne prochainement le droit d’en juger, il est possible que Jésus ne se résolve plus à l’assumer à partir du Proche-Orient. Il est aussi fort possible qu’il n’accepte plus de la remplir suivant le principal impératif qui gouverne son testament éthique. Très considérable est donc le risque qu’il règle désormais son agir en fonction du principe de proportion qui régit la loi du Talion ou qu'il veuille que soient traduits à la Cour Pénale Internationale tous ceux qui ont conspiré contre lui, au point de le mettre finalement à mort. Est de plus en plus d’actualité, dans notre immense désert éthique, le testament laissé à la postérité par celui qui promouvait, en plus de l’éthique de l’amour et du pardon absolus, celle de l’humilité et de l’accueil.

          

 

Pr. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

 

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15 mars 2013 5 15 /03 /mars /2013 14:21

 

professeur-ayissi.jpgLe sede vacante n’aura donc pas duré longtemps. Heureux que, par ces temps d’ambitions politiques de plus en plus exacerbées par la passion du pouvoir et de l’avoir, les chrétiens catholiques n’aient pas eu l’expérience, au Vatican, d’un coup d’État ourdi par un Conseil Catholique de Transition (CCT) ou par des membres d’un obscur Vatican Libre, comme cela se vérifie dans ce qu’on appelle improprement le printemps arabe. Pas donc de printemps catholique. L’élection du pape François s’est bien déroulée, en dépit de sa non-catholicité due à la crise du suffrage universel. L’intérêt du mode de scrutin au terme duquel un pape est finalement élu à vie réside dans le fait qu’à travers lui le Vatican propose au monde entier un autre paradigme électoral : dans cette démocratie d’un genre singulier et qui brille par l’extrême opacité de ses modalités politiques, aucun chrétien catholique ne conteste la légitimité du pape élu au motif que ceux qui ont exclusivement collaboré à son élection n’étaient mandatés par personne. Si les cardinaux électeurs et  éligibles sont des occasions politiques à travers lesquelles l’Éternel exprime sa prédilection pour tel ou pour tel, on comprend pourquoi les fidèles ne remettent jamais l’issue de ce scrutin en cause, même lorsque celui qui a été élu pape n’a jamais évidemment battu campagne. Ici, point n’est donc besoin de financer des factions catholiques rebelles ni d’armer celles qui voudraient s’insurger contre le célibat des prélats, puisqu’il n’y en a vraiment pas. Qui oserait d’ailleurs se rebeller contre le choix qu’opère l’Éternel à travers le collège des cardinaux, en alléguant par exemple que le nouveau pape est un réactionnaire paradoxalement originaire d’une Amérique Latine politiquement à gauche ? Qui aurait la témérité de s’insurger contre l’ordre axiologique et éthique solidement établi par ceux qui, même sans mandat, parlent avec beaucoup d’assurance au nom de Dieu ? Inutile donc d’envisager cela dans un cadre où les desseins de Dieu sont si inscrutables qu’il ne vaut pas la peine de se torturer les méninges en cherchant à savoir pourquoi les mères de la Place de mai ne sont pas enthousiastes au sujet de l’élévation à la dignité pontificale du cardinal dont elles dénonçaient la complicité passive à l’égard des horreurs de la dictature argentine. L’argument de l’inscrutabilité du vouloir de Dieu frappe également de vanité toute recherche destinée à comprendre pourquoi l’Afrique noire n’a toujours pas son pape, ni si le prochain sera birman, russe, chinois, syrien, iranien, palestinien, polygame, pédophile ou gay.

 

Pr. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

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30 janvier 2013 3 30 /01 /janvier /2013 16:35

 

professeur_ayissi.jpgL’ouvrage à la publicité duquel nous avons l’honneur scientifique de procéder ici et maintenant à travers cette note de lecture, s’intitule, dois-je le rappeler,Réforme, emploi et développement dans les systèmes éducatifs d’Afrique noire : Le cas du Cameroun.

Dans ce brillant essai rédigé, de mains de maître par un pédagogue qui est d’autant plus émient qu’il maîtrise parfaitement les rouages de l’industrie des protocoles syntaxiques de la langue de Voltaire, il s’agit de ce qu’il est convenable d’appeler la métapédagogie, c’est-à-dire cette épistémologie générale de la didactique en vigueur dans les systèmes éducatifs africains, tels qu’ils sont particulièrement métaphorisés par le système éducatif camerounais.

Il est précisément question du discours d’un grand pédagogue sur la pédagogie, telle qu’elle est régulièrement réformée chez nous, dans le sens d’en analyser les mutations, afin de sonder le niveau de pertinence de ses divers instruments, à savoir les différentes approches auxquelles elle recourt pour résoudre le problème de l’employabilité des produits de nos écoles, collèges, lycées et universités.

Ce sont ces réformes et surtout leur raison d’être qui attirent d’abord l’attention de l’auteur de cet essai. Pour les partisans de ces réformes, l’ancien système éducatif semble avoir échoué au regard des problèmes d’adéquation qu’il pose entre la formation et l’emploi. Ce sont ces problèmes qui justifient l’urgence de le réformer ou de l’adapter aux contraintes historiques, la Fonction publique n’étant plus, à cause de la crise économique, la Terre promise des diplômés de nos institutions de formation.

L’éducation donne ici, peut-on le constater, l’impression de s’enfermer dans un cercle vicieux : conçue comme cet heureux formatage par lequel on donne un sens humain à un individu ou à un groupe d’individus, elle se retrouve dans la nécessité d’être, à son tour, formatée suivant les impératifs de l’histoire, au point de devoir être constamment réformée ou réajustée.

C’est en termes de réseau d’interrogations formulées autour de la question de la pertinence des réformes effectuées dans notre système éducatif dans le sens de la professionnalisation de l’éducation camerounaise que se construit la problématique de M. ESSOMBA FOUDA. De quelle pertinence pédagogique l’éducation peut-elle encore être lorsqu’elle est économiquement si déterminée qu’elle sacrifie « l’exigence préalable de la qualité des performances des apprenants » (p. 15) sur l’autel des contraintes économiques de la mondialisation néolibérale ? Comment pouvoir bien réformer notre système éducatif dans un contexte dominé par des pressions de toutes sortes ? Peut-on vraiment parler de système pédagogique dans un Cameroun dont l’éducation apparaît comme objectivement éclatée ? Comment peut-elle faire système lorsqu’il faut quatre départements ministériels pour la prendre effectivement en charge, avec tout ce que cela pose comme problèmes de coordination ?

C’est donc en véritable philosophe que M. ESSOMBA FOUDA s’interroge sur le bien-fondé de tout ce remue-ménage pédagogique qui donne l’impression que nous cherchons désespérément au Cameroun l’approche pédagogique-miracle. La quête désespérée de cette approche pédagogique-miracle nous prédispose à l’illusion pédagogique dont s’accompagnent notamment l’Approche par les compétences et l’Approche par objectif.

Lorsque M. ESSOMBA FOUDA mobilise sa critique contre le changement de préférence pédagogique consistant notamment à substituer à l’approche élémentariste ou syllabique l’approche holistique de la pédagogie globale, son intention n’est pas d’émarger dans le budget idéologique d’un quelconque passéisme gouverné par le sentiment de nostalgie à l’égard de la première école ; son intention est plutôt de comprendre d’abord pourquoi on pense qu’il importe désormais de sacrifier la qualité de la formation devant amener l’élève à produire l’excellence et le mérite (p. 52) sur l’autel des fameuses « promotions collectives » qui ne sont rien d’autres que des « naufrages collectifs » (p. 39). D’après lui, le concept de « promotion collective » est pédagogiquement non pertinent, dans la mesure il s’inscrit dans le procès de politisation et d’ « économicisation » de l’école par le truchement de l’Approche par les compétences. En plus de « formater l’individu » suivant les besoins de l’économie moderne, au risque de le vider de toute référence anthropologique (p. 120), l’Approche par les compétences est, selon cet auteur, l’instrument dont se servent les politiques pour procéder à la « démocratisation du mérite », au « refus de l’échec » et à « l’adhésion aux ‘‘laissez-passer les enfants’’ des « promotions collectives » (p. 121). Pour M. ESSOMBA FOUDA, il s’agit là d’une tentative désespérée de réduire l’échec qui échoue malheureusement à produire le résultat auquel elle est subordonnée (p. 53), puisque la collectivisation des promotions débouche finalement sur la « massive production de ces compétences inemployables » (p. 57) qu’on voulait pourtant éviter en réformant le système éducatif.

Si la volonté affirmée par M. ESSOMBA FOUDA de comprendre la raison d’être des réformes dont notre système éducatif est fréquemment l’objet se caractérise par la récurrence de l’interrogation, c’est parce que l’auteur de cet essai est plus habité par le doute que par des certitudes : doute sur la pertinence des nouvelles approches pédagogiques qu’on adopte sans justification suffisante ; doute sur la qualité éthique des motivations de ceux qui les imposent là où elles ne semblent vraiment pas s’imposer ; doute sur leur capacité à permettre aux enseignants d’assumer, avec bonheur, leur noble servitude pastorale ; doute sur la possibilité que la Puissance publique en tire, à terme, un réel profit politique.

En somme, dans cette dynamique réflexive dont l’intérêt pédagogique, didactique et docimologique est avéré, et dans laquelle M. ESSOMBA FOUDA ne s’exprime pas en Socrate-fonctionnaire, mais plutôt en philosophe-pédagogue pour interpeller à la fois enseignants (pp. 42-45), les apprenants (pp. 45-46), les parents (pp. 46-47) et la Puissance publique (pp. 47-51) sur les risques que l’adoption de l’Approche par les compétences et de la Pédagogie par objectif font courir, dans le temps, à la nation camerounaise, en faisant de nos institutions de formation des fabriques de « citoyens producteurs » (p. 66), compte tenu du fait qu’elles sont idéologiquement sous-tendues par le souci de professionnalisation de l’éducation.

Certes, reconnaît l’auteur de cet essai, l’éducation ne peut pas absolument s’autoréférencer, puisqu’elle n’est pas sa propre fin (p. 116). Étant donné qu’elle a une double fonction instrumentale, celle de nourrir (dans le sens d’educare) et de conduire ou de guider (dans le sens d’educere) (p. 29), l’Approche par les compétences ne saurait remplir cette double fonction de l’éducation parce qu’elle « postule l’exacte correspondance quasi mécanique entre tel besoin individuel ou social, et les savoirs indispensables à sa satisfaction. À des « situations de vie » correspondraient restrictivement tels « savoirs » susceptibles d’en permettre la résolution. Par conséquent, au lieu de quelque prétendue complémentarité des savoirs s’intégrant dans une formation se voulant complète de l’homme, les programmes scolaires seraient plutôt élaborés à partir d’une identification préalable des « situations », « familles de situations », « cadres de contextualisation », à défaut de « rôle social », etc., auxquels correspondraient terme à terme, des compétences spécifiques à acquérir. Rien ne justifierait donc plus le maintien dans les programmes scolaires de savoirs ne visant pas de « potentielles situations » à résoudre. Ainsi, ces « morts », « sans objet », ou « savoirs déchets », et partant aussi « superflus » qu’inutilement encombrants pour les apprenants, auront sans pitié la poubelle pour destination finale. » (p. 117)

En soumettant, selon M. ESSOMBA FOUDA, la pédagogie à la sanction d’un tel pragmatisme, on fait inévitablement la promotion d’une médiocrité dans laquelle « on accepte que vingt divisés par deux donne huit fort ! » (p. 118).

S’il n’est évidemment pas question de l’Approche par les compétences ni de la Pédagogie par objectif dans les universités camerounaises, le problème de l’adéquation formation-emploi s’y pose avec les mêmes accents aigus qu’au primaire et au secondaire. C’est cela qui justifie la mise en place de la réforme LMD.

M. ESSOMBA FOUDA est également sceptique quant à l’efficacité du système LMD. Le défaut majeur de ce système est qu’il existe, à travers la multiplicité des École doctorales qui le constituent, comme un ensemble de manufactures de production des licences dont l’employabilité reste problématique. En donnant au LMD la fonction d’une incantation magique, on a tort de croire qu’il suffit d’adopter ce système pour que le problème de l’adéquation formation-emploi soit bien résolu.

L’essai de M. ESSOMBA FOUDA est certes dominé par l’analyse critique de la réforme du système éducatif camerounais, compte tenu de l’impropriété pédagogique des paradigmes qui le structurent. Mais l’auteur de cet essai ne brille pas seulement par la critique, puisqu’il propose, à l’issue d’un examen évidemment sévère du paradigme existant, un paradigme pédagogique de substitution susceptible, d’après lui, de sortir le système éducatif camerounais de l’impasse. Cet autre paradigme, c’est celui de « l’opérationnalité de la technoscience ».

Pour lui, si l’école n’a pas pu être à la hauteur des attentes sociales, c’est peut-être moins par sa propre faute que par le fait qu’on n’a pas su en tirer tout le potentiel de développement qu’il recèle. Le système éducatif a pour fin de doter les apprenants du savoir susceptible de les enrichir épistémologiquement parlant ; il a aussi pour fin l’éducation qui concourt à la socialisation des individus à travers l’intériorisation par eux des valeurs et des normes de leur groupe social d’appartenance. Ce qui, selon l’auteur, rime nécessairement avec « l’acquisition du savoir-faire ou des compétences de production » (p. 183) que l’Approche par les compétences a également en vue. C’est en mettant en perspective ces deux principales finalités, à savoir la finalité épistémologique et la finalité pédagogique qu’on peut accéder à la modernité, et produire par exemple des pharmaciens capables de concevoir et d’élaborer des médicaments adaptés au traitement de nos pathologies, en lieu et place de ces tenanciers de vente des produits pharmaceutiques madeà l’étranger (p. 192). Atteindre un réel développement nous permettant de passer de l’efficacité « des compétences technologiques de consommation » (pp. 193-196) aux « compétences technologiques productrices de technologies » (pp. 196-204), voilà la révolution copernicienne que le nouveau paradigme pédagogique proposé par M. ESSOMBA FOUDA peut réaliser. Cette révolution copernicienne consiste à « inverser l’état actuel des choses » (p. 205), de manière à pouvoir faire par exemple de l’université camerounaise la « source productrice des savoirs, des compétences et de ses propres programmes », ainsi que la locomotive du progrès collectif (p. 210).

En attendant que M. ESSOMBA FOUDA établisse la différence qui peut exister entre le paradigme de « l’opérationnalité de la technoscience » qu’il promeut et la voie de l’optimisme technoscientifique d’un Marcien TOWA, pour qui le chemin de l’émancipation et du développement de l’Afrique est celui de la domestication de la science et de la technique (cf. L’idée d’une philosophie négro-africaine, Yaoundé, CLE, 1979, p. 55), nous assurons que l’essai qu’il a commis à Paris en 2012, dans la collection « Enseignement et éducation en Afrique » des Éditions L’Harmattan, est une réflexion conceptuellement dense et bien structurée autour de la question de la réforme du système éducatif, relativement à l’opérationnalisation de la formation pour que nos écoles, collèges, lycées et universités ne continuent pas d’être des « fabriques de chômeurs ».

L'Harmattan-Cameroun, Yaoundé, le 29 janvier 2013.

 

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

 

 

 

 

 

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18 janvier 2013 5 18 /01 /janvier /2013 14:29

 professeur_ayissi.jpgSi, du mariage, François Hollande n’en sait encore vraiment rien, faute d’une expérience conjugale pouvant lui conférer, par rapport aux questions d’ordre matrimonial, la qualité de personne-ressource, il a cependant, en tant que président de la République française, le pouvoir de lui donner un sens autre que celui qui semble, à ses yeux, condamner à la frustration à vie les homosexuels et les lesbiennes. On peut donc comprendre que le président de tous les Français s’offusque de voir l’aspiration des homosexuels et des lesbiennes à la jouissance d’une vie matrimoniale frustrée, du fait d’une conception anachronique du mariage. Le nouveau sens que l’actuel président français entend donner au mariage est celui du décloisonnement de cette institution ou de son ouverture au profit de tous ses concitoyens, de manière à assurer au principe d’égalité la prospérité politique qu’il mérite dans toute véritable République. Abolir le régime des privilèges matrimoniaux qui profitait exclusivement aux hétérosexuels, telle est aussi la finalité à laquelle semble se subordonner l’universalisation du mariage par François Hollande.

Mais, le quantificateur universel (« tous ») que comporte l’approche formulaire adoptée par François Hollande pour publier son fameux slogan démagogique pose des problèmes de précision qui sont de nature à ouvrir grandement la porte aux unions conjugales entre frères et sœurs, entre pères et filles, entre mères et fils, entre frères et frères, entre sœurs et sœurs et, pourquoi pas, entre les hommes et les animaux, pour la simple et bonne raison que tous ont droit au mariage.

Après avoir établi que tous les Français ont le droit de se marier, François Hollande aura du mal à proscrire, à l’avenir, la formation d’unions conjugales incestueuses ou d’interdire à ses concitoyens d’épouser, par exemple, des lapins, des chiens, des chèvres, des chimpanzés, des serpents, des chevaux, des ânes, des chameaux, des dromadaires, etc.

Si, quant à la forme, le principe de tolérance matrimoniale peut avoir une certaine pertinence, la tolérance sexuelle dont il doit logiquement s’accompagner risque toutefois de poser, entre autres, des problèmes de pertinence éthique. Au nom de quoi François Hollande pourrait-il encore s’autoriser à réprimer par exemple la polygamie, la pédophilie ou la zoophilie si ceux qui la pratiquent ont, comme tous les autres Français, le droit d’accéder, suivant leurs préférences appétitives, à la paisible jouissance des aphrodisia ?

Ce problème, peut-on le constater, est la forme exemplaire de tous ceux qui peuvent résulter de la volonté de tout libéraliser en vertu du principe selon lequel il est interdit d’interdire. Étant donné que ce sophisme – dont le paradoxe logique rappelle celui du célèbre argument du Crétois – s’auto-réfute facilement, puisqu’il est en soi l’expression d’une proscription, il est méthodologiquement pertinent de soumettre la question de l’universalisation du mariage ou de l’homoparentalité à la sanction du principe de précaution, afin que l’humanité ne pâtisse pas, dans un futur proche ou lointain, des effets pervers du fétichisme de la tolérance.

 

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

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16 janvier 2013 3 16 /01 /janvier /2013 10:32

 

 professeur_ayissi.jpgEn allant en guerre, à la limite de la connivence, contre les djihadistes qui ont investi le Nord du Mali, la France, qui a pourtant officiellement opposé une fin de non-recevoir à l’appel de détresse de François Bozizé, fait si politiquement bonne figure, qu’elle laisse croire qu’elle est tout à fait dans son rôle, celui de défenseur des libertés et des droits de l’homme dans le monde. En cherchant à contenir, dans la mesure du possible, les effets de la pyromanie politique inconsidérément suscitée par Nicolas Sarkozy en Libye, la France donne l’impression d’assumer la responsabilité politique de ses actes.

Mais, jusqu’où pourra-t-elle faire preuve de responsabilité politique, quand on sait qu’elle a instrumentalisé, contre la Libye de Mouammar Kadhafi, le djihadisme dont elle donne aujourd’hui l’impression de combattre le terrorisme au Nord du Mali ? En finançant actuellement le même djihadisme dans le procès de destruction de la Syrie, la France ne l’accuse curieusement pas de terrorisme.

        Dans l’espoir que le pays de François Hollande ira jusqu’à s’attaquer au Qatar, le principal bailleur de fonds du djihadisme, et qu’il s’investira, s’il le faut par les armes, dans la libération de la Palestine, je trouve que l’inconséquence politique de son pragmatisme est si considérable qu’elle le place aujourd’hui dans la situation du serpent ou du scorpion qui se mord la queue.

 

Pr Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

 

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10 janvier 2013 4 10 /01 /janvier /2013 09:54

THÈME : TOWA PHILOSOPHE

 

TERMES DE RÉFÉRENCES

Marcien TOWA est mort à 83 ans (1931-2014) cette année. Il importe qu’une très bonne appropriation de la pensée d’un philosophe de cet âge, et surtout de cette envergure intellectuelle, se fasse, non pas dans l’esprit d’un simple bilan conceptuel, mais plutôt dans le sens de la réalisation d’un ensemble de contributions sous-tendues par une intention à la fois herméneutique et heuristique. Il s’agit précisément d’interpréter, voire de réinterpréter une philosophie qui, parce qu’elle a déjà un âge respectable, mérite qu’on la revisite pour voir dans quelle mesure elle résiste à l’épreuve du temps. En identifiant ce qui lui permet de subir, avec succès, l’épreuve corrosive de chronos, nous escomptons découvrir la force de ses ressorts théoriques et méthodologiques, de telle sorte qu’il nous soit possible de mettre en relief (et même en valeur) son vecteur logique, la pertinence de ses concepts et son actualité idéologique, toutes choses qui, en termes d’héritage, peuvent bien ressourcer les jeunes philosophes, qu’ils soient ou non les disciples de Towa. C’est ainsi qu’ils pourront, à leur tour, avoir l’ambition philosophique de construire des pensées susceptibles d’opposer la même résistance au temps.

À l’observation, l’ordre des motifs et celui des objectifs s’entrelacent ici. S’il nous faut, dans l’ordre des motifs, revisiter la pensée philosophique de Towa, c’est non seulement pour accéder à une meilleure intelligibilité de celle-ci, mais aussi pour nous approprier le mode d’élaboration d’une philosophie qui, pour l’essentiel, continue à ressourcer idéologiquement l’humanité, par-delà son espace-temps de parturition.

         Les projets de contribution qui pourront, par exemple, porter sur l’optimisme technoscientifique de Towa, la problématique de la révolution et du développement chez Towa, la critique « towaïenne » de la physiopsychologie, la place de la rationalité techoscientifique dans la philosophie du développement de Towa, Towa lecteur de Bacon, de Descartes, de Hegel et de Marx, Towa et la critique de la négritude et de l’ethnophilosophie, philosophie, science et iconoclasme chez Towa, etc., sont attendus le 15 mai 2013 à minuit. Le dernier délai de réception des textes définitivement rédigés est fixé au 31 août 2014 à minuit.

Normes protocolaires :

Format : 15 pages

Police : Times New Roman

Taille : 12

Interlignage : 1,5

Présentation des références : notes à disposer en bas de pages.

 

Contacts : layissi2000@yahoo.fr

                  ayissiphilosophe@hotmail.com

                  Téléphone : (237) 99 92 28 80

Le professeur Marcien TOWA

Le professeur Marcien TOWA

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