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28 novembre 2014 5 28 /11 /novembre /2014 05:23

Selon Pierre Péan, dont l’appétit du scandale et la recherche morbide du scoop sont connus de tous, Ali ne serait pas le fils d’Omar, comme si ce dernier l’invitait dans son laboratoire à prendre part, en tant que témoin oculaire ou assisté, à l’opération aphrodisiaque par laquelle les parents espèrent, à travers ce qui est à la fois un plaisir et une affaire, pouvoir s’auto-cloner et s’immortaliser par la procréation.

Même si, par hypothèse, c’était le cas, cela changerait-il quelque chose au fait qu’Ali Bongo est politiquement et économiquement gonflé de nobles ambitions pour son pays, le Gabon ? En attendant que Péan donne la preuve que le rapport de filiation est toujours naturellement ou essentiellement déterminé, à qui ferait-il croire que le christianisme pourrait être éthiquement dépourvu de sens au motif que Jésus ne serait peut-être pas le fils de Joseph le charpentier ?

Ces doutes indiquent combien le système de domination globale, qui est régie par l’idéologie de l’humiliation et de la légitimation de l’exploitation des autres, et que fait davantage prospérer le nouvel ordre marchand établi par la mondialisation, tend, à tout prix, à persévérer dans son être.

Si la faute d’Ali est de refuser de reproduire l’existant et de problématiser le nouvel ordre marchand dont se nourrit le système mondial de domination et d’exploitation des faibles, en dénonçant notamment l’expression de ses gargantuesques appétits financiers, alors il est souhaitable, pour son pays, qu’il ne soit pas le fils de son père ou, comme c’est en réalité le cas, qu’il soit un vrai parricide.

Pr. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

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3 novembre 2014 1 03 /11 /novembre /2014 07:44

Structuré en six chapitres qui sont assortis d’illustrations bibliographiques élaborées à partir d’un échantillon de dix présidents , le livre de M. Jean-Paul NTSENGUE a été publié cette année dans la collection « Mémoires » des Éditions Belles Lettres Cameroun. Intitulé, Le président de la République. Mythes et réalités du pouvoir exécutif, ce livre se présente comme une dynamique réflexive de type analytique, principalement construite autour de quatre questions majeures : 1) La question relative à l’identité du président de la République. Il s’agit précisément de savoir qui il est réellement, par-delà la légende dont il est entouré et les mythes dont s’enveloppe sa prestigieuse fonction ? 2) La question se rapportant à l’étendue de son pouvoir. 3) La question liée à ce qu’il doit faire, c’est-à-dire aux impératifs politiques qu’il doit assumer pendant l’exercice de son pouvoir. 4) La question qui renvoie à la qualité de sa gouvernance, donc à ce qu’il peut ordonner de faire.

Si ces quatre questions peuvent finalement se ramener à trois, parce que la question se rapportant à l’exercice de son pouvoir et celle liée à sa gouvernance peuvent se résumer en une seule, toutes ces questions sont des clés méthodologiques qu’instrumentalisent M. NTSENGUE afin de dévoiler l’identité du président de la République au terme d’un procès de démythification d’une figure politique qui cristallise beaucoup de passions dans le temps et dans l’espace, puisque sa fonction suscite et entretient dans les représentations populaires un pouvoir de fascination quasi érotique, lorsqu’il ne s’accompagne pas, dans l’esprit du président, de problèmes psychologiques variés allant du sentiment de solitude (p. 65) à la paranoïa politique. Celle-ci l’amène à entretenir des phobies et des obsessions protéiformes qui le prédisposent à chercher dans l’ésotérisme le rempart protecteur contre la malfaisance des esprits malveillants (p. 23).

Comme le lecteur va le constater, le dessein de l’auteur de ce livre s’explique surtout par son souci de permettre l’accès à la compréhension d’une figure politique qui incarne l’État au point de se confondre avec cette institution. C’est pour cette raison que M. NTSENGUE adopte le procédé positiviste qui privilégie l’approche analytique ou descriptive et non la démarche prescriptive. Ce « livre, dit-il précisément, rend plutôt compte, dans un souci de compréhension et de décryptage critique, de ce que le président de la République fait habituellement pour parvenir aux mêmes fins que Le Prince, en se jouant habilement des lois républicaines qui limitent pourtant son pouvoir » (p. 10). Dès le premier chapitre de son livre, M. NTSENGUE s’investit dans l’élaboration du portrait du président de la République, en dressant tour à tour ses profils psychologique, politique et physique. I-Le profil psychologique du président de la République D’après lui, le président de la République est « une personnalité complexe » (p. 11), dans la mesure où il s’agit non seulement d’un « stratège ambitieux et conquérant », mais aussi d’un « prédateur patient » (pp. 12-13). Pour donner à son aspiration à exister politiquement toutes les chances de prospérer effectivement, ce stratège ne s’accommode pas durablement de la situation de sujétion, fût-elle celle bienveillante de son mentor politique. Ce stratège est précisément un habile calculateur qui se représente la politique comme un « business rentable » (p. 52). C’est pour s’assurer la rentabilité de cette intéressante affaire qu’il impose un silence presque absolu à ses états d’âme. Car, selon M. NTSENGUE, c’est « une sorte de chasseur nocturne, impitoyable, que l’ambition stimulante et le rêve de grandeur bien souvent obsessionnel rendent implacable. Suivant la même logique, il ne reculera devant rien. Il pourra tout sacrifier sur l’autel de son ambition. Il délaisserait femme et enfants s’il le fallait, pour se consacrer entièrement à sa ‘‘mission’’ » (p. 13). Pour mieux profiler psychologiquement le président de la République, M. NTSENGUE recourt à la fois aux arguments d’ordre métaphysique et psychanalytique : le pragmatisme flegmatique avec lequel le président de la République s’organise à rentabiliser ses placements politiques – en exploitant en sa faveur, et grâce à son « intelligence des situations » (p. 15), toutes les occurrences possibles –, l’amène à penser qu’il a une essence ou une nature spécifique, celle des « stratèges-nés » (p. 12). Il a aussi une étoffe particulière, car il fait partie de ceux qui « sont servis par les lois naturelles et surnaturelles, les lois de la sélection des meilleurs » (pp. 18-19). Au terme d’une sommaire psychanalyse à la sanction de la laquelle M. NTSENGUE soumet la personnalité du président de la République, ce dernier apparaît également comme celui dont la passion du pouvoir a une fonction compensatrice, tant il est effectivement animé par la volonté de compenser un passé infantile malheureux. C’est pourquoi la psychologie de cet acteur politique correspond parfaitement à celle de ceux qui ont « le plus souvent connu une enfance difficile, ponctuée de frustrations, de souffrances, d’exclusion et d’humiliations » (pp. 13-14). La passion du pouvoir qui se remarque chez lui par la volonté de compenser un passé chargé de frustrations et d’humiliations est davantage accrue par sa tendance au messianisme : il se prend souvent pour celui sur qui Dieu a, par une prédilection mystérieuse, jeté son dévolu pour accomplir sa volonté dans l’histoire. L’importance de sa charge, aussi bien que les attentes dont l’exercice de son pouvoir est assorti, au niveau populaire, le prédisposent à se prendre pour un dieu bien qu’il n’en soit réellement pas un (p. 98). En plus de se prendre à la fois pour le maître du temps, du logos et de l’ergon, il lui arrive de croire pouvoir exister en marge du sillage de la mort. Lorsque le mythe de son invulnérabilité et de son immortalité se dissipe face à la maladie par rapport à laquelle son pronostic vital est engagé, il croit pouvoir lui survivre en s’auto-clonant politiquement. C’est le cas lorsqu’il marque sa préférence pour tel ou tel successeur à travers lequel il croit combler son rêve d’immortalité. Une telle opération est souvent rendue difficile par le fait que le successeur ou l’ « héritier présomptif » du président de la République doit être protégé à la fois contre son ego désormais boursoufflé par ses ambitions politiques et l’envie ou la jalousie des autres qui aspirent aussi à succéder au président de la République (pp. 101-104 ; 109-111). Grand manipulateur des symboles et, par conséquent, grand mystificateur (p. 25), le président de la République est aussi machiavélique (pp. 26-27). Aussi instrumentalise-t-il, suivant les circonstances politiques, la force ou la ruse pour exercer efficacement son pouvoir. Sa psychologie de paranoïaque, de superstitieux ou de fataliste explique pourquoi sa lecture du réel est souvent dominée par la croyance que la production des événements cosmiques est la conséquence de la dynamique des forces cosmiques dont il peut, pendant le temps d’incertitude ou d’adversité, solliciter la providence. C’est pourquoi, à en croire M. NTSENGUE, la plupart des présidents « consultent astrologues et marabouts de toutes obédiences avant tout déplacement, avant tout événement important et avant toute apparition publique ; ils laissent ceux-ci fixer leur emploi du temps et influer sur les décisions importantes qui, fatalement, ont une incidence inéluctable sur l’ensemble de l’État qu’ils dirigent. » (p. 20). En plus de ce profil psychologique du président de la République, M. NTSENGUE dresse aussi, pour une bonne compréhension de sa personnalité, son profil politique. II-Le profil politique du président de la République Le président de la République, c’est l’homme qui incarne politiquement l’État dont il a l’impérieux devoir d’assurer la permanence, la continuité, l’unité et la sécurité (p. 54). C’est pour cette raison qu’il appartient davantage à la Nation qu’à sa famille. Chargé de rechercher le bonheur du plus grand nombre en sachant résoudre la contradiction née non seulement de la pression du dedans et du dehors, mais aussi du mode conflictuel sur lequel les appétits particuliers se rapportent à l’intérêt général, il peut lui arriver de prendre, au nom de la raison d’État ou suivant l’intérêt public, des décisions douloureuses et susceptibles de le faire passer pour un monstre froid. La récurrence du verbe pouvoir dans le livre de M. NTSENGUE nous indique à suffisance qu’on est effectivement dans l’analytique du pouvoir politique de celui qui incarne l’État. Ce pouvoir peut s’hypertrophier et se concentrer entre les mains du président de la République. C’est par exemple le cas lorsqu’il se monarchise ; le spectre du pouvoir du président de la République peut aussi s’étendre, grâce aux mécanismes de la délégation, compte tenu du fait que le président ne peut pas toujours lui-même assurer « personnellement l’exécution des instructions qu’il donne à partir de son bureau » (p. 89). Il ne peut pas donner suite à toutes les sollicitations dont il est constamment l’objet : aussi se sert-il de ses collaborateurs comme des murs de protection (p. 90). Comment s’entourer de telle sorte que l’État qu’il incarne politiquement soit bien encadré ? telle est la question à laquelle il essaie constamment d’apporter une réponse appropriée par rapport à l’exercice d’un pouvoir exécutif dont la réalité est tout à fait à l’opposé des mythes dont on l’affuble, lesquels font le lit de la divinisation du président dans une dramaturgie politique où on croit qu’il joue le rôle du Démiurge. Mais, le risque est grand, relève M. NTSENGUE, que ceux-ci soient si déterminés par leurs ambitions politiques qu’ils arrivent non seulement à faire preuve de perfidie (p. 102), mais aussi à détourner politiquement le pouvoir à eux délégué des fins auxquelles il est censé se destiner. Lorsqu’ils font apparemment preuve de loyauté envers le président de la République, ils peuvent tout simplement en user dans le sens des desseins politiques conçus par lui.

Toutefois, le fait de ne pas pouvoir lire dans le grand livre des intentions de ses collaborateurs pour s’assurer que leur loyauté envers lui est authentique et que leur engagement est sérieux, complique sa volonté de déléguer sereinement son pouvoir à certains de ses collaborateurs. Cependant, puisque la délégation est un pis-aller nécessaire, le président de la République l’instrumentalise dans sa gouvernance. Ce qui ne manque pas de poser le problème de la responsabilité politique de celui à qui le pouvoir a été délégué et qui a, à tel ou tel moment, agi au nom du président. Le président de la République croit pouvoir prévenir ou résoudre, mais en vain, les problèmes dont s’accompagne le mécanisme politique de la délégation, en créant parfois des structures administratives ad hoc animées par des citoyens compétents et fiables, mais qui soumettent les services permanents à une pression concurrentielle : « Parce qu’ils comptent parmi les hommes du président, ces chefs de mission iront, affirme l’auteur, quelquefois jusqu’à donner des ordres aux services permanents et même à certains ministres. Or, ils sont censés transmettre les directives présidentielles, leur résister reviendrait à résister au chef de l’Exécutif lui-même » (p. 100). En plus des profils déjà indiqués par l’auteur de ce livre, il y a le profil physique. III-Le profil physique du président de la République On se représente le président de la République comme celui qui entretient des rapports si organiques avec l’État qu’il incarne politiquement qu’ « il apparaît dès lors tout à fait normal que la santé du président traduise la santé de l’État dans l’esprit de l’opinion ; que son absence implique l’absence d’État faute d’interlocuteur valable ; que l’effritement de son autorité entraîne la désintégration de l’autorité de l’État. Pour assurer la permanence et la continuité de l’État, un président de la République doit être en état d’exercer ses fonctions, physiquement et mentalement » (p. 106).

Conclusion

Ce livre permet de voir combien est importante l’étendue du pouvoir politique du président de la République et les devoirs politiques qui lui incombent en temps de paix comme en temps de guerre. Bien qu’il soit constitutionnellement bien défini, le pouvoir régalien du président de la République est si important qu’il rend presque impériale la fonction présidentielle (p. 75), tant ce pouvoir est à la fois celui de « juge suprême » (p. 76), de « commandant en chef » et de pilote du navire-État qu’il gouverne souvent selon l’avis des experts dont il s’entoure ou suivant son intuition et son intime conviction (p. 77). Un tel pouvoir peut s’hypertrophier pendant « l’État d’exception » (p. 79), au point de s’accompagner de sérieuses restrictions des droits et des libertés civils. Tout ce travail de profilage dans lequel s’est investi M. NTSENGUE consiste, comme le titre de l’ouvrage l’indique déjà, à présenter la réalité du président de la République après en avoir éventé les mythes qui l’occultent ou la dénaturent. Si M. NTSENGUE a su le faire à travers un livre bien documenté et en exploitant des cas emblématiques pouvant illustrer par exemple l’exceptionnalité du président de la République, il a aussi su le dire au moyen d’une écriture dont les qualités stylistiques rendent la lecture de ce livre à la fois agréable et aisée. Les sections des six chapitres qui en constituent la trame textuelle sont toujours bien introduites par des épigraphes qui en énoncent l’idée générale. Si M. NTSENGUE opte pour l’approche positiviste, cela n’aliène pas la volonté exprimée, de temps en temps, par cet auteur de suggérer des pistes de réflexion à travers des interrogations subtilement formulée et portant, par exemple, sur le privilège de l’Exécutif pouvant assurer au bénéficiaire du pouvoir délégué une quelconque immunité, au motif qu’il agissait en qualité de président de la République (p. 97), sur le régime concurrentiel qui peut naître des suites de la formation des structures ad hoc (p. 96) ou sur la « justiciabilité » du président de la République (pp. 68-69). Il s’agit donc d’un ouvrage très instructif qui n’intéresse pas seulement ceux qui ont la noble ambition d’incarner l’État. Il importe que chaque citoyen le lise pour prendre la mesure de ce qu’est réellement le président de la République, par-delà les mythes dont on le couvre.

Pr. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

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20 septembre 2014 6 20 /09 /septembre /2014 03:49

Le choix politique que l’Écosse, la terre natale de deux grands philosophes, à savoir David Hume (1711-1776) et Adam Smith (1723-1790), vient d'effectuer rappelle étrangement l’option du chien dans « Le loup et le chien » de Jean de La Fontaine.

En effet, dans cette fable, le chien préfère sa servitude dorée à une liberté marquée du sceau de la faim, de la crise et de la frustration. Une telle option politique qui s’explique principalement par le fait que la majorité des Écossais s’est interdite non seulement de tenter l’aventure politique qui consiste à exister comme peuple indépendant, mais aussi de mettre en péril l’union sacrée sans laquelle le Royaume uni ne mériterait plus son nom, a dû révolter les fantômes de farouches partisans du libéralisme comme Hume et son ami Smith.

Comment comprendre qu’au moment où les peuples se battent et se combattent de plus en plus pour résister à la pression politiquement et idéologiquement délétère du procès d’unitarisation du monde, dont la mondialisation n'est qu'une jolie métaphore, que le peuple écossais accepte de continuer à confier la gestion de son destin à la Reine, c’est-à-dire à une référence politique fort contestable, parce qu’anachronique dans une Europe très démocratisée ?

Le fait pour les Écossais de préférer la sujétion à l’indépendance dans un monde plutôt régi par un antifondationnalisme qui s’accompagne de plus en plus de la contestation des absolus, se comprend-il à partir du complexe de Stockholm, ce rapport de sympathie qui se noue généralement entre la victime et son bourreau, le vassal et son dominateur ?

Sans toutefois vouloir dire que les Écossais d’aujourd’hui sont des sujets de psychiatrie, nous pensons seulement que leur option politique est à la fois étonnante et détonante. Mais une chose est sûre, le fait que ceux qui militent pour l’indépendance soient de plus en plus nombreux en Écosse met, à terme, en péril l’empire de Sa Majesté et comporte d’heureuses incitations politiques pour les mouvements basques, catalans, corses, flamands, etc.

Pr. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

Lucien AYISSI à côté du bienveillant professeur Guillaume BWELE

Lucien AYISSI à côté du bienveillant professeur Guillaume BWELE

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25 août 2014 1 25 /08 /août /2014 13:34

Si l’orchestration et la chorégraphie de Fallait pas, cette chanson grâce à laquelle Coco Argentée cartonne au Cameroun en ce moment, sont de très bonne qualité artistique, cette musicienne camerounaise s’est gardée, pour des raisons sans doute pécuniaires, d’articuler l’esthétique à l’éthique. L’expression la plus pornographique et lubrique de son « envie de wang wang wang » ou de son « envie de faire… » illustre bien sa préférence marquée pour les orgies dionysiaques par rapport à la mesure ou à la tempérance apolloniennes.

En faisant subir à dikè de graves préjudices éthiques au profit de l’hybris dans un contexte où il est pourtant question, tout au moins formellement, de métroniser les âmes ou de bien les gouverner afin qu’elles se soumettent au sage principe de modération ou de pondération, gage d’un convivre véritablement humain, Coco Argentée prouve que l’éthique est le cadet de ses soucis.

Sans qu’il soit besoin d’établir analytiquement que ce qui fait « wang wang wang » est nécessairement si vétuste ou mal boulonné qu’il dissipe chez celui qui pouvait en avoir l’envie, le désir de l’instrumentaliser à des fins aphrodisiaques, il est tout à fait évident que dans cette « chanson de Sodome et Gomorrhe » , l’éthique est fort aliénée par la pression des pulsions érotiques tellement violentes que les préoccupations y relatives sont envisagées comme d’inadmissibles restrictions à la pleine existence de la personne dont l’envie sexuelle est trop boulimique pour que son expression s’accommode de la moindre réticence de son partenaire.

En procédant donc à la gomorrhisation de l’esthétique de sa musique de manière à produire efficacement un grand effet pornographique sonore, Coco Argentée a surtout réussi à prouver, sans nécessité aucune, que dans l’actuelle marchandisation globale, on peut très bien vendre des produits de certaines qualités en laissant tranquillement sa conscience morale au vestiaire.

Comment continuer d’exprimer les multiples envies dont nous sommes naturellement chargés, sans que cela n’altère notre sens de l’éthique ? telle est l’une des questions que nous pouvons nous poser à la suite de la crise de l’éthique qui sévit dans l’esthétique musicale de Coco Argentée.

Pr. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

La crise de l’éthique dans l’esthétique musicale de Coco Argentée
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10 août 2014 7 10 /08 /août /2014 15:38

Monsieur le ministre de l’Enseignement Supérieur,

Messieurs les Recteurs,

Mesdames et messieurs, en vos rangs, grades et titres,

Chers étudiants,

Qu’il ne me soit pas reproché de ne pas faire preuve d’érudition ou de technicité savante en pareille circonstance, celle qui est tout à fait différente de toute autre, compte tenu du fait qu’elle ne peut, suivant le principe d’identité, être pareille qu’à elle-même.

On pourrait, à juste titre, m’accuser de violer le principe de proportion en vertu duquel à un grand événement doit nécessairement correspondre un laïus de très noble qualité rhétorique et scientifique, surtout si on s’attend que mon hommage soit à la mesure de la grandeur intellectuelle du disparu, celui qui, faut-il le préciser, fait partie de cette catégorie de personnes que les Grecs appelaient musicos aner, ce qu’on pourrait traduire par

« homme de culture ».

Mesdames et messieurs,

Si je dois m’efforcer d’élever la qualité de mon propos à la dimension de cet événement, je vais cependant m’interdire de profiter de cette circonstance pour faire prospérer ici cette vantardise par laquelle les vivants croient pouvoir régner efficacement sur les morts.

L’hommage que je vais faire, en tant que chef du Département de Philosophie, fonction que l’illustre disparu a durablement, magistralement et admirablement exercée quand j’étais étudiant à l’Université de Yaoundé sera, avec votre permission, précédé de l’expression de mon pénible vécu.

Mesdames et messieurs,

Après avoir appris le 02 juillet que le Professeur Marcien Towa n’a pas pu survivre à la douleur térébrante que lui infligeait le cancer depuis un certain temps, je n’ai pas pu me rendre immédiatement au domicile du défunt pour trois principales raisons : 1) n’ayant pas une psychologie adaptée à ce genre d’événements, je n’ai pas eu le courage d’affronter, chez mon Maître vénéré, le grand vide consécutif à sa disparition ; 2) craignant que le poids de la charge émotive dont s’accompagne toujours un événement aussi macabre que révoltant ne m’empêche d’assumer honorablement le difficile devoir de dignité qui s’impose dans ce cas, j’ai dû différer ma rencontre avec le grand vide ; 3) n’étant pas très doué dans l’élaboration de merveilleuses approches formulaires à déployer en pareille circonstance pour consoler efficacement la famille éprouvée, j’ai préféré me garder d’aller ce jour-là à Emonbo, le quartier résidentiel de l’illustre disparu, de peur de faire preuve de maladresse en adressant à la veuve éplorée des propos pouvant être inappropriés.

Mais, comme je ne pouvais pas ne pas m’y rendre, j’ai pu finalement assumer ce devoir après un sérieux réarmement psychologique.

Mesdames et messieurs,

Rendre un hommage très mérité à une icône, tout en évitant les pièges de l’iconolâtrie, est la tâche que je vais ici et maintenant m’efforcer de bien accomplir Au commencement de la philosophie camerounaise et africaine, il y avait un Towa et un seul. Aujourd’hui, la philosophie camerounaise et africaine en compte beaucoup. Il s’agit désormais d’une communauté idéologiquement hétérogène et démographiquement pléthorique, mais dont Towa demeure le point philosophique focal, parce qu’il a su élaborer des thèmes conceptuellement novateurs, porteurs et dont l’actualité n’a pas besoin d’être établie. Révolutionner méthodologiquement et conceptuellement la philosophie africaine en reformulant, à nouveaux frais, la question de son existence par-delà l’idéologie de l’impérialisme européen et cette « crypto-théologie » qu’est l’ethnophilosophie comme Towa l’a fait dans L’Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle, établir, notamment dans Léopold Sédar Senghor : négritude ou servitude, à partir d’une approche typologique, un distinguo entre la négritude de la libération et celle de l’aliénation ou de l’asservissement, procéder, comme c’est le cas dans L’Idée d’une philosophie négro-africaine, à une meilleure appropriation philosophique des formes symboliques africaines pour établir, contre les idéologues de l’impérialisme européen et leurs avatars africains, que la mentalité négro-africaine n’est pas en soi prélogique, penser l’identité, comme cela se vérifie dans Identité et transcendance, non pas en fonction du fixisme ontologique qui fait le lit du prédéterminisme biologique ou de l’essentialisme, mais suivant sa propre dynamique constitutionnelle, celle qui fait que l’identité rime nécessairement avec la transcendance, faire la chasse aux épistémophobes, technophobes et autres mystagogues – ces promoteurs fanatiques et dangereux de l’obscurantisme qui écument aussi bien l’espace public que les temples de la science – par la promotion constante de la rationalité technoscientifique, gage, d’après l’illustre disparu, de l’émancipation et du développement des peuples et des États, interroger le passé culturel africain de manière à le débarrasser de tout ce qui est justiciable de notre défaite et, par conséquent, de notre domination à l’issue de notre rapport à l’Autre, protéger la personnalité africaine à travers la promotion des langues africaines, œuvrer à « l’effondrement du système mondial de domination », afin de libérer la créativité des peuples et multiplier « les centres créateurs de culture conscients de leurs limitations et, pour cette raison, ouverts les uns sur les autres » (Identité et transcendance, p. 345), soumettre l’Absolu au débat suivant une approche essentiellement iconoclaste, etc. sont des problématiques que Marcien Towa a inscrites dans le budget de sa philosophie de la libération et de l’émancipation des peuples et des États africains. Dans le riche répertoire de cette philosophie, il faut ajouter la question de la formation des jeunes appelés à assurer à une Afrique unie, suivant le vœu qu’il partageait tout à fait avec Kwame Nkrumah, un avenir si radieux qu’elle ne soit plus le simple pâturage économique qu’il continue d’être dans la mondialisation actuelle.

La pluralité évidente de cette offre thématique n’est nullement la preuve de l’atomisation ou de la diaspora logique de ses concepts constitutifs. Cette évidente pluralité cache mal la cohérence thématique d’une philosophie qui s’articule plutôt autour d’une question principale, celle de la libération et de l’émancipation de l’Afrique. C’est ainsi que le problème du cosmpolitisme que Towa a anticipé dans Léopold Sédar Senghor : négritude ou servitude, l’aventure prométhéenne dans laquelle il engage l’Africain dans le sens de la « domestication » de la rationalité technoscientique occidentale ou la philosophie du développement qu’il expose dans Valeurs culturelles et développement, se destinent à la libération et à l’émancipation de l’Afrique. C’est par là que l’Africain peut, selon lui, reprendre « l’initiative anthropologique » et espérer pouvoir exister dans un monde dont la lisibilité est de plus en plus problématique. Il ne saurait jamais procéder à la reprise d’une telle initiative en se contentant de donner son identité présente en spectacle ni en prenant sa différence objective pour un motif d’autoglorification. D’après Towa, si « Notre identité présente se caractérise par la faiblesse, la domination directe ou indirecte, l’humiliation et la dégradation de nos cultures (…), le culte de notre identité présente et la différence avec l’Europe signifierait donc le maintien de notre impuissance et de notre dépendance ouverte ou dissimulée. La plus grande différence actuelle entre l’Occident et l’Afrique est celle qu’il y a entre le maître et l’esclave. La différence entre un homme libre et un homme asservi est, selon nous, la plus grande différence qui puisse se concevoir entre des êtres humains : c’est la différence entre celui qui exerce le pouvoir d’initiative et de création et celui qui en est privé et qui, de ce fait, est ramené à une existence naturelle infrahumaine. » (Identité et transcendance, p. 341).

C’est en lecteur avisé de Platon, de Bacon, de Descartes, de Hegel, de Marx, de Sartre et de Nkrumah que Towa thématise, de façon tout à fait pertinente, la question de la libération et de l’émancipation de l’Afrique suivant une approche révolutionnaire très critique à l’égard de la mentalité mythique et de l’éthique de l’ajustement ou de l’accommodement. L’optimisme technoscientifique qui caractérise sa philosophie de la libération et de l’émancipation est d’une évidente actualité : l’arrogance jupitérienne avec laquelle ceux qui maîtrisent la technoscience se rapportent aux autres dans le temps et dans l’espace est la preuve par les faits que la « domestication » de la science et de la technique est la voie royale de l’émergence et du développement de l’Afrique. Selon Towa, « nous devons comprendre que la force de la bourgeoisie internationale c’est en définitive la force de la matière domestiquée par la science et la technologie. Si nous voulons être forts nous aussi – et il le faut bien si nous sommes résolus à nous libérer de l’impérialisme européen – il est aisé de voir ce que nous avons à faire : maîtriser à notre tour la science et la technologie moderne pour disposer de la force de la matière, au lieu de nous en prendre au matérialisme de la civilisation industrielle sous prétexte que le Nègre serait essentiellement religieux et spiritualiste. » (L’Idée d’une philosophie négro-africaine, p. 55). Les crises irakienne, libyenne, palestinienne, syrienne, ukrainienne, etc., lui donnent tout à fait raison aujourd’hui.

Comme on peut le remarquer, le Professeur Towa a élaboré une pensée qui n’a pas besoin d’être monumentalisée, parce qu’elle est monumentale en soi. Il s’agit, en fait, d’un monument qu’on doit entretenir et promouvoir. Son entretien et sa promotion ne consistent pas, faut-il le dire, à le soumettre à la sanction de la mimésis ou du simple clonage reproductif. Étant donné que Towa est un modèle unique en son genre, même s’il a su, dans le brillant passage qu’il a effectué de monos à plèthos, se reproduire au point de laisser à la postérité un ensemble démographique pléthorique, il est tout à fait irreproductible.

Que devrons donc nous faire et que nous sera-t-il permis d’espérer après la disparition de notre grand Maître vénéré ? Les accents fort kantiens de ces interrogations ne sont nullement empreints de pessimisme.

Professeur, cher Maître vénéré,

Nous n’avons certes pas votre gabarit, celui qui me faisait toujours dire que vous étiez trop grand pour notre petit monde politiquement cruel, intellectuellement pauvre et moralement immonde. Il fallait nécessairement des géants comme vous pour susciter et développer en nous le sens de l’élévation, de manière à contribuer ainsi à la correction efficace de notre marasme intellectuel et de notre nanisme éthique.

Bien que nous n’ayons pas votre gabarit, nous avons heureusement votre étoffe. C’est vous-mêmes, grand Maître, qui nous avez étoffés de telle sorte que nous soyons aptes à poursuivre, avec bonheur, les combats que vous avez menés toute votre vie durant. Compte tenu du fait que nous avons été philosophiquement très bien étoffés par vous, nous prenons solennellement et fermement l’engagement d’incarner et de promouvoir l’esprit towa qui correspond parfaitement à l’esprit philosophique. Nous cultiverons en nous-mêmes et chez nos étudiants ce sens élevé de la sagesse qui vous faisait royalement mépriser les multiples attaques de la fortune et de l’opinion. Comme vous, nous nous efforcerons de faire l’impasse sur les outrages de la fortune et les attaques de l’opinion. Nous poursuivrons, parce que nous en avons les outils méthodologiques et conceptuels, la lutte titanesque que vous avez engagée contre les épistémophobes, les technophobes et les mystagogues qui occupent pernicieusement notre cité et se rendent complices de notre arriération technoscientifique.

En dépit du fait que nous ne soyons pas ontologiquement aussi bien proportionnés que vous – il n’est pas besoin de dire que vous étiez un grand esprit dans un grand corps –, nous ferons, étant donné que nous avons votre étoffe, l’effort de nous doter d’une dimension éthique analogue à la vôtre, celle-là même qui vous faisait prendre en pitié tous ceux qui s’éloignent de l’essentiel en s’investissant constamment dans de puérils petits combats de puces. Nous vous assurons, cher Maître vénéré, que nous éviterons ces vains combats de puces qui faisaient dire à Voltaire que « les hommes sont des insectes qui se dévorent inutilement sur un atome de boue ». Nous vous promettons d’élever, au double sens pédagogique et pastoral de ce terme, nos étudiants, avec cette même bienveillance qui expliquait, à l’époque de Socrate et de Platon, pourquoi l’homophilie spirituelle gouvernait constamment les rapports de l’éraste à l’éromène. C’est parce que vous étiez pédagogiquement bienveillant à notre égard que vous ne nous regardiez ni avec les appétits infanticides de Cronos ni avec la condescendance sur le mode de laquelle Gulliver se rapportait aux lilliputiens.

Nous garderons allumé le flambeau philosophique que vous nous cédez. Nous jurons que nous nous rendrons toujours dignes de vous. Pour cela, nous ferons nôtre cette maxime des disciples d’Épicure : « Agis toujours comme si Épicure te voyait ». Nous nous déterminons à penser et à agir, partout et toujours, comme si Towa nous voyait.

Nous réparerons l’outrage que Chronos, Pathos et Thanatos vous ont fait subir. Ce que ces trois-là n’ont pas compris, c’est qu’une figure de votre race, non de votre classe ne défère jamais à leurs petites sommations interpellatives. Des personnes de votre stature intellectuelle et morale ne répondent jamais aux petites questions, fussent-elles brutalement posées à la fois par Chronos, Pathos et Thanatos. Les lourdes défaites que vous leur avez infligées en entrant dans l’éternité malgré les divers petits complots qu’ils ont pu ourdir contre vous, prouvent, si cela était encore nécessaire, que même réunis ces trois monstres ne peuvent jamais parvenir à vous sortir de l’Académos.

Que nous sera-t-il donc permis d’espérer lorsque nous aurons assumé tous ces devoirs et respecté nos engagements envers vous ?

Il y a non seulement la jouissance méritée du grand patrimoine intellectuel que vous nous faites l’honneur de nous léguer et que nous nous chargerons d’enrichir, mais aussi la possibilité d’entrer dans une histoire où une place royale vous était assurée bien avant votre disparition. Nous espérons enfin que nous aurons votre chance, celle d’être célébré aussi par nos propres étudiants, quand il faudra que nous déférions, tôt ou tard et malgré nous, à l’implacable et macabre citation de Thanatos.

Grand Maître,

Si vous avez pu écrire votre nom en lettres d’or dans l’histoire, c’est parce que vous avez su inscrire votre pensée dans une pertinente et heureuse chaîne de finalités théoriques et pratiques. C’est aussi parce que vous n’étiez pas un accumulateur, que dis-je un de ces syllogomaniaques qui ne rêvent que d’entasser et qui courent, même au sacrifice de leur corps et de leur âme, lorsqu’ils en ont encore une, après le pouvoir et l’avoir dans l’espoir d’augmenter leur être. Ce serait vous caractériser improprement en disant que vous étiez tempérant, car vous étiez plutôt la tempérance même. Parce que votre corps esthétiquement bien déterminé abritait une âme mesurée ou pondérée, vous étiez l’incarnation du kallos kagathos de Grecs antiques. Si vous vous êtes immortalisé en devenant un prestigieux monument et une très célèbre institution d’envergure internationale, c’est parce qu’en plus d’incarner le kallos kagathos des Grecs antiques, vous vous êtes plutôt investi, pendant toute votre vie, dans l’accroissement de la pensée, c’est-à-dire ce que l’homme a d’essentiel.

Dans votre recherche constante de l’or, vous avez toujours su héroïquement éviter les ordures dans lesquelles le commun des mortels se plaît à tremper les mains. Vous étiez d’une autre trempe, celle de ceux qui méprisent souverainement l’intrigue, la fourberie des Scapin, l’éristique des sophistes qui instrumentalisent cyniquement la chicane et convoquent, sans nécessité, Polèmos là où il est pourtant question d’établir dialectiquement la vérité grâce à la saine discussion fondée sur l’éthique de l’écoute et du respect de l’altérité.

Professeur,

C’est dans cet amphithéâtre que vous nous inondiez, sans jamais vouloir nous noyer, de votre savoir combien encyclopédique. C’est dans cette même salle que nous devons nous séparer dans l’espoir de nous retrouver, dans une autre salle, au mois de novembre 2014 pour cet échange philosophique que nous aurons avec vous à travers l’ouvrage collectif que nous sommes en train de réaliser sur votre pensée, et dont le titre, Towa philosophe, est en soi une belle tautologie. Vous ne nous avez pas laissé de consignes particulières. Un philosophe grec, qu’il n’est pas important de nommer ici, l’avait fait. Suivant ses volontés testamentaires, ses disciples devaient laisser sa dépouille à la discrétion des asticots, afin qu’en se décomposant elle pût fertiliser la terre, nourrir les plantes, les oiseaux et faire le bonheur gastronomique des chiens. Mais c’était peine perdue, puisque ses disciples passèrent outre cette consigne cynique et lui réservèrent de fastes obsèques.

Ce n’est pas par peur que vos consignes testamentaires ne soient exécutées par des disciples indisciplinés que vous ne nous avez rien prescrit. Vous étiez tellement épris de liberté que vous ne pouviez pas consigner la volonté de vos disciples en leur imposant, outre-tombe, des devoirs probablement très difficiles à assumer par eux. En disant, dans l’Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle que « La philosophie ne commence qu’avec la décision de soumettre l’héritage philosophique et culturel à une critique sans complaisance » (p. 30) ou que « La philosophie est peut-être la seule discipline qui a le courage et la force de soumettre ouvertement l’Absolu à la discussion, de le prendre comme objet de débats publics, débats qui ne sont pas seulement formels puisqu’ils aboutissent souvent à le détrôner » (Ibid., p. 31), vous aviez déjà précisément consigné toute votre pensée. En affirmant que « pour ouvrir la voie à un développement philosophique en Afrique, il faut, que résolument, nous nous détournions de l’ethno-philosophie, aussi bien de sa problématique que de ses méthodes » (Ibid., p. 35), en critiquant le « culte de la différence » fondée sur « la revendication d’une dignité anthropologique propre », et en préconisant l’aliénation stratégique adoptée par « tous les pays qui ont pu échapper à l’impérialisme européen » parce qu’ils « ont dû se nier pour s’approprier le secret de la puissance européenne », vous aviez, à suffisance, indiqué la méthode que l’Afrique doit adopter pour se libérer et s’émanciper pour devenir incolonisable par l’Autre (Ibid., pp. 45-46).

Professeur, cher Maître vénéré,

Vous ne croyiez pas à l’existence d’une vie future. Moi non plus. Cependant, si nous admettons par hypothèse qu’elle existe, hypothèse imaginable dans le cadre des antinomies de la raison pure d’un Emmanuel Kant, je vous prie de saluer les Professeurs Bernard Nanga et Joseph Ngoué. Je vous prie également de leur dire que nous qui avons eu le privilège d’être très bien formés par vous, tenons la philosophie par le bon bout. Oui, par le bon bout !

Au revoir Professeur et cher Maître vénéré

Vive l'esprit towa

Vive la Philosophie

Pr. Lucien AYISSI

Chef du Département de Philosophie

Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines

Université de Yaoundé I (Cameroun)

TOWA LE GRAND

TOWA LE GRAND

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1 août 2014 5 01 /08 /août /2014 14:58

« Pala Pala », cette chanson qui fait musicalement recette non seulement au Cameroun, mais aussi en Côte d’Ivoire et au Gabon est celle d’une Camerounaise appelée Mani Bella. Si l’aspect thématique de cette chanson donne l’impression d’être varié, parce que son auteur y présente l’amour tel qu’il peut être envoûtant, envahissant et invalidant, en même temps qu’il y exprime le sentiment de révolte dû aux conséquences d’un amour authentique, mais inutile et nuisible, cette apparence de diversité thématique se dissipe lorsqu’on rapporte la dimension esthétique de son opus à son éthique du refus. Cette éthique du refus qui est motivée par les déceptions dont s’accompagne l’amour authentique se fonde sur le rejet du principe de gratuité qui régissait jusque-là son offre aphrodisiaque. Aussi se résout-elle désormais à mettre un terme à un amour dont la générosité est effectivement dépourvue de tout intérêt. Ce qu’elle refuse précisément, c’est ce dont son amour était naguère chargé et qu’elle répertorie avec force détails au moyen d’une sémantique dont l’obscénité est finalisée sur l’hyperbolisation de sa révolte. Sont par exemple « finis », d’après elle, le ndjo, l’akap zud, etc. Ce qu’il y a également lieu de comprendre, c’est que l’éthique du refus de Mani Bella, remarquable par le fait qu’elle frappe du sceau du véto le ndjo ou l’akap zud, correspond réellement à l’éthique marchande qui gouverne la mondialisation actuelle. En substituant au principe de gratuité le principe d’utilité, Mani Bella ne s’affirme pas seulement comme une idéaliste révoltée. Elle se dévoile aussi et surtout comme une personne déterminée à adapter son sentir et son agir aux nécessités de l’histoire et à instrumentaliser son corps de manière à pouvoir relever, avec bonheur, les multiples défis des impératifs de l’actuel ordre mondial d’exploitation économique et de domination politique. L’éthique du refus de Mani Bella s’inscrit donc, à proprement parler, dans le vaste procès de marchandisation globale qui ne laisse ni au ndjo ni à l’akap zud la moindre de chance de prospérer.

Pr. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

Lucien Ayissi recevant le Grand prix littéraire ANELCAM 2012

Lucien Ayissi recevant le Grand prix littéraire ANELCAM 2012

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9 juillet 2014 3 09 /07 /juillet /2014 21:30
A propos des problèmes d'éthique de Nicolas Sarkozy

L'ex-président français, Nicolas Sarkozy, a des soucis en ce moment. C'est le moins qu'on puisse d'ailleurs dire. En plus des questions relatives à la mal-gouvernance de son parti, l'UMP, et qui font croire, par exemple, à Christian Estrosi que ce parti est condamné à disparaître, tant il est non seulement miné par les malversations de toutes sortes, mais aussi parce qu'il s'agit, selon lui, d'un parti "bourgeois et élitiste", Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour corruption active et trafic d'influence. Ce qui est surtout ridicule dans cette affaire, c'est qu'en usant de son droit de se défendre, Nicolas Sarkozy recourt aux mêmes arguments que certains Camerounais embastillés pour cause de corruption. Dans l'un et l'autre cas, on se figure être victime d'un harcèlement judiciaire motivé par des raisons d'ordre politique.

Mais, en sollicitant la même justice dans l'espoir de faire condamner Dominique de Villepin, Nicolas Sarkozy ne s'est pas rendu compte, lorsqu'il était au pouvoir, du fait qu'il recourait à une justice susceptible d'être politisée. Sa ligne de défense n'est-elle pas l'expression du désarroi de celui qui mesure sur le tard la gravité des imputations d'illégalité qui pèsent sur lui du fait de la désinvolture avec laquelle il instrumentalisait le pouvoir politique?

En attendant qu'on puisse répondre de façon pertinente à cette question, une chose est sûre, c'est que Nicolas Sarkozy qui a naïvement cru, comme tous les dictateurs de la planète terre, qu'il pouvait impunément s'autoriser à faire la pluie et le beau temps aussi bien en France qu'en Afrique, a de sérieux soucis en ce moment.

Pr. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

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9 juin 2014 1 09 /06 /juin /2014 16:56

Si on peut être sûr d’une chose dans la récente prise d’otages qui a eu lieu à l’Extrême-Nord du Cameroun, c’est que Sœur Gilberte a souri à plusieurs reprises à ses ravisseurs. Bien que le joli sourire de cette religieuse fort sympathique n’ait pas désarmé des ravisseurs aussi inhumains que crapuleux, il traduit à la fois cette bonté d’âme et cette générosité dont notre monde est de plus en plus en crise. En opposant un joli sourire inaltérable à la laideur d’un monde de plus en plus peuplé de violents et de méchants, Sœur Gilberte contribue de la sorte à la correction de l’esthétique disgracieuse d’une planète terre résolument engagée dans un procès de zoologisation tel qu’on doive malheureusement s’accoutumer à voir soit des brutes anthropomorphes transformer des personnes fort respectables en objets de rapts crapuleux, soit des passionnés du lucre donner leurs femmes ou leurs filles en location sexuelle à des pervers de tout poil. Bien qu’inefficace, le joli sourire inaltérable de Sœur Gilberte est la preuve que l’espoir n’est pas tout à fait perdu. La possibilité de sourire dans un monde démographiquement saturé de brutes violentes et méchantes permet d’espérer que la bonté et la beauté continuent d’être, malgré tout, des référentiels éthiques et esthétiques.

Pr. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

Le Professeur Marcien TOWA félicitant le Docteur Lucien AYISSI

Le Professeur Marcien TOWA félicitant le Docteur Lucien AYISSI

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20 mai 2014 2 20 /05 /mai /2014 10:40

En faisant comparaître au pied de sa grandeur les présidents Goodluck Jonathan, Paul Biya, Idriss Deby, Mahamadou Issoufou et Yayi Boni, pour résoudre les problèmes de sécurité que pose Boko Haram, François Hollande n’a pas seulement fait montre de l’arrogance jupitérienne qui caractérise habituellement la France dans son rapport à l’Afrique. Il a, par le fait même, laissé croire que la France a les solutions liées aux problèmes que suscite, depuis un certain nombre d’années déjà, une secte islamiste aussi obscurantiste que violente.

Avant de proposer ou d’imposer des solutions en termes de mutualisation des efforts ou de coordination du renseignement dans le sens de la systématisation de la traque de Boko Haram, François Hollande doit se rappeler que les problèmes de sécurité et de stabilité que pose Boko Haram aux pays dont il a récemment convoqué les chefs d’États sont, en grande partie, le fait ou même la faute d’un certain Nicolas Sarkozy, ex-président français, qui a lâchement fait assassiner, pour des raisons inavouées, le colonel Kadhafi de Libye. La circulation des armes lourdes, qui profite, à la faveur de la porosité des frontières et surtout de la corruption et des collusions diverses, aux brutes extrêmement violentes de Boko Haram, se comprend donc comme la conséquence de l’ambiguïté qui régit le rapport des Français en particulier et des Occidentaux en général au djihadisme. Car, tout en donnant l’impression de le combattre, ils ne ratent jamais l’occasion de l’instrumentaliser à des fins de déstabilisation politique des États. Pour résoudre efficacement les problèmes de sécurité que pose Boko Haram, ne faut-il pas aussi inscrire dans le répertoire des bonnes intentions, la condamnation des bailleurs de fonds des djihadistes – qui sont, comme par hasard, les amis de la France – et ceux qui les arment et les instrumentalisent, notamment en Syrie, pour contenter leurs appétits politiques et économiques ?

Si les forces de sécurité des pays concernés doivent donner la preuve d’être plus intelligentes que la bande de brutes armées de Boko Haram, les États auxquels ce dernier impose la nécessité de sa sauvagerie doivent surtout s’organiser de telle sorte que les renseignements coordonnés par eux ne soient pas détournés à d’autres fins par ceux qui se plaisent à dealer avec les djihadistes pour réaliser des objectifs pouvant être tout à fait en contradiction avec ceux que le Nigéria, le Cameroun, le Niger, le Tchad et le Bénin ont en vue.

Pr. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

Lucien AYISSI en classe de 3ème au collège Jean XXIII d'Efok

Lucien AYISSI en classe de 3ème au collège Jean XXIII d'Efok

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12 mai 2014 1 12 /05 /mai /2014 01:42

‘‘Bring back our girls’’, telle est la formule incantatoire que récitent en chœur, depuis le Nigéria jusqu’aux États-Unis, tous ceux qui condamnent, avec raison, le rapt des jeunes filles perpétré dans un lycée nigérian par la secte islamiste, Boko Haram.

Mais comment peut-on croire que ceux qui ont enlevé, sans droit ni qualité, 234 filles d’autrui et brûlé un établissement scolaire seront si sensibles à un message à eux adressé dans une langue occidentale qu’ils rendront, après l’avoir lu, des filles qu’ils destinent à d’autres fins ?

Comment peut-on se figurer que des brutes qui affectionnent la violence et prennent l’obscurantisme pour point d’Archimède idéologique, peuvent, malgré tout, se montrer sensibles à la détresse des parents et raisonnables au point de déférer finalement à la volonté de tous ceux qui condamnent leur crime ?

Cette formule incantatoire a certes pour fonction de mobiliser l’opinion internationale contre ces sortes d’abus. Mais affecter à l’incantation l’efficacité qu’elle ne saurait jamais avoir, c’est recourir à la magie là où il est plutôt question d’agir de telle sorte que les jeunes filles kidnappées soient libérées dans les meilleurs délais, et que la récidive de cet acte n’ait plus jamais lieu dans le monde. Espérer que le Dieu d’Abraham, d’Ismaël, d’Isaac et de Jacob va opérer un miracle en faveur des filles kidnappées, c’est avouer son impuissance face à un problème de sécurité que la première puissance économique de l’Afrique ne parvient paradoxalement pas à résoudre par la nécessité de ses propres capacités politiques.

La communauté internationale qui excelle dans l’art de mettre le monde en forme a ici l’occasion de donner, encore une fois de plus, la preuve de sa puissance en collaborant à la rapide libération des filles kidnappées par les brutes armées de Boko Haram.

Pr. Lucien AYISSI

Université de Yaoundé I (Cameroun)

Le Professeur Ebénézer NJOH MOUELLE et le Docteur Lucien AYISSI à la sortie d'un colloque de philosophie à l'UCAC

Le Professeur Ebénézer NJOH MOUELLE et le Docteur Lucien AYISSI à la sortie d'un colloque de philosophie à l'UCAC

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